FRANC CFA : LE RÔLE DE LA MONNAIE AU SEIN D’UNE ECONOMIE

La BCEAO prend de la sorte un virage néolibéral, monétariste, qui sera lourd de conséquence pour les économies de la zone. Déjà très absent dans la promotion du secteur privé dans la zone UEMOA, le "tout sauf l’inflation" de cette reforme risque de contrarier la distribution des crédits bancaires par les banques.
Cet article se propose donc de revenir encore une fois sur le rôle de la monnaie au sein d’une économie et le danger de son musèlement. Au terme de cet article, nous espérons que le lecteur aura discerné le mimétisme monétaire de la BCEAO et surtout ses actions anti-développement des pays membres.
Pour ce faire, il serait utile de procéder à une lecture chronologique. Il faudra présenter sommairement l’avènement du monétarisme. Cela nous aidera à bien illustrer le mimétisme monétaire de la BCEAO. Avec de tels acquis, il sera possible d’affirmer que la BCEAO est contre le développement des Etats de l’Afrique de l’Ouest.

L’AVENEMENT DU MONETARISME

Essayons ici de lever une incompréhension qui trouve son origine dans l’amalgame des concepts en économie. Le théoricien de la monnaie n’est forcement pas un monétariste.
John MAYNARD KEYNES est bel et bien l’un des brillants théoriciens de la monnaie que je connaisse et pourtant, il n’est pas monétariste. Le monétarisme est un courant de pensée économique initié par les travaux de Milton FRIEDMAN, qui fait de la lutte contre l’inflation son objectif principal.
Milton FRIEDMAN est le père de l’indépendance des banques centrales : l’argent est trop précieux pour être laissé aux mains du gouvernement. Les autorités monétaires raisonnent avec ses concepts, comme le "taux de chômage naturel".
Il est bien, pour notre compréhension de localiser historiquement l’avènement du monétarisme.
Dans la deuxième moitié des années 30, la politique conjoncturelle de relance se substitue à la politique conjoncturelle de stabilisation. Le budget est appelé à stimuler l’activité économique et à corriger les inégalités sociales. L’Etat a comme leviers, les dépenses publiques et l’injection de monnaie dans le circuit économique.
Au sortir de la seconde guerre mondiale et jusqu’au début des années 1970 (les trente glorieuses), la politique budgétaire keynésienne connait un succès. Mais l’apparition de la stagflation (inflation élevée et croissance faible) conduit à la remise en cause de la politique budgétaire de relance. Au cours des années 1970, dans les pays de l’OCDE, l’inflation dépassait les 10%. Début des années 1980, tous les pays ont fait de la lutte contre l’inflation leur priorité. Désormais les pays développés préfèrent mettre en place des politiques de règle plutôt que des politiques conjoncturelles. La lutte contre l’inflation réduit
l’incertitude pour les agents économiques et crée un climat de stabilité économique propice à l’investissement. La cible d’inflation est désormais comprise entre 1% et 3%. !
La théorie quantitative de la monnaie revient en majesté. L’histoire économique montre que le rythme de dégradation de la monnaie peut atteindre une très grande diversité, ainsi, on parle d’inflation rampante modérée (3% de hausse par an), d’inflation ouverte (40%), d’inflation galopante (plus de 20%).
L’inflation rampante ou de prospérité semble associée à l’expansion économique comme si elle en était une des conditions indispensables. Et les gouvernants comme les économistes craignent constamment de voir la lutte contre l’inflation entraîner l’arrêt de l’expansion.
Pour les partisans de l’orthodoxie monétaire, la stabilité des prix crée un environnement favorable aux échanges car les agents économiques peuvent fonder leurs décisions d’achats et de production sur des repères fiables. Cela les incite à acheter et à produire davantage, donc cela favorise la croissance.
Et comme conséquence directe, cela améliore aussi la compétitivité des produits du pays (politique des revenus, politique budgétaire française) ou de la zone (politique monétaire européenne) par rapport aux concurrents internationaux dont les prix augmentent plus vite.
C’est la stratégie dite de "désinflation compétitive": des prix moins élevés permettent d’exporter davantage et limitent les achats de produits étrangers. Cela tend à faire augmenter la production, donc en théorie l’emploi à long terme.
C’est cette orthodoxie monétaire que la BCEAO sublime en tout cas, au regard de son mimétisme monétaire aveugle.

LE MIMETISME MONETAIRE DEGRADANT DE LA BCEAO

Pour saisir aisément le mimétisme monétaire dont il est question ici, il serait sans doute utile de définir la politique monétaire.
On peut la définir comme l’ensemble des mesures qui sont destinées à agir sur les conditions du financement de l’économie. Il s’agit en fait, de se demander comment les agents ont besoin de financement, ceux qui dépensent, pour l’investissement, par exemple, trouvent les ressources financières nécessaires.
Elle est mise en œuvre par la Banque centrale du pays. Pendant longtemps en France, la Banque de France a été sous l’autorité directe du gouvernement.
Cette définition de la politique monétaire est aujourd’hui délaissée au profit d’une autre beaucoup plus restrictive : la politique monétaire est l’action par laquelle l’autorité monétaire, en général la banque centrale, agit sur l’offre de monnaie dans le but de remplir son objectif de stabilité des prix. Elle tâche également d’atteindre les autres objectifs de la politique économique, qualifié de triangle keynésien : la croissance, le plein emploi, l’équilibre extérieur.
Chaque pays a son histoire monétaire, ce qui influence d’ailleurs sa politique monétaire. Aujourd’hui, il est indiscutable que le Président de la Banque Centrale Européenne (BCE) Jean-Claude TRICHET a placé l’inflation en tête des préoccupations de l’autorité financière. Cette peur viscérale de l’inflation de la BCE vient du fait que le pays leader de cette communauté, l’Allemagne a une aversion pour l’inflation.
En tout cas, la BCE traque l’inflation jusque dans ses derniers retranchements comme le stipule le traité de Maastricht : "l’objectif principal du SEBC est de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté" (article 105 du Traité).
La BCE est chargée de mener la politique monétaire de la zone euro en collaboration avec les banques centrales nationales des Etats membres. Cette institution qui a pour principal objectif de lutter contre l’inflation, c’est-à-dire maintenir la stabilité des prix et donc l’inflation annuelle dans la zone Euro au dessous de 2% sur le moyen terme.
La BCEAO, rebaptisée par nous, sous le nom de "Banque Centrale Européenne en Afrique de l’Ouest", ne pouvait qu’appliquer les directives de la BCE. Le constat est frappant, sans aucun doute humiliant.
Depuis le 1er Avril 2010, selon le gouverneur de la BCEAO, la reforme de cette institution s’explique par les modifications intervenues dans les conditions d’exercice de l’activité des banques centrales dans le monde et les mutations de l’environnement régional et international.
Plus précisément, cette réforme vise à adapter l’architecture institutionnelle de la BCEAO et de l’UMOA aux évolutions intervenues dans les missions des banques centrales. Elle a également pour objectif de renforcer l’efficacité de la politique monétaire, créant ainsi les conditions d’un meilleur financement des économies de l’Union. Enfin, elle consolide la stabilité du système bancaire et financier dans notre zone. La BCEAO se trouve ainsi dotée de moyens d’action et d’instruments adéquats pour la conduite d’une politique monétaire crédible et efficace.
Mais la vérité est tout autre, c’est la BCE qui demande à la BCEAO de se mettre à son niveau puisque cette reforme clarifie l’objectif de la politique monétaire menée par la Banque centrale. Désormais, tout comme la BCE, la BCEAO poursuit prioritairement un objectif de stabilité des prix au sein de l’Union monétaire ouest africaine.
Selon le gouverneur de la BCEAO, l’objectif est de faire comprendre aux agents économiques, la cohérence des décisions prises, afin de leur permettre de former leurs propres anticipations et prévisions, de la façon la plus rationnelle possible. Et pourtant la théorie monétaire ne dit pas que c’est de cette façon que les agents économiques forment leurs anticipations.
La stabilité politique et macroéconomique, l’environnement des affaires, l’indépendance de la justice, le fonctionnement correct du système bancaire sont des facteurs déterminants dans la formation des anticipations.
Pour revenir à notre sujet, la BCEAO poursuit prioritairement un objectif de stabilité des prix au sein de l’Union Monétaire Ouest Africaine au détriment de notre développement économique. Cette banque est contre les africains.

LA BCEAO EST CONTRE LE DEVELOPPEMENT DES PAYS MEMBRES

A la fin de l’automne 2009, une brise d’optimisme a balayé la planète économie après le déluge de la crise financière. Si les indicateurs sont repassés au vert, c’est parce que les banques centrales du monde, qui pilotent les taux d’intérêt à très court terme, ont passé la vitesse supérieure. Tandis que le Reserve Fédérale américaine (FED) et la banque du Japon ont maintenu leur taux directeur respectivement à 0,25% et 0,1%, la Banque d’Angleterre(BoE) a fait passer le sien de 2% à 0,5%, et la BCE, de manière un peu tardive, l’a amené à 1% contre 2,5 en début d’année 2009.
Ce qui est certain, c’est que les banques centrales ont surtout utilisé des outils exceptionnels pour soutenir le système financier en l’abreuvant de liquidités. En Europe, l’année 2008 a été celle où s’est concentré l’essentiel du soutien financier des gouvernements aux établissements bancaires.
L’Irlande, le Royaume-Uni et l’Allemagne se situent en tête du palmarès, avec des montants respectivement de 355,76 milliards d’euros (subventions, prises de participation, prêts à taux réduits ou garanties publiques), 201,28 milliards d’euros et 180,94 milliards d’euros. Suivent l’Espagne avec 99,13 milliards d’euros, la Belgique avec 46,80 milliards d’euros et la France avec 42,90 milliards d’euros.
Les différentes puissances économiques ont injecté dans le circuit économique, cette manne financière pour éviter de répéter les erreurs de 1929 car la déroute des banquiers s’était alors accompagnée d’un "credit crunch", c’est-à-dire, un assèchement et un renchérissement du crédit, pilier des économies modernes.
Une banque centrale ne doit pas œuvrer contre le développement économique surtout lorsqu’il s’agit du sous-continent noir, où la lutte contre la pauvreté doit être le seul objectif de toutes les institutions régionales ou sous-régionales.
La FED par exemple n’agit pas comme la BCE et sa fille BCEAO car l’institution américaine décide de la politique monétaire des Etats-Unis, avec un double objectif de la stabilité des prix et de plein emploi avec l’obligation de faciliter la croissance économique. A titre d’exemple, la Fed intervient très régulièrement pour corriger sa politique monétaire, en actionnant des leviers, avec un impact sur les marchés financiers, sur le coût du crédit et sur l’activité économique réelle.
La lutte contre l’inflation ne doit pas être l’objectif principal de la BCEAO, ni avoir une cible d’inflation de 2% comme la BCE car les populations ouest-africaines ne vivent pas les mêmes conditions économiques que les européens.
Partisan d’un taux d’inflation socialement acceptable, nous pensons que l’inflation peut être tolérée, voire favorisée, pour que l’économie puisse être relancée. D’ailleurs, l’histoire monétaire ne condamne pas formellement l’inflation quand elle reste dans des bornes acceptables. En tout cas pas plus que la déflation. Le souvenir des trente glorieuses est suffisamment présent dans les mémoires pour que l’orthodoxie monétaire ne soit pas considérée comme une fin en soi.
Pour lutter contre l’inflation, les mesures de politique économique les plus fréquentes sont : le maintien de taux d’intérêt élevés (politique monétaire restrictive de la banque centrale), le freinage des salaires dans la fonction publique et, par l’intermédiaire du niveau du SMIC, dans le privé (politique des revenus dite "de rigueur" menée par le gouvernement) et le freinage des dépenses publiques en général (politique budgétaire restrictive).
Cependant toutes ces mesures ont comme point commun de freiner la demande, afin d’éviter les hausses de prix que celle-ci entraîne lorsque son rythme est trop rapide par rapport aux possibilités d’augmentation de l’offre.
La hausse des taux d’intérêt diminue l’incitation à emprunter, donc les dépenses de consommation des ménages et l’investissement des entreprises.
Le freinage des salaires limite la consommation. Quant à la réduction des dépenses publiques, soit elle diminue la demande adressée aux entreprises lorsqu’il s’agit d’investissements publics, soit elle freine la consommation des salariés du secteur public en pénalisant leur pouvoir d’achat.
Pour terminer cette modeste réflexion, rappelons-nous que Joseph TCHUNDJANG POUEMI, digne fils de l’Afrique, a écrit que la monnaie peut nous asservir comme nous libérer.
C’est pourquoi, Nicolas AGBOHOU affirme que le franc CFA et l’Euro sont contre les africains et que votre serviteur demande ardemment la décolonisation du franc CFA.
Dieu bénisse l’Afrique et ses enfants

Par Séraphin PRAO

Fri, 07 May 2010 10:06:00 +0200

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