Régime des sanctions : L’argent de Simone Gbagbo à la BNI- Les 8960F bloqués d’Eugène Djué

En fin de semaine dernière, les Experts de l’Onu qui, il y a quelques mois déjà, avaient rendu fou de rage notre président en accusant son régime d’avoir tenté d’assassiner quelques vedettes pro-Gbagbo en exil au Ghana-ont récidivé, dans un autre rapport.
Cette fois-ci, c’est d’abord l’homme qui dit avoir trouvé un pistolet en or à la résidence de Laurent Gbagbo, Wattao, qui en prit plein dans les gencives. Accusé de s’enrichir dans un trafic de diamants.
Mais l’homme pour qui le salaire est insuffisant a nié les accusations, mettant au défi quiconque d’apporter la moindre preuve de son implication dans ce trafic.
Ailleurs, une autre couche a été mise sur le mur du pouvoir d’Abidjan, accusé de s’armer en violation de l’embargo sur les armes. Pour le moment, c’est le silence radio du côté d’Abidjan. Sans doute un excès de modestie…
« L’Eléphant » qui s’est procuré une copie de ce rapport, y a lu, en plus de ce qui précède et dont la presse a déjà abondamment parlé, quelques passages plutôt instructifs qu’il a généreusement décidé de mettre à la disposition de ses fidèles lecteurs. Bonne lecture…
(…) F. Revenus tirés des diamants

Revenus tirés de diamants provenant de Séguéla

266. Les enquêtes menées par le Groupe à Séguéla lui ont permis de retracer l’évolution des prix de référence des diamants payés aux mineurs et la répartition de la valeur ajoutée entre les différents acteurs qui opèrent tout au long de la chaîne du commerce des diamants, groupements à vocation coopérative et collecteurs et exportateurs, depuis avant le début de la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire en 1999.
267. Avant 1999, les profits dégagés le long de la chaîne du commerce des diamants étaient également partagés entre les mineurs, les groupements à vocation coopérative, les négociants et les exportateurs.
268. Lorsque les forces armées des Forces nouvelles (FAFN) ont pris le contrôle de Séguéla en 2002, donc avant l’introduction des sanctions imposées par l’ONU sur les diamants bruts, ils agissaient dans trois directions pour maximiser les marges bénéficiaires de la chaîne de valeur des diamants. Premièrement, les FAFN ont pris le contrôle des opérations d’extraction et ont considérablement réduit le prix de référence payé aux mineurs. Deuxièmement, ils ont complètement assumé le rôle joué auparavant par les groupements à vocation coopérative et ont conservé les profits correspondants. Enfin, les FAFN ont accru leurs profits en taxant les autres acteurs en aval (négociants et exportateurs). Il convient de noter que les exportateurs sont ceux qui ont subi la diminution la plus limitée de leur marge bénéficiaire du fait de l’introduction du système des FAFN, car ils ont continué de préfinancer toutes les opérations et d’avoir accès au numéraire.
269. Le système de « partage des bénéfices » des FAFN n’a pas été touché par l’imposition de l’embargo sur les diamants imposé par l’ONU en 2006.
270. Après 2011, les FAFN ont pour la forme été remplacées par les FRCI, mais la chaîne de commandement est restée inchangée. Les personnes finançant les opérations relatives aux diamants (les exportateurs) ont maintenu des prix de référence payés aux mineurs aux niveaux qui avaient été fixés par les FAFN, en faisant valoir que l’embargo interdisait l’exportation des diamants. En utilisant le même prétexte, les exportateurs ont eux aussi réduit la part des bénéfices qui, auparavant, était versée aux négociants, tandis que la part versée aux forces de sécurité, devenues les FRCI, demeurait inchangée. Étant donné que M. Niangadou et ses partenaires continuent d’exporter des diamants de Séguéla aux prix du marché, leur marge bénéficiaire a fortement augmenté aux dépens des mineurs et des petits acheteurs.
271. Le Groupe conclut donc que la perte de moyens de subsistance subie par les communautés minières de Séguéla n’est pas due au régime des sanctions imposé par l’ONU mais plutôt au manque de contrôle exercé par l’administration de l’État redéployée, à savoir la SODEMI et la direction régionale des mines, sur la façon dont la valeur est ajoutée et les bénéfices partagés entre les différents acteurs de la chaîne de commercialisation des diamants.
272. Le Groupe, en s’appuyant sur les éléments qu’il a analysés, est parvenu à la conclusion qu’en l’absence de contrôles de la production et de l’utilisation des revenus tirés des diamants, le commerce des diamants en circuit fermé à Séguéla continue de permettre à M. Niangadou et ses partenaires en situation de monopole de réaliser des bénéfices anormalement élevés qui, à leur tour, sont partagés avec les éléments des FRCI qui sont sous le contrôle de Wattao dans cette zone.

Opérations relatives aux diamants organisées par des éléments pro-Gbagbo

273. Le Groupe a recueilli des preuves montrant que des éléments liés à l’ancien Président Gbagbo ont mis en place une structure visant à financer des activités de déstabilisation en Côte d’Ivoire au moyen de la vente d’or et de diamants bruts depuis 2011 jusqu’à février 2013 au moins.
274. Le Groupe a établi que la structure susmentionnée maintenait des centres opérationnels en Afrique du Sud et au Ghana et tenait des réunions en tête-à-tête et des entretiens téléphoniques à Johannesburg avec certains éléments de ce réseau qui ont été identifiés.

Les créateurs du système

275. Le Groupe a identifié qu’Abie Zogoé Hervé-Brice et Stéphane Kipré, tous deux de nationalité ivoirienne, étaient les fondateurs du réseau.
276. M. Zogoé Hervé-Brice a été Ambassadeur de la Côte d’Ivoire en Afrique du Sud jusqu’à la fin de 2010, année où il a été contraint de quitter ses fonctions à cause de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Les preuves réunies par le Groupe (messages électroniques et entretiens personnels) confirment qu’après avoir quitté ses fonctions diplomatiques en Afrique du Sud, il a commencé à organiser un réseau de commerce des diamants et de l’or.
277. De la fin de l’année 2010 au milieu de l’année 2013, M. Zogoé Hervé-Brice s’est rendu à maintes reprises au Ghana, où il est resté plusieurs semaines à chaque reprise. Il s’est aussi rendu au Bénin, en Guinée, au Mali et en Sierra Leone.
278. M. Kipré, le beau-fils de Laurent Gbagbo, a aidé M. Zogoé Hervé-Brice à s’établir au Ghana et l’a mis en relation en 2011 avec les Présidents du Ghana et du Sénégal et avec d’autres hautes personnalités en Afrique et en Israël. Il a tiré parti de ses relations pour faciliter les transactions portant sur des diamants dans lesquelles étaient impliqués le Zimbabwe et la République centrafricaine; en utilisant des fonds bloqués à Hong Kong (Chine). M. Kipré est mentionné dans les transactions proposées en qualité de facilitateur ayant perçu une commission sur les transactions.

Objectifs du réseau

279. Le réseau a deux principaux objectifs. D’un côté, il visait à financer les opérations de particuliers proches de l’ancienne administration de Laurent Gbagbo en vue de déstabiliser la Côte d’Ivoire. Dans son rapport final de 2013, le Groupe a présenté des preuves montrant que l’une de ces opérations avait conduit à l’assassinat par une milice libérienne de sept soldats de la paix des Nations Unies nigériens dans l’ouest de la Côte d’Ivoire.
280. Le second objectif du réseau est de procurer des gains financiers personnels à ses créateurs et aux intermédiaires au moyen du versement d’une série de commissions forfaitaires ou non prélevées sur le montant des ventes. Les documents que détient le Groupe indiquent que les membres du réseau ont essayé d’obtenir des commissions allant de 1 million à 3 millions de dollars pour certains marchés.

Structure du réseau

281. La structure du réseau comprenait une série d’intermédiaires, qui opéraient depuis l’Afrique du Sud et qui mettaient en relation des acheteurs potentiels d’or et de diamants avec des fournisseurs. Le Groupe a recueilli des preuves confirmant que les personnes indiquées ci-après, résidant toutes en Afrique du Sud, étaient impliquées dans le système.
282. Mme Reine « Queen » Osso est une personne de nationalité ivoirienne qui a rencontré M. Zogoé Hervé-Brice pour la première fois en 2004, alors qu’il était l’Ambassadeur de Côte d’Ivoire en Afrique du Sud. En décembre 2010, M. Zogoé Hervé-Brice a chargé Mme Osso de mettre en place le réseau d’intermédiaires susmentionné. Mme Osso gère un magasin d’arts et d’artisanat africains à Johannesburg et est appelée « Queen » dans la correspondance électronique. Le Groupe a rencontré Mme Osso à Johannesburg, qui a confirmé son partenariat commercial avec MM. Zogoé Hervé-Brice et Kipré.
283. Mme Osso a confirmé que le système créé par M. Zogoé Hervé-Brice avait pour objectif de financer la déstabilisation du régime du Président Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire.
284. Mme Nahomie Kragbe, également de nationalité ivoirienne, associée commerciale de Reine Osso à African Queen Arts, est citée dans plusieurs courriers électroniques comme étant un autre membre du réseau.
285. Un autre intermédiaire essentiel en Afrique du Sud est Jannie van Deventer, de nationalité sud-africaine, Directeur général d’une entreprise, JJP Mining Consultants. M. van Deventer a fourni à M. Zogoé Hervé-Brice une liste de vendeurs d’or et de diamants en Afrique de l’Ouest qui étaient en mesure de faire le commerce de diamants depuis plusieurs pays, dont la Côte d’Ivoire.
286. M. van Deventer était aussi un élément clef dans l’organisation d’une escroquerie visant à vendre 20 000 carats de diamants accompagnés de certificats du Kimberley sierra-léonais falsifiés. Les diamants auraient été cachés par une Ghanéenne dans une planque à Accra.

Contacts externes

287. M. Zogoé Hervé-Brice a maintenu des relations commerciales avec les membres de l’entourage de Laurent Gbagbo, qui étaient en exil au Ghana et en Angola entre 2011 et la fin de 2012. Tout particulièrement, l’un des contacts externes de M. Zogoé Hervé-Brice était M. Kadet Bertin, l’ancien Ministre de la défense sous la présidence de M. Gbagbo.
288. Le Groupe a été en mesure d’identifier les comptes bancaires de plusieurs membres du réseau. Toutefois, les banques contactées en vue d’obtenir qu’elles appuient le Groupe à l’aide de relevés bancaires correspondant aux comptes mentionnés ci-dessous n’ont pas appliqué les règles de confidentialité bancaire prévues dans la législation interne (…)

B. Personnes visées par les sanctions

Charles Blé Goudé
300. Le Groupe a reçu une réponse officielle de la Banque pour le financement de l’agriculture concernant une demande d’informations antérieure concernant un compte au nom de M. Blé Goudé avec un solde qui, au 26 décembre 2012, s’élevait à 9 023 100 francs CFA (selon les informations communiquées au Groupe par la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest). Dans sa réponse, la Banque pour le financement de l’agriculture a indiqué que le compte avait un solde de 8 978 550 francs CFA et était pour l’instant bloqué.
Martin Kouakou Fofié
301. Comme indiqué au paragraphe 160 du rapport de mi-mandat, le
4 septembre 2013, le Groupe a adressé une lettre à la Mission permanente du Maroc auprès de l’Organisation des Nations Unies afin de vérifier des informations selon lesquelles M. Fofié était peut-être entré dans ce pays en utilisant un faux passeport afin d’y subir un traitement médical. La Mission a répondu le 22 octobre 2013 que les enquêtes des autorités compétentes confirmaient qu’aucune personne de ce nom n’était entrée dans le pays.
302. Le 4 septembre 2013, le Groupe a demandé des informations à la Banque atlantique Côte d’Ivoire afin d’obtenir des détails sur les comptes suivants établis au nom de M. Fofié: trois comptes avec un solde de 19 427 045 francs CFA; deux comptes d’épargne avec un solde de 223 089 francs CFA; et un compte ordinaire non approvisionné. À ce jour, la lettre reste sans réponse.
303. Le Groupe a obtenu des informations de différentes sources indiquant qu’il y avait depuis 2013 une forte expansion dans le secteur de la construction à Korhogo, où M. Fofié est le commandant de la FRCI de la Compagnie territoriale de Korhogo, principalement du fait de son blanchiment de fonds provenant de l’exploitation illicite de ressources naturelles ou de la taxation illégale.
Eugène N’goran Kouadio Djué
304. Le Groupe s’est efforcé d’entrer en contact avec M. Djué par différents moyens qui n’ont pas abouti. Le Groupe souhaitait faire le point sur les vues de celui-ci sur les sanctions, afin de savoir, par exemple, s’il était en train de demander officiellement sa radiation de la liste. M. Djué détenait un compte en banque à la Société ivoirienne de banque avec un solde de 8 960 francs CFA, qui, selon le rapport de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, était bloqué depuis 2007.
Laurent Gbagbo
305. Le Groupe a reçu une réponse officielle de la Banque pour le financement de l’agriculture, datée du 19 septembre 2013, concernant une demande d’informations précédente concernant deux comptes au nom de M. Gbagbo avec des soldes de 11 759 092 et 59 712 835 francs CFA, respectivement (tels qu’indiqués au Groupe par la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest).
306. Dans sa réponse, la banque a indiqué qu’il y avait un compte bancaire au nom de M. Gbagbo avec un solde de 11 714 542 francs CFA, qui était bloqué. Quant à l’autre compte, la banque a indiqué qu’il appartenait à Simone Gbagbo.
307. Le 13 novembre 2013, le Groupe a adressé une lettre au Représentant permanent des Pays-Bas auprès de l’Organisation des Nations Unies lui demandant des détails sur un compte bancaire à la Royal Bank of Scotland qui avait été ouvert en application d’une dérogation au gel des avoirs pour les dépenses de base accordée par le Comité du Conseil de sécurité créé en application de la résolution concernant la Côte d’Ivoire.
308. Le Groupe a demandé des détails concernant d’autres comptes bancaires transférant des fonds au compte susmentionné. Cependant, à ce jour, il n’a pas été répondu à la lettre.
Simone Gbagbo
309. Le Groupe a reçu une réponse officielle de la Banque pour le financement de l’agriculture concernant une précédente demande d’information, indiquant qu’il y a un compte bancaire au nom de Mme Gbagbo avec un solde de 59 668 285 francs CFA. La banque a fait savoir que le compte est bloqué.
Alcide Djédjé
310. Le 24 février 2014, le Groupe a rencontré M. Djédjé. Celui-ci a exprimé son appui au processus de réconciliation en Côte d’Ivoire. Il a également déclaré que les sanctions qui lui étaient imposées devraient être levées.
Pascal Affi N’Guessan
311. Le 25 février 2014, le Groupe a rencontré M. Affi N’Guessan. Celui-ci a indiqué que les sanctions qui lui étaient imposées n’étaient pas justifiées. Il a affirmé œuvrer pour la paix et la réconciliation dans le pays. Il a mentionné également qu’il continuerait à travailler malgré les sanctions, reconnaissant qu’elles constituaient une entrave qui l’empêchait de voyager et d’avoir accès à des moyens financiers (…)
Une sélection d’Alex Kassy in L’Eléphant déchaîné N°247

Sat, 03 May 2014 15:02:00 +0200

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