En Guinée, la grâce présidentielle est régie par la Constitution et le Code pénal. Cela étant dit, selon l’article 43 de la Constitution guinéenne, le président de la République a le pouvoir de gracier des condamnés. Cet article précise que le président peut accorder des grâces, des remises de peine ou des commutations de peine. Ce même article a été repris par la charte du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), signée le 27 septembre 2021 par le colonel Mamadi Doumbouya. L’article stipule que le président de la Transition exerce le droit de grâce et confère les décorations de la République.
Rappelons que le général Mamadi Doumbouya est le président de la République de Guinée. Il a pris le pouvoir à la suite d’un coup d’État en septembre 2021, renversant le président Alpha Condé. Depuis lors, il est à la tête de la transition politique en Guinée. Ce militaire, issu des rangs des forces spéciales guinéennes, a promis de réformer le pays et d’organiser des élections, bien que la date de ces élections ait été sujette à des discussions et à des retards. Enfin, retour sur la grâce présidentielle accordée à Moussa Dadis Camara.
Condamné à 20 ans de prison ferme le 31 juillet 2024 pour crimes contre l’humanité, dans le procès du massacre du 28 septembre 2009 au stade de Conakry, l’ancien président Dadis Camara a bénéficié d’une grâce présidentielle du président de la République, le général Mamadi Doumbouya, le 28 mars 2025, pour des raisons de santé.
Ce procès public est une première en Afrique. Retransmis à la télévision nationale, sur les chaînes privées et sur les réseaux sociaux, il a été suivi par les populations guinéenne et africaine, voire à l’international. Pour les puristes du droit, le tribunal de première instance de Dixinn, présidé par le juge Ibrahima Sory II de Tounkara, n’a pas levé toutes les zones d’ombre. En un mot, il n’a clairement pas établi les responsabilités légale, matérielle et morale du président Moussa Dadis Camara. Aucune preuve d’existence de charnier n’a été apportée. Quid de la présence de Dadis Camara à Marocana, près du stade ? Une affabulation des avocats de son aide de camp.
De plus, aucun chef militaire ou policier, ni même l’aide de camp, n’a affirmé que Moussa Dadis Camara avait donné l’ordre aux militaires qui ont commis les massacres au stade. Comme un contorsionniste, le président du tribunal, dans l’émotion, n’a fait que suivre l’opinion guinéenne pour condamner Dadis et ses coaccusés. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Il a dû oublier que le général Mamadi Doumbouya est un homme épris de paix et de justice, qui fait sienne la citation de Mirabeau : « Dans le doute, mieux vaut faire grâce que justice. »
Sans trembler, l’homme fort de la Guinée a accordé la grâce à Dadis Camara, suscitant des opinions divergentes aussi bien en Guinée qu’à l’international. Pour certains, cela est perçu comme un geste de réconciliation nationale, un geste qui va apaiser les tensions politiques et favoriser un climat de paix dans le pays.
D’autres, en revanche, voient cela comme une injustice, compte tenu des accusations de violations des droits de l’homme et des événements tragiques survenus sous son régime en 2009. Cette décision soulève également des questions sur la justice et la responsabilité, en particulier pour les victimes et leurs familles. En somme, la manière dont cette grâce est perçue dépend des perspectives politiques et des expériences personnelles des dirigeants politiques et de la population guinéenne.
Toutefois, il est important de suivre l’évolution de la situation et de voir comment cela impacte la stabilité et la réconciliation en Guinée. Comme dit plus haut, en Guinée, la grâce présidentielle est un pouvoir discrétionnaire du président de la République, qui peut être accordée indépendamment des procédures judiciaires en cours, y compris des appels interjetés. Cela signifie que même si une personne a fait appel d’une condamnation, le président de la République peut décider de lui accorder une grâce.
Il est évident que cette grâce a soulevé des questions sur l’équité et la justice, surtout dans un cas sensible comme celui de Dadis Camara, où des accusations graves de violations des droits de l’homme lui sont reprochées. Cette grâce peut être perçue comme une ingérence dans le système judiciaire, ce qui peut donc susciter des critiques aux niveaux national et international. Là aussi, il est important de suivre les réactions et les implications de cette décision dans le contexte politique et social guinéen.
Par Faustin Dali