Fing Fang s’inscrit dans une tradition de luttes et d’éveil des consciences. Icône pour certains, provocateur pour d’autres, l’artiste divise. Et tandis que sa consommation de cannabis alimente les polémiques, c’est son discours politique et spirituel qui reste dans l’ombre.
Depuis quelque temps, l’artiste Fing Fang fait l’objet de polémiques. Ce n’est pas tant sa musique ou ses discours qui sont remis en cause publiquement, mais un aspect périphérique et médiatisé : sa consommation de cannabis. Une focalisation qui interroge, dans la mesure où elle semble occulter l’essentiel.
Car Fing Fang n’est pas qu’un chanteur. Il est aussi un penseur, un militant, un homme engagé dans une démarche de libération des consciences. Son propos, souvent tranchant, dérange parce qu’il remet en cause les fondements d’un certain ordre établi. Il parle d’émancipation noire, de décolonisation mentale, de rejet des dogmes hérités de la domination coloniale. Une parole forte, directe, subversive et donc dangereuse pour ceux qu’elle bouscule.
Un procédé bien connu : discréditer l’homme pour faire oublier l’idée
Le cas de Fing Fang rappelle une mécanique bien rodée : discréditer l’individu pour enterrer son message. Bob Marley et ses compagnons avaient subi le même sort. On avait tenté de noyer leurs prises de position sous la caricature des rastamans fumeurs de ganja. De nos jours, la société est plus prompte à condamner l’usage de cannabis qu’à s’interroger sur la force d’un discours qui appelle à sortir de l’aliénation.
Deux poids, deux mesures
Il ne s’agit en aucun cas de faire l’apologie du cannabis, d’autant plus que de nombreuses études scientifiques ont démontré que sa consommation prolongée peut avoir des effets néfastes sur le cerveau. Toutefois, il est essentiel de rappeler que ces dangers existent également avec l’alcool, une drogue pourtant autorisée dans notre société, malgré les ravages qu’elle cause au quotidien.
La question de fond met en lumière les préjugés face à la consommation des drogues dites « douces » par certaines figures contestataires. Pourquoi s’indigne-t-on plus facilement d’un artiste qui fume que d’un politicien alcoolisé ? Pourquoi ce jugement si sévère à l’égard du cannabis, tandis que l’alcool continue de détruire des vies dans l’indifférence de nombreuses personnes ? Ce « deux poids, deux mesures » révèle une hypocrisie tenace, qui empêche tout débat lucide et honnête sur la question.
En refusant les chaînes mentales pour prôner l’éveil des consciences, Fing Fang s’inscrit dans une démarche d’émancipation culturelle, spirituelle et politique du peuple noir. Il s’agit là d’un acte politique, courageux et nécessaire.
« Contrairement à ce que tout le monde pourrait croire, la religion, ce n’est pas simplement : “Je vous salue Marie…”. La religion, c’est un moyen de soumission, de division et de domination. Soumettre, diviser pour régner. Observez vous-mêmes : les chrétiens et les musulmans ne sont pas prêts à s’unir, et on voit comment ils se font la guerre. Mais à qui profite cette guerre ? Comme je le dis, ils ont mis fin à l’esclavage et nous ont donné la religion pour nous adoucir, pour empêcher que nous nous révoltions contre eux. C’est subtil. Trop bon, trop con. Tout cela pour vous dire que je suis peut-être fou, mais je ne suis pas con. Je ne me positionne pas contre l’amour et la bonté, mais contre la manipulation malsaine qui a été faite envers les Noirs, envers mon peuple et, par ricochet, envers moi-même, à travers Jésus et les autres. Je préfère encore le vaudou, le bwiti, le poro, etc., au christianisme et à l’islam. Je n’en veux pas à un Arabe qui veut être musulman, ni à un Européen qui veut être chrétien, mais je dénonce un Noir qui se délaisse, qui abandonne sa propre science pour vouloir devenir musulman ou chrétien », déclare l’artiste.
Axel Illary