Michel Gbagbo : «Je suis en résidence surveillée de fait»

RFI : Vous avez été mis en liberté provisoire en août dernier, après plus de deux années d’emprisonnement. Vos avocats invoquaient non seulement la présomption d’innocence mais aussi votre mauvais état de santé pour demander cette mesure. Comment s’est passé cette détention et comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Michel Gbagbo : Je me sens beaucoup mieux, mon état de santé s’est stabilisé. Il y a eu des vidéos qui ont circulé sur Internet concernant les conditions de mon arrestation et celles de ma détention. Il s’agissait de moi et de certains codétenus, dont le président Affi Nguessan. Ces éléments sont parlants, mais je ne voudrais pas revenir là-dessus. Parce que aujourd’hui il faut, non pas ressasser le passé, mais regarder l’avenir avec confiance en aidant à chercher l’unité nationale dans le pays.

On vous voyait peu quand votre père était président et puis vous êtes devenu célèbre, quand vous avez été arrêté avec lui, dans son bunker à Abidjan le 11 avril 2011. Est-ce que vous êtes proche de Laurent Gbagbo ?

C’est une petite célébrité ! Je n’ai pas fait montre d’un courage extraordinaire ! Je n’ai été que près de mon père ainsi que de ma famille et mes enfants. Mais je voudrais revenir sur le mot « bunker ». Ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas d’un bunker au sens où on l’entend dans l’imaginaire français. Il s’agissait simplement d’un sous-sol. Voilà.

Je suis proche de mon père. Dans ses affaires, il a toujours fait la distinction entre sa famille et ses collaborateurs politiques. Donc je n’ai pas participé à la gestion des affaires publiques. J’ai été arrêté parce que j’étais son fils.

Vous êtes quand même en liberté provisoire. La justice ivoirienne vous reproche des choses. Est-ce que vous savez de quoi vous êtes inculpé précisément ?

Je suis inculpé de l’ensemble du Code pénal, nonobstant le crime de génocide. C’est pour vous montrer à quel point ces accusations sont farfelues, dénuées de fondement. Je m’étonne parce que je n’ai toujours pas eu de chef d’inculpation à proprement parler. On ne m’a toujours pas dit ce que j’aurais commis exactement comme acte. Ça démontre bien que ces dossiers sont purement politiques et totalement vides.

Mais il ne s’agit pas simplement de moi. Il s’agit de toutes ces personnes proches du président Gbagbo et qui sont injustement incarcérées. Il n’y a simplement pas de justice en Côte d’Ivoire. Aucune date de début d’un commencement d’un éventuel procès n’a jamais été communiquée à un de nos conseils. Et cela est valable pour tout le monde. Ça démontre bien que quelque part la machine judiciaire en Côte d’Ivoire est totalement grippée. Et ça fait partie des chantiers que nous devons reconstruire dans un esprit d’apaisement, dans une perspective de consensus.

Comment se passent vos journées ?

Je reçois beaucoup, je lis beaucoup et je participe à quelques réunions ici et là. Ce sont des journées très remplies. Pour rire, je dis souvent à mes amis que je ne me suis jamais senti aussi occupé que depuis que je suis au chômage forcé. J’étais jusqu’en 2011, enseignant à l’université Félix Houphouët-Boigny en psychologie. Et je continue maintenant de me battre pour pouvoir reprendre mon enseignement, puisque je suis fonctionnaire ivoirien.

En droit, je suis libre de travailler comme de faire de la course à pied. Et je suis libre de sortir du territoire. Je suis libre d’avoir un compte en banque, je suis libre de prendre la parole en public. Dans les faits effectivement il y a des limitations, il y a des crispations. Je suis en résidence surveillée de fait et il y a cet empêchement malheureux de sortir du territoire, qui ne sert pas l’image de la Côte d’Ivoire et qui ne sert pas la réconciliation.
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Wed, 30 Apr 2014 04:42:00 +0200

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