Michel Galy (Politologue, chercheur) à propos de la fermeture des universités en Côte d’Ivoire : “Il y a une politique qui se traduit par une gestion désastreuse de l’université sous prétexte de rattrapage ethno-régional”

Bonsoir à tous, merci d’être venus. Au mois de novembre dernier, saisi par des amis universitaires d’Abidjan, j’ai commencé à m’intéresser à ce sujet (La fermeture des universités ivoiriennes – ndlr). J’ai senti qu’il fallait faire quelque chose, quand la décision d’Alassane Ouattara de supprimer l’université jusqu’en septembre prochain, a mis ce sujet au coeur de l’actualité. (…) Donc avec les organisations syndicales françaises, avec les mouvements comme SURVIE, on a essayé de faire quelque chose d’abord pour l’information. Puisque vous l’avez suivi, tout le long de la crise ivoirienne, ce qui s’est passé, c’est la désinformation. C’est pourquoi je me bornerai personnellement à répercuter ce que m’ont envoyé encore aujourd’hui nos camarades universitaires et étudiants d’Abidjan en donnant quelques précisions sur la situation. Vous savez qu’au cours des bombardements, il y a un certain nombre de lieux qui ont été touchés par les destructions, notamment les cités universitaires à la Riviera, où le campus a été pillé par les FRCI. On m’a envoyé des photos. Et je peux vous dire que personnellement j’avais monté un programme informel de dons de livres en sociologie, en droit etc, à plusieurs bibliothèques. Tout ce qui était sur les campus a été pillé. Mes collègues universitaires m’ont envoyé des mails. Il ne reste plus une seule feuille des 7000 livres environ, des collections entières que nous avons fait envoyer gratuitement aux divers départements. Ça c’est le côté matériel. En fait, le gouvernement Ouattara a pris prétexte de ces destructions pour fermer les universités et soi-disant les reconstruire. Alors que par exemple l’université de Bouaké est complètement fonctionnelle. Il aurait pu s’y passer les examens. (…) Les FRCI ont donc commencé à piller les cités universitaires, puis à les occuper jusqu’à maintenant. Il y a un certain nombre d’étudiants -70 000, m’ont dit mes collègues d’Abidjan – qui sont dans la sous région, dans les universités de Lomé, Ouagadougou etc. Et puis, ceux qui ont de l’argent parce que c’est vraiment cher, sont dans quelques universités privées d’Abidjan. Avant, comme vous le savez mieux que moi, les droits d’inscription à l’université de Cocody étaient à 5000 CFA, maintenant, ça va passer à 50 000 , si le gouvernement Ouattara concrétise ses projets. Et dans les universités privées ça va de 5000 Cfa à 1 million Cfa , selon le niveau d’études. C’est dire que tout le monde ne peut pas faire ce sacrifice et qu’un certain nombre d’étudiants sont dans le secteur informel, chez eux ou parfois au village etc. Donc voilà où nous en sommes et je voudrais communiquer ce que m’ont envoyé des membres du comité de défense de l’université d’Abidjan – je ne citerai pas de noms pour une question de répression – Ils m’ont donné des informations extrêmement inquiétantes sur ce que le régime Ouattara appelle "le rattrapage", qui se traduit – ici peut- être certains observateurs sont loin de ça, mais là-bas, c’est quelque chose qui compte beaucoup – par le fait que les originaires du nord, comme par exemple le professeur Ly Ramata – qui avait eu 35% lors de l’élection du président de l’université de Cocody face au professeur Gilbert Aké Ngbo, aujourd’hui en détention – qui vient d’être nommée, et non élue, présidente de l’université de Cocody malgré ses 35% . Ça c’est la partie émergée de l’iceberg. Il y a des embauches en ce moment sur des bases ethniques (…). Donc il y a une politique qui se traduit par une gestion désastreuse de l’université, sous prétexte de rattrapage ethno-régional. C’ est quelque chose qu’on ne comprend pas très bien ici mais qui à long terme ne peut qu’ accentuer la fracture nord-sud.
Transcription : Axel Illary
Fri, 16 Mar 2012 21:17:00 +0100
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