Pétition pour Venance Konan*

Et quand nous disons « opinion dominante », nous ne voulons pas dire l’opinion de la majorité des citoyens de notre pays, mais l’opinion de ceux qui nous dominent… Ainsi, V. Konan était naturellement tayloriste durant la guerre civile libérienne, parce que dans cette guerre, Charles Taylor était le bras armé de la Françafrique, alors représentée par l’ambassadeur Michel Dupuch et par un certain Robert de Saint-Pai, peut-être un des alias du très entreprenant Jean Mauricheau-Beaupré, un résidu de la Maison Foccart. Ainsi, sous Bédié, s’il était furieusement « ivoiritaire », c’était parce que le « gouverneur » Guy Nairay régnant et Michel Dupuch étant toujours à son poste, Alassane Ouattara n’apparaissait pas encore comme le choix de la Françafrique. Ainsi, sous Robert Guéi, quoique le contexte ait changé du fait du décès de G. Nairay et du rappel de M. Dupuch, qui facilitèrent le renversement de Bédié sans ouvrir à Ouattara la voie royale qu’il espérait, il demeura « ivoiritaire ».
Ainsi, pendant le mandat de Laurent Gbagbo, même s’il avait déjà mis beaucoup d’eau dans son vin, question « ivoirité », depuis que Bédié et Ouattara avaient fait leur paix sous l’égide de la Françafrique, et pratiquement jusqu’à ce que tout se gâte vraiment entre ladite Françafrique et Gbagbo au lendemain du 2e tour du scrutin présidentiel de 2010, V. Konan n’était pas vraiment le farouche opposant qu’il deviendra à partir du 3 décembre 2010. La seule chose qui ne varie pas dans cette trajectoire, c’est que V. Konan n’apparaît chaque fois que comme la cinquième roue du carrosse ou, si vous préférez, comme la mouche du coche.
Inutilement talentueuse, disions-nous ? En fait, cela dépend pour qui. Car V. Konan est l’un des très rares Ivoiriens qui vivent très bien de leur plume, et probablement le seul parmi les journalistes qui ne sont pas devenus autre chose. Mais, même dans cette « mangécratie » que la Françafrique nous impose depuis le 11 avril 2011, et s’agissant d’une telle poche de moralité, l’argent n’est pas tout ! Un Venance Konan peut certainement, et avec raison, ambitionner beaucoup plus que ce rôle d’imprécateur que personne n’écoute et que peut-être ceux qui le payent méprisent en secret, comme dans la légende, Cassandre la Troyenne éternellement vouée à prêcher dans le désert. Quand on voit avec quelle assurance il dénonce l’anarchie, l’insalubrité, l’anomie, l’insécurité, l’incivisme, l’irresponsabilité, la corruptibilité des hommes et la corruption des mœurs, la gabegie, toutes ces « négreries » comme il aime à dire, peut-on douter que ce nouveau Savonarole serait aussi compétent sinon plus, par exemple, que tel maire, tel gouverneur de district, tel préfet, tel député, tel ministre, tel ministre d’Etat, voire le Premier ministre ou le président de la République lui-même, pour éradiquer tous ces maux dont la Côte d’Ivoire n’a que trop souffert…
Voilà pourquoi, chers membres et chers amis du Cercle Victor Biaka Boda, nous vous soumettons le dernier éditorial de Venance Konan, qui est un peu la quintessence de sa pensée et qui se lit comme un catalogue ou un inventaire de tous les projets dont il pourrait faire bénéficier cette Côte d’Ivoire qui lui est si chère, pourvu qu’elle lui en donne les moyens. Que diriez-vous d’une pétition en sa faveur, à soumettre à ses employeurs actuels, pour les exhorter à mieux l’utiliser qu’ils ne le font aujourd’hui ? Etant donné l’étendue des centres d’intérêts de V. Konan et l’immensité de ses talents, on pourrait envisager de lui confier au minimum une fonction de conseiller spécial à compétence universelle, avec droit de regard sur l’activité de toutes les autorités depuis le sommet de l’Etat jusqu’au dernier détenteur de la moindre parcelle de pouvoir… Quelque chose comme la présidence de ce truc bizarre qu’Houphouët imagina, en 1990, pour mettre sur orbite un certain Alassane Ouattara. Ça s’appelait le « Comité interministériel de coordination du programme de stabilisation et de relance économique ». Sans être et sans jamais avoir été membre du gouvernement ivoirien, Ouattara avait été bombardé président de cet organisme, avec plusieurs ministres à ses ordres au grand scandale de Camille Alliali, qui ne put s’empêcher de faire observer à Houphouët – c’est dire s’il fut scandalisé ! – « Qu’il n’était pas habituel qu’une personnalité qui n’était pas membre du gouvernement puisse être nommée à la tête d’un comité composé de ministres »…
Mais ça, c’était avant. Une époque où, s’il faut en croire V. Konan, l’urgence n’existait pas encore. Aujourd’hui, c’est autre chose. On n’a pas le temps de chipoter. Et pas question de limiter le champ d’intervention du nouveau sauveur de la patrie au seul domaine économique comme ce fut le cas pour Ouattara. Au contraire, il faudra lui confier tous les leviers de décision existant dans le pays, sans excepter ceux qui appartiennent au chef de l’Etat. En un mot, il faut créer V. Konan dictateur, comme ils faisaient dans l’ancienne Rome lorsqu’ils étaient confrontés à une crise d’une telle gravité que seul un homme d’exception nanti de tous les pouvoirs pouvait sauver la république.
Si cette proposition vous agrée, faites-le-nous savoir. Et si elle ne vous agrée pas, faites-le-nous savoir également, en précisant les raisons de votre désaccord.
Donc, chers membres et chers amis du CVBB, à vos plumes !
Marcel Amondji
Cercle Victor Biaka Boda, le 24 avril 2013
(*) – texte inspiré par l’éditorial de Fraternité Matin du 22 avril 2013
Sat, 27 Apr 2013 18:42:00 +0200
0