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    MALI: Pourquoi les islamistes détruisent les mausolées

    ByLa Dépêche d'Abidjan

    Nov 20, 2021

    Les islamistes qui occupent le nord du Mali ont à nouveau détruit dimanche 23 décembre à Tombouctou, ville-phare de la culture musulmane en Afrique, des mausolées anciens, promettant d’anéantir tous ces tombeaux qu’ils considèrent comme des lieux d’”idolâtrie” contraire à l’islam. Le groupe Ansar Dine (Défenseurs de l’islam), qui occupe Tombouctou avec Al-Qaïda au Maghreb islamique, a revendiqué ces saccages, trois jours après le feu vert de l’ONU à l’envoi d’une force internationale pour les combattre.
    En juillet déjà, les islamistes avaient détruit nombre de ces tombeaux en représailles à une décision de l’Unesco d’inscrire Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril. Interrogé, l’islamologue, Mathieu Guidère, assuraient que ces violentes actions étaient une opération de communication.
    Les islamistes qui contrôlent Tombouctou, dans le nord du Mali, ont démoli des mausolées de saints. Que représentent ces tombes pour les musulmans ?
    – Ce sont des mausolées de saints, de “wali” en arabe. Les saints musulmans existent depuis les premières années de l’islam, dès le VIIème siècle. C’étaient des hommes qui, à leur époque, ont démontré un degré de piété important ou qui ont accompli des actions considérées comme exceptionnelles. C’étaient des hommes pieux, pauvres, qui vivaient généralement dans le dénuement, qui aidaient leur entourage et incitaient au bien. On peut dire que c’étaient des hommes à la moralité irréprochable.
    Ce sont les populations elles-mêmes qui désignaient que tel ou tel devait être considéré comme un saint. Après leur mort, leurs tombeaux vont devenir des lieux de visite pour se remémorer les actions qu’ils ont accompli et s’en inspirer pour devenir un bon musulman.
    Autour de ces endroits de recueillement, il n’était pas rare de construire une petite pièce pour accueillir les croyants, un dispensaire, une salle de classe ou un hôpital. Il y a des mausolées de saints un peu partout dans le monde musulman, de la Mauritanie à la Tunisie, en passant par l’Algérie…
    Quel islam ces saints enseignaient-ils ?
    – L’enseignement était surtout oral même si certains oulémas (savants, ndlr) ont laissé des écrits. Ces derniers, pour les plus importants, ont donné lieu à des confréries soufies. Dans chaque pays musulman, vous avez un ou deux grands noms de guide spirituel.
    La majorité des saints maliens étaient issus du courant soufi. Ils enseignaient un islam de méditation, de recueillement, très pacifiste. Le Mali a toujours été influencé par cet islam pieux et calme.
    Le groupe islamiste, Ansar Dine, qui revendique les destructions des mausolées, se réclame d’un autre islam. Quand apparaît cette rupture ?
    – Pendant longtemps, toutes les tendances cohabitaient très bien. C’est Ibn Taymiwa, mort en 1328, qui le premier prône un retour aux sources de l’islam. Il est le fondateur du salafisme. Il estime qu’il faut combattre le soufisme car ce courant est trop mou, qu’il ne fait pas assez pour la défense de l’islam et qu’il est responsable du retard des musulmans dans le monde. On voit alors apparaitre cette opposition entre le salafisme et le soufisme. C’est la première rupture, idéologique et doctrinale.
    La deuxième rupture clé va arriver un peu plus tard, au XVIIIème siècle et elle va s’accompagner d’actions plus violentes. Le théologien, Abdelwahhab disciple tardif d’Ibn Taymiwa, va fonder le salafisme dit wahhabite, un nouveau courant venu d’Arabie Saoudite. Il estime qu’il faut détruire tout ce qui est lié à ce soufisme pour que, selon lui, la nation musulmane retrouve sa puissance et sa gloire.
    En Arabie saoudite, il va commencer par raser tous les mausolées de saints (dont celui du prophète Mahomet et de sa petite fille Zohra, ndlr). En effet, dans les écrits coraniques et dans le fondement de l’islam, il ne peut exister qu’une relation direct entre le croyant et dieu, il ne doit pas y avoir d’intermédiaire. C’est la doctrine dite de l’unicité. Il est impossible d’avoir un clergé, ni faire appelle à quelqu’un ou à un saint pour s’adresser à dieu. Pour éviter que les croyants ne demandent des grâces à dieu en passant par ces saints, il va ordonner la destruction de tous les mausolées. D’ailleurs, il n’en existe presque plus dans la péninsule arabique. Le salafisme wahhabite les a interdits partout où il s’est diffusé.
    Ensuite, il va interdire les décorations des mosquées, parce qu’il considère que ce sont des lieux de recueillement qui ne doivent pas présenter des signes de richesse. Les tapisseries vont être enlevées par exemple.
    Enfin, il va s’attaquer aux cimetières estimant que les tombeaux ne doivent pas être trop voyants jugeant que les croyants doivent être égaux dans la mort.
    Ce sont les trois traits du salafisme wahhabite que l’on retrouve dans tous les groupes qui s’en réclament aujourd’hui. Et ce sera toujours les premières actions qu’ils vont faire. (Les dernières profanations de mausolées remontent à 1989, en Algérie par le Front islamique du salut, ndlr)
    Est-ce pour cela que l’Arabie saoudite ne réagit pas aujourd’hui, contrairement à d’autres pays musulmans ?
    – L’Arabie saoudite est en effet en accord avec cette doctrine de l’unicité. Dans le pays, cela ne fait même pas débat. En revanche, dans le Maghreb, les musulmans sont plutôt sunnites malékites, une tendance relativement proche du soufisme. Il est donc tout à fait normal de voir l’Algérie ou le Maroc condamner ces actes puisqu’ils abritent eux-mêmes bon nombre de mausolées.
    Ansar Dine fait-il partie de ce courant ?
    – Ansar Dine se définit clairement comme salafistes. Mais il y a en son sein plusieurs tendances dont le salafisme wahhabite. Il faut savoir qu’il y a aussi une lutte de pouvoir entre les différents courants. Les rapports de force se jouent au jour le jour. Quel groupe va prendre le dessus ? Le groupe salafiste modéré, wahhabite, malékite, soufi ou sunnite ?
    Cette aile radicale qui mène les destructions, à peine 50 personnes parmi les combattants, n’est pas les talibans. Ces derniers avaient fait exploser en deux minutes 20 mètres de statues à Bamiyan. Au Mali, les hommes se sont munis de burins et de pioches, alors qu’on sait qu’ils ont des explosifs… Pour l’instant, il n’y a pas de destruction massive et systématique, ni revendications claires de la part des leaders du groupe.
    Tout cela ressemble à une opération de communication, bien qu’elle soit très mauvaise. Selon moi, c’était la seule manière d’attirer l’attention sur eux afin de se positionner comme seul interlocuteur.

    Par Sarah Diffalah
    Source: tempsreel.nouvelobs.com

    Sun, 06 Jan 2013 19:06:00 +0100

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