Pierre Laurent, PCF : « Nous sommes pour la transformation de la zone euro plutôt que pour son explosion »

En prenant comme candidat à la présidence de la Commission le leader grec Alexis Tsipras, les forces de la Gauche européenne mettent en avant un symbole de la résistance aux politiques d’austérité mais aussi de la capacité à faire émerger des politiques nouvelles. C’est la double ambition qu’explique Pierre Laurent. Réuni avec le Parti de gauche au sein du Front de gauche, le “patron” du PCF est l’antithèse du tonitruant Jean-Luc Mélenchon : il critique les institutions de Bruxelles en s’en prenant aux dogmes derrière les traités tout en se défendant de tout dogmatisme. La preuve : il prône une réorientation radicale de la zone euro mais sans jeter l’euro.

Les listes que nous soutenons, pour les élections du 25 mai, rassemblent en France toutes les forces du Front de gauche, et dans l’Union s’inscrivent dans la démarche du Parti de la gauche européenne. Notre candidat commun à la présidence de la Commission sera Alexis Tsipras, le leader de la gauche grecque Syriza. Ces forces sont rassemblées au Parlement européen au sein du Groupe de la Gauche unitaire européenne, Gauche verte nordique, qui, depuis des années déjà, regroupe des forces de la gauche qui sont diverses politiquement, mais qui se reconnaissent dans une critique de l’Europe libérale telle qu’elle a été construite à travers les différents traités. En France, ces forces se reconnaissent dans le combat qui a été mené en 2005 contre le traité constitutionnel européen et dans une Europe construite sur des objectifs sociaux nouveaux. Notre projet est celui d’une Europe solidaire, de progrès social, d’harmonisation sociale progressive vers le haut. C’est une Europe de coopération, pas une Europe de mise en concurrence systématique – comme c’est le cas aujourd’hui.

Un nouveau chemin

La candidature d’Alexis Tsipras est pour nous très symbolique. C’est le symbole d’une résistance, qui a été celle du peuple grec, à tous les mémorandums d’austérité de la troïka (Commission-BCE-FMI), mais à travers la Grèce c’est aussi le symbole de toutes les résistances sociales contre les politiques d’austérité actuelles dans les pays du Sud, mais également dans d’autres pays comme l’Irlande ou la France.

C’est surtout le symbole d’une Gauche européenne qui aspire à gouverner et à ouvrir un autre chemin à gauche que celui des forces social-démocrates européennes. En Grèce, Syriza domine maintenant le paysage à gauche et prétend à gouverner face à la droite d’Antonis Samaras. Notre objectif en Europe est précisément de faire émerger une Gauche européenne nouvelle qui brise le consensus qui s’est construit toutes ces dernières années entre les forces conservatrices européennes regroupées dans le PPE et les forces social-démocrates regroupées dans le PSE. Parce que ce consensus libéral qui les amène à soutenir les mêmes traités constitue à nos yeux un des verrous politiques de l’Europe actuelle, dans laquelle les forces sociales, citoyennes, populaires, se reconnaissent de moins en moins. Si n’apparaît pas cette force de gauche européenne, eh bien, ce sera, face à cela, la montée des populismes et des extrémismes de droite qui l’emportera. Nous, nous voulons ouvrir un nouveau chemin à gauche.

Le combat politique

La question démocratique est devenue centrale dans l’Union européenne actuelle. Depuis la crise de 2008, on est entré dans une phase de crise existentielle de l’Union et de la zone euro. Le choix des dirigeants européens a été de sauver la zone euro en organisant le sauvetage des banques, mais cela s’est fait au prix d’une envolée des dettes publiques par transfert de la dette privée sur les Etats. Et maintenant, on organise un chantage permanent au remboursement de cette dette, en poussant les Etats à des politiques de régression sociale, de déréglementation sociale, d’austérité extrêmement violente. Non seulement ces politiques ne provoquent pas l’adhésion populaire, mais elles sont rejetées. Elles sont imposées aux parlements nationaux, ce qui provoque un approfondissement très inquiétant de la crise politique, du chaos même, dans tous les pays européens.

Si j’avais à définir ma conception de l’Union européenne, je dirais que nous sommes favorables à une union de peuples souverains, libres et associés. Nous pensons qu’il n’y a pas d’avenir dans une fuite en avant fédérale qui priverait les peuples et les Etats européens du recours régulier à l’expression de leur souveraineté. Les deux doivent marcher de pair. Des Etats qui avanceraient dans le dos de leurs peuples seraient condamnés à la même crise politique. On ne peut pas avancer vers des mises en commun nécessaires, de plus en plus importantes au plan européen, sans le consentement populaire. Il faut prendre le temps de construire des coopérations qui soient des coopérations partagées et cesser d’imposer l’avancée à marche forcée vers un marché unique dans lequel les seules forces qui se retrouvent sont les forces financières, les forces capitalistes dominantes, les forces économiques dominantes – qui laissent à l’écart une part grandissante des populations européennes. L’Europe est devenue une zone d’inégalité absolument invraisemblable.

Dans ce combat politique nous travaillons évidemment à des renversements de majorité dans les institutions actuelles. Je crois au progrès des forces de Gauche, singulièrement dans le Parlement européen. Je pense qu’il est possible, des exemples le montrent, de construire des majorités de gauche dans ce Parlement. Nous avons sauvé le programme d’aide alimentaire aux plus démunis avec la majorité actuelle de ce Parlement. Ce combat, nous n’y renonçons pas, mais il faudra des transformations de la construction démocratique de l’Union européenne.
Lire la suite

Thu, 08 May 2014 11:16:00 +0200

0

Laisser un commentaire

Nous utilisons des cookies afin de vous offrir la meilleure expérience possible sur notre site Web. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez notre utilisation des cookies.
Accepter
Refuser
Privacy Policy