L’état de droit et la justice selon le monde de Ouattara

Depuis un an maintenant, en tout cas pour ceux qui le découvrent, mais depuis qu’il est entré en politique, pour ceux qui l’observe, Ouattara un véritablement un cas d’école en de nombreux points de vue. Car, malgré tout le crédit international dont il bénéficie, son discours et ses actes s’affrontent dans une contradiction systématique qui ne peut plus surprendre ou même choquer. Un sujet particulier le démontre sans aucun doute : sa vision de la justice et de l’état de droit, dont les contradictions transparaissent avec acuité à la faveur des crises maliennes et bissau-guinéenne, ainsi que sur la question de la famille Wade au Sénégal, après la défaite cuisante subit par l’ex-président. Comparer les actes de Ouattara dans ces situations, avec ce qu’il applique dans son propre pays, dont à s’interroger sur sa philosophie de la justice et permet aussi de comprendre pourquoi, finalement, il n’arrive pas à stabiliser la Côte d’Ivoire, dont il serait d’abord et avant responsable.

Ouattara est un « va-t-en-guerre » forcené, car sinon, il aurait été capable d’analyser les crises au Mali et en Guinée Bissau différemment et aurait tenu un discours différent, en tant tête de la CEDEAO. Concernant ces crises, ce qui étonne, c’est sa totale incapacité de dialoguer, de poser un cadre de négociation et, à contrario, de s’enfoncer dans l’invective systématique et la menace, face à des situations dont la complexité requiert une lecture plus fine et des propos moins guerriers que ce qu’il tient avec tant de superficialité voire d’irresponsabilité. Ce faisant, au lieu d’aider à résoudre ces crises, Ouattara compromet les possibilités de stabilisation et de recherche de solutions véritablement salvatrices pour ces pays.

Dans le cas du Mali, son « protecteur » Compaoré, qui semble-t-il apprécie la situation sous un autre jour, adopte une démarche à l’opposé de la logique guerrière de Ouattara et obtient des résultats qui ont permis rapidement de sortir de la situation de coup d’état, pour établir un pouvoir civil. Quand bien même les militaires maliens qui détenaient une certaine réalité du pouvoir, se disent flouer par le « faiseur de paix ouest-africain », il n’en demeure pas moins que le Mali ait pris la voie d’une sortie de crise qui devrait être bien plus paisible et heureuse que celle du « pays » de Ouattara. Contrairement aux injonctions de Ouattara, probablement partisan d’un type de diplomatie fondée sur la force et la brutalité aveugles, certains africains arrivent encore à démontrer que le dialogue comporte des vertus que Ouattara n’est pas capable d’appréhender.
Dans sa logique particulière, Ouattara pose souvent deux piliers qui semblent lui être chères, en tout cas en apparence : l’état de droit au profit de pouvoirs civils et la justice. Ces piliers étant, sauf pour toutes personnes hors de son temps et mues par une vision surannée de la chose politique, des principes fondamentaux devant guider toute démarche politique. On ne saurait donc point les lui reprocher, bien au contraire. Cependant, en comparant les discours, les propos et les thèses proposées par Ouattara et l’application qu’il en fait, autant chez lui qu’ailleurs, on constate qu’en réalité, Ouattara fait une application bien singulière de ces principes, selon qu’il s’agisse d’amis ou proches de lui ou d’opposants, ou ceux qu’ils considèrent comme ses « ennemis ».
L’état de droit et sa rigueur, ce n’est valable que lorsqu’il n’est pas appliqué à des personnes qui lui sont chères ou à qui il serait redevable. La justice qui fonde cette rigueur de l’état de droit, peut cependant, être négociée quand elle menace des amis, des parrains, des proches ou des obligés. Ainsi, le cas de la famille Wade au Sénégal, dont on sait les liens avec le couple Ouattara, pour laquelle les Ouattara font une pression sur le nouveau « patron de Dakar », afin d’épargner « ses amis et son vieux ». Chacun sait que, cependant que le « règne de Gorgui » a été jalonné de toutes sources de suspicions de scandales, d’abus divers et d’autoritarisme « familial » sans limites. C’est d’ailleurs ce qui a conduit l’actuel président sénégalais à s’opposer à son mentor qu’était le vieux Wade. Par ailleurs, une des raisons de l’opposition de Sall au fils Wade se trouve dans la gestion de ce dernier des deniers publics et d’un ministère « multi-souverain », comme par népotisme forcené.

Maintenant, si comme Ouattara prétend l’appliquer en Côte d’Ivoire contre les partisans de Laurent Gbagbo et ce dernier, accusés de « crimes économiques » et autres fabrications antidémocratiques, l’état doit vérifier la gestion passée du fait des perdants (peu importe comment ils ont perdu, d’ailleurs), alors, pourquoi le nouveau président sénégalais doit-il « oublier » les amis de Ouattara et de son épouse ? Si, en Côte d’Ivoire, il est normal d’auditer la gestion précédente, et éventuellement de poursuivre ceux des anciens responsables qui seraient coupables de « crimes économiques », pourquoi cela ne serait pas normal au Sénégal, ou ailleurs, pour le coup, comme cela pourrait être le cas en France à partir du 6 mai prochain ? D’ailleurs, en Côte d’Ivoire, les partisans de Laurent Gbagbo sont-ils les seuls à avoir gérer les affaires de l’état pendant la période couvrant la présidence de Laurent Gbagbo, pour être les seuls à être à « subir l’état de droit » de Ouattara ?

Ainsi donc, selon la vision de Ouattara, quand on est du cercle de ses amis et partisans, on peut et doit bénéficier d’une indulgence particulière et de la complaisance de l’état de droit. Mais, quand on est opposé à Ouattara, on doit absolument subir toute la force de la justice et de l’état de droit. Ainsi donc est la vision de la justice et de l’état de droit que Ouattara est en train de construire en Côte d’Ivoire. Faut-ils s’étonner, dès lors que le pays avance vers des incertitudes croissantes et une instabilité sans nom ? D’ailleurs, Ouattara reste toujours incapable d’expliquer pourquoi Laurent Gbagbo est le seul à se retrouver à la CPI, quand lui est entouré de criminels plus nombreux et plus coupables. Par ailleurs, parmi ses ministres et autres collaborateurs, ils sont nombreux, ceux qui sont devenus subitement riches. On ne parle même pas du cas de Guillaume Soro, dont la responsabilité dans toutes les sortes de crimes à dénoncer reste pourtant avérée et sans aucun doute possible. Il est bien président de l’assemblée nationale, selon la volonté de Ouattara.

Malheureusement, c’est sous la responsabilité de ce genre de « visionnaires » que nos pays sont dirigés. C’est dans les mains de ce genre de personnages que le reste du monde souhaite voir nos pauvres pays. C’est avec ce genre de personnages que nos pays doivent se construire un avenir de promesses et de satisfactions, pour répondre aux nombreux défis auxquels ils sont confrontés. Quand Ouattara parle de dialogue, il entend « faire valoir pour mon profit ». Quand il évoque démocratie et opposition, il souhaite en réalité imposer un environnement répressif qui ne sait parler que de force, d’intervention et de guerre. Quand il parle d’état de droit, la justice se fait sélective et partisane. Quand il parle de constitution, il en fait une application sélective et totalement subjective. Et c’est avec ce genre de personnages que nos pays sont espérés se moderniser et se démocratiser ? Il faut se pincer pour ne pas se croire dans un cauchemar sans fin, car en réalité, la période sombre dans laquelle l’accession de Ouattara nous plonge n’aura de fin que si les autres leaders de la région se réveillent et que nos populations se prennent en mains contre cette dictature régionale qui finira certainement par engendrer dans antagonismes qui ne seront profitables qu’à des putschistes et des sanguinaires. D’ailleurs, Soro semble en être conscient, pour aussi bizarre que cela paraisse, qui a interpellé Ouattara dans « son discours en tant que président de l’assemblée » lors de l’ouverture de sa première cession. Cette interpellation démontre que Ouattara s’échine à vouloir régler ailleurs ce qu’il n’est pas capable de régler « chez lu »i, à construire ailleurs ce qu’il ne sait pas faire « chez lui » ! Comment cela est-il possible, à moins d’être « le prophète qui est contesté chez lui ». Mais alors, pourquoi avoir un pouvoir si dominant en Côte d’Ivoire alors ?

Le grand drame de notre pays et au-delà de toute l’espace CEDEAO, c’est qu’avec les contradictions de Ouattara, ses particularismes et ses amitiés, l’instabilité s’accroît et les crises risquent de prospérer, pour mettre en graves dangers les équilibres sociopolitiques au demeurant déjà fragiles. Ouattara est donc désormais le plus grand danger de notre espace. Il se précipite au secours du candidat Sarkozy, dans la seule optique de continuer à bénéficier d’une protection bienveillante qui lui permettrait de perpétuer une politique qui favorise la prédation contre nos pays et l’incohérence d’une construction institutionnelle particulière dans nos pays, en totale porte-à-faux des principes auxquels aspirent en réalité nos populations, dont la maturité politique s’oppose à sa vision de l’état de droit.

Une contribution de Ba Bemba

Tue, 15 May 2012 17:47:00 +0200

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