Leçons de rassemblement et d’intégration
Rappel : cet éminent professeur noir de la prestigieuse université américaine d’Harvard rentre chez lui d’un voyage. Ayant perdu les clés de sa demeure, il tente, aidé de son chauffeur, de défoncer sa propre porte. Une de ses voisines appelle la police en leur signifiant que «deux Noirs sont entrain de cambrioler une maison».
Arrivés sur les lieux, les policiers embarquent le maître des lieux au commissariat, menottes aux poignets.
Le président américain commente l’affaire en déclarant que «la police a agi de façon stupide». Les journaux se saisissent de l’affaire et accusent le président de partialité, arguant qu’un président devrait plutôt rassembler les citoyens autour de leur police. Soit.
Mais, dans l’Amérique des communautés, est-ce suffisant pour jeter aux loups un président pour avoir rappeler tout bonnement que ces Etats-Unis d’Amérique dont il est l’exemple patent devraient au contraire s’assumer ? Nous pensons que non. Car, les propos de cette bonne voisine au professeur sont la manifestation même du racisme. Dans ce pays, un Noir, fût-il éminent professeur d’université – et pas n’importe laquelle ! – n’a pas le droit d’habiter un quartier si huppé. On ne peut certes ne pas connaître tous ses voisins de quartier, mais on peut reconnaître son voisin du lieu où on est posté pour voir «deux Noirs cambrioler une maison».
Autrement, il faudrait nous convaincre du contraire. Ce d’autant plus dans les pays du Nord prétendument émancipés, on crible toujours d’épithètes les personnes venues d’ailleurs ou soupçonnées de l’être. Quand elles ont le malheur d’avoir une attitude déviante, mais jamais lorsque celles-ci s’illustrent par une bonne action.
Deux exemples parmi tant d’autres. Au printemps 2006, en Italie. Le quotidien local La Provincia de Crémone titrait à la suite d’une collision mortelle entre deux véhicules qu’un Indien avait tué une Italienne. Par contre durant l’hiver 2007, ce même quotidien n’avait pas trouvé de mots précis pour saluer la capacité de deux immigrés noirs à faire du bien écrivant que deux voisins avaient sauvé une vie. La veille au petit matin, mon épouse et moi avions appelé les gendarmes de notre petit village au secours d’une vieille et irascible voisine tombée par terre dans sa chambre qui, n’arrivant à se relever, tapait le sol de sa canne et appelait à l’aide d’une voix à peine audible.
Pire, aucun journal n’ose dénoncer le parti xénophobe de la Ligue du nord qui clame sans discontinuer qu’il «lutte contre l’invasion extracommunautaire», si ce n’est pour faire l’apologie de ses discours racistes. Puisque, les étrangers non membres de l’Europe unie doivent déguerpir afin que «les Italiens soient maîtres chez eux».
Depuis cinq ans que nous vivons dans ce pays, les slogans de campagnes électorales – et Dieu sait combien de campagnes il y en a eu – ne varient guère. Quatre au total, ces slogans livrent les étrangers à la vindicte populaire en assénant :
1. Défendons la terre de nos pères – Maîtres chez nous.
2. Nous ne pouvons pas accueillir tout le monde, aidons d’abord les nôtres.
3. Ils ont subi l’immigration, désormais ils vivent dans des réserves, penses-y, illustré de l’image d’Amérindiens, tous premiers habitants des Amériques.
Et ces slogans d’appeler l’électeur en ces termes :
4. Vote Bossi.
Pour preuve, le très célèbre Corriere de la sera (Le Courrier du soir) publiait le 29 juin 2009 dans ces colonnes sous la plume d’un certain Alberoni Francesco un justificatif de l’extraordinaire expansion de ce parti. Ce pamphlet titré « La politique proche des citadins, un localisme qui engendre des votes », décrypte avec forces arguments le «Rapport direct entre élus et électeurs sans verbiages ». M. Alberoni explique que la Ligue du Nord est «l’expression des populations vivant des vallées et aux pieds des montagnes de l’arc alpin, une zone géographique restée marginale, sans voix, qui parlait une langue différente de la langue officielle… Un peuple qui a de tout temps regardé vers la Suisse dont il a admiré l’orgueil des cantons en raison de leur autonomie et l’auto-management de ses communes….Un peuple qui s’est toujours senti différent de celui de la plaine et de la ville et qui regardait avec détachement et méfiance jusqu’à Milan. Une zone qui a perdu de son importance ….avec l’immigration extracommunautaire et, petit à petit, a nourri le désir de conserver sa propre identité, (….), et de garder pour soi la richesse qu’elle produit».
Résultat : depuis quelques jours déjà, les Noirs sont lynchés y compris à bord des autobus, à Naples.
Précieux fertilisants à l’intégration, au rassemblement. Ici comme ailleurs.
Par Jacques POWPLY
Mon, 17 May 2010 12:56:00 +0200
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