Situation sociopolitique / Après l’échec de deux rencontres avec Désiré Tagro : Acteurs politiques et leaders de la société civile jugent la marche du RHDP

« En vertu de la Constitution ivoirienne, les marches et les mouvements de personnes membres d’organisations reconnues, sont autorisés. La marche du RHDP est donc autorisée et la société civile, à ce que je sache, n’y voit pas d’inconvénients par rapport à l’objectif de cette marche. Mais aux dernières nouvelles, nous avons été informés que les assemblées annuelles de la BAD se déroulent en Côte d’Ivoire, pratiquement au même moment que le début de ces assemblées annuelles. Au regard de la situation très sensible que traverse la Côte d’Ivoire, je crois qu’il est opportun de demander aux jeunes du RHDP de reporter leur manifestation après les assemblées annuelles de la BAD, parce que l’objectif n’est pas de ternir l’image de la Côte d’Ivoire, mais de demander la tenue des élections justes, transparentes, ouvertes et apaisées, le plus rapidement possible. Je ne pense pas qu’il y ait une sorte de fixation sur la date du 15 mai, qui coïncide avec les assemblées annuelles de la BAD. Je propose donc à nos amis, vu la pertinence de leur marche, de bien vouloir la reporter pour conforter la cohésion nationale afin que nous puissions tous ensemble, demander l’organisation des élections le plus rapidement possible ».
2- Dr Marie-Paule Kodjo, présidente de la COFEMCI-REPC : «Nous ne voulons plus que nos enfants sortent dans les rues »
« Pour une sortie de crise durable, il serait souhaitable que tous les paramètres soient réunis. Il faut que le désarmement et la réunification de la Côte d’Ivoire soient effectifs. Nous devons nous donner toutes les chances d’aller à une paix durable. Je comprends que les jeunes du RHDP soient pressés, mais à quoi servirait d’organiser des élections si deux jours après, des mésententes ressurgissent ? Je pense que tous les paramètres soient requis, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait le désarmement et que la réunification soit une réalité pour qu’on aille à des élections ouvertes à tous. Nous aurions souhaité que le RHDP organise une autre manifestation que la marche du 15 mai, parce que nous ne voulons plus de morts. Nous ne voulons plus que nos enfants sortent dans les rues. La dernière marche du RHDP a fait des morts, essentiellement des civils. Il y a eu trop de morts dans cette crise que nous vivons. En tant que femme et mère, je ne veux plus de morts d’hommes. Pourquoi réclamer une date des élections au moment où le contentieux électoral va reprendre ? Nous avons attendu longtemps, prendre le temps de réunir toutes les conditions pour aller aux élections serait plus sage ».
3- Geneviève Bro Grébé, présidente des femmes patriotes : «Je ne connais pas les contours de cette marche »
« J’étais très occupée toute cette semaine, je n’ai donc pas eu le temps de m’informer sur la marche du RHDP. Je ne connais pas les contours de cette marche».
4- Kabran Appiah, président du mouvement citoyen Alternative : «J’espère que le gouvernement nous protégera contre les insurgés»
« Ceux qui ont projeté cette marche la présente comme une insurrection contre Gbagbo, ils veulent chasser Gbagbo du pouvoir par la violence. Cela me rappelle des événements que nous avons vécus récemment, mais c’est une affaire où chacun prend ses responsabilités. Le gouvernement a un rôle à jouer, j’espère qu’il le jouera, le RHDP prend aussi les siennes. Quand on n’arrive pas à parler à des gens responsables, quand il ne peut pas y avoir une discussion sereine avec des gens, il se passe toujours qu’il y a un déclic et c’est peut-être ce que les gens attendent. Je voudrais attirer l’attention des uns et des autres sur la nécessité pour eux d’assumer tout ce qu’ils font. Il ne faudrait pas que, le moment venu, les gens viennent raconter des histoires sur leur part de responsabilité. Chacun assume parfaitement ce qu’il fait. C’est le rôle des gens qui sont dans une stratégie insurrectionnelle de faire des insurrections, c’est aussi le rôle du gouvernement de protéger les citoyens. En tant que citoyen ivoirien, libre et démocrate qui souhaite que la Côte d’Ivoire sorte de cette situation, j’espère que le gouvernement nous protégera contre les insurgés ».
5- Me Hervé Gouaméné, président de l’APDH : «Je me demande si tout le monde a la même appréciation de l’intérêt national»
« Dans un Etat de Droit, la marche est un mode d’expression démocratique et en tant que démocrates, militants des Droits humains, nous n’avons rien, par principe, contre une marche. Lorsque des citoyens ont un message à faire passer, ils peuvent utiliser plusieurs moyens démocratiques et pacifiques, dont la marche. Maintenant, il s’agit de savoir la nature de cette marche. Est-ce que c’est une marche qui va aboutir à des casses ou à des affrontements ? Est-ce que c’est une marche qui va réellement durer trois jours, comme je l’ai ouïe dire ? Si c’est le cas, je me pose des questions parce que c’est une marche qui prend l’aspect d’une insurrection. J’ai également ouïe dire que le ministre de l’Intérieur a demandé que cette marche soit reportée, à cause des assemblées annuelles de la BAD et surtout à cause du fait que les premiers participants à ces assises arrivent en Côte d’Ivoire à compter du 11 mai 2010. Dans l’intérêt de la nation, bien vrai qu’un tel argument met à mal le droit à la liberté de manifestation, tous les Ivoiriens doivent faire le sacrifice de nos manifestations qui risquent de donner une mauvaise image de la Côte d’Ivoire et qui risquent de décourager la BAD quant à sa volonté de revenir. Nous savons tous que la BAD est partie à la suite de la crise que nous avons connue et par souci du retour de cette institution, les jeunes du RHDP auraient dû accéder à la requête du ministre de l’Intérieur. Mais, je me demande si tout le monde a la même appréciation de l’intérêt national. J’ai des appréciations de deux sortes. D’abord, est-ce que le ministère de l’Intérieur ne va pas prendre toutes les mesures pour que cette marche n’ait pas lieu ? Est-ce que cela ne va révolter la jeunesse du RHDP qui va vouloir manifester autrement, en procédant à des casses ? Deuxièmement, est-ce que ce fait ne va pas remettre en cause le retour progressif que la BAD a entamé en Côte d’Ivoire ? ».
6- Téby Stanislas, président de l’ASCEC : «On nous a appris à bander les muscles pour communiquer»
« Les jeunes du RHDP ont rencontré le ministre de l’Intérieur qui leur a demandé de repousser la date de leur marche, en raison de la tenue des assemblées annuelles de la BAD. Mais il y a un problème. C’est que depuis tout ce temps, on nous a appris que pour mieux communiquer, il faut bander les muscles, casser et brûler. C’est déplorable ! C’est ce qu’on nous a montré depuis le décès de Houphouët-Boigny. J’ai toujours dit que celui qui crache là haut reçoit des gouttes sur le nez. J’ai lu une réaction de KKB que je trouve assez claire et qui disait qu’en 1990, en dépit de l’arrivée annoncée du Pape et de la demande de report de la marche par le Président Houphouët, le FPI a marché. Ils (Ndlr : les jeunes du RHDP) se disent donc qu’à leur tour, les assemblées annuelles de la BAD sont certes importantes pour la Côte d’Ivoire, mais eux sont obligés de marcher. On a l’impression d’assister à ‘’œil pour œil dent pour dent’’. C’est dire qu’ils pouvaient surseoir à leur marche mais ne veulent pas la mettre à une date où ils ne peuvent pas être écoutés. Le 15 mai se présente donc comme une occasion pour eux de se faire entendre. C’est une façon de mettre la pression sur le pouvoir pour lui faire comprendre qu’il y a des choses qu’ils n’apprécient pas. Ils veulent une date des élections, la distribution des cartes d’électeurs, des pièces d’identité des Ivoiriens, ils ne veulent pas du cinquantenaire. L’opposition fait donc là son travail et le gouvernement fait le sien. Ce dont il est question, c’est certainement l’image de la stabilité de la Côte d’Ivoire et cette marche n’arrange pas le camp présidentiel qui veut montrer que tout va bien en Côte d’Ivoire et que la BAD peut revenir. L’opposition veut de son côté montrer à la BAD que tant qu’il n’y a pas d’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, inutile de parler de stabilité. C’est, à leurs yeux, un bon moment choisi pour faire passer leur message. En ma qualité de leader de la société civile, je ne suis pas à mesure d’indiquer qu’il faut surseoir ou non à la marche. Il appartient à chacun de faire son travail et chacun a sa stratégie. Seulement, nous ne voulons plus entendre parler de mort d’hommes, de casse et d’incendie de biens, parce qu’aujourd’hui le pays est à zéro et tout est difficile. Je demande qu’on discute avec les jeunes du RHDP, pour voir ce qu’il est possible de leur donner et non les empêcher de marcher ».
7- Marie-Odette Lorougnon-Gnabri, secrétaire nationale OFFPI : «La date est mal choisie»
«Nous sommes en démocratie et il ne leur est pas interdit de marcher, mais c’est la date du 15 qui n’est pas bonne. Ils ont choisi cette date parce que tout simplement la BAD vient ici. Il n’y a pas un pays de l’opposition et un pays de ceux qui sont au pouvoir. D’ailleurs on est tous au pouvoir et nous serons tous comptables du bilan. Donc si la BAD vient ici, il faut que ses assises se tiennent en toute tranquillité et dans le calme. Et c’est pour la date mal choisie que nous négocions avec eux. Nous voulons éviter des débordements qu’il faut craindre, compte tenu des informations qui nous parviennent à l’issue de leurs réunions. Nous voulons aller aux élections et tout le monde se prépare. C’est eux qui ont suscité SAGEM et ils contrôlent la CEI. Quelle est donc leur crainte ? Nous attendons donc que tout soit clair pour qu’on aille aux élections que nous réclamons tous. Celui qui veut aller aux élections ne prépare pas de troubles. Qu’ils sachent que la liste électorale doit être propre et qu’ils fassent confiance aux Ivoiriens à qui appartiennent les élections et le pouvoir. La marche est donc inopportune pour ce jour du 15 mai comme annoncé. Nous ne sommes pas dans deux pays, mais bien en Côte d’Ivoire qui est une et indivisible. Nous devons penser au bien-être de ce pays ».
8- Dr Boga Sako Gervais, président-fondateur de la FIDHOP :«Nous ferons une sortie très pointue sur la question»
« Nous réservons notre position. Mais je pense que lorsque la République est en danger il n’y a pas de calcul à faire. Nous ferons une sortie très pointue sur la question ».
9- Sam l’Africain, président de la NACIP :«Pas de problème s’ils peuvent assumer »
« Nous sommes dans un pays où chacun doit se responsabiliser. S’ils peuvent assumer ce qui va se passer par la suite, il n’y a pas de problème. Je crois que le ministre de l’Intérieur est bien placé pour régler la question. Si le ministre leur demande un report parce que la Côte d’Ivoire va accueillir un important événement et qu’ils refusent, c’est parce qu’ils n’ont jamais été d’accord pour tout ce qui touche aux intérêts du pays. C’est vrai que comme ils le disent, le FPI a marché en son temps, mais il n’a pas marché contre les mesures d’interdiction. D’ailleurs on savait comment ça se passait quand le FPI marchait. On ne leur demande pas de ne pas marcher, mais de changer de date et je voudrais aussi savoir ce qu’ils réclament ! Ils parlent de date des élections, mais c’est eux qui ont financé tout ce qui a concouru à l’avènement de la crise. Nous le savons tous».
Avec la partenariat de L’Intelligent d’Abidjan / Propos recueillis par Olivier Dion et S. Débailly
Wed, 05 May 2010 04:02:00 +0200
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