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    La Liberté d'Informer

    Connaître l’histoire de l’Afrique pour construire l’avenir : le message d’Axel Illary

    ByLa Dépêche d'Abidjan

    Oct 15, 2025

    Axel Illary, journaliste culturel et activiste panafricaniste basé à Paris, consacre sa carrière à rétablir la vérité sur l’histoire de l’Afrique. Fondateur du journal La Dépêche d’Abidjan édité en France, auteur d’un essai sur le Zouglou et réalisateur de documentaires, il explore, dans son dernier roman Les Brèches du Silence, la lutte pour la mémoire et la renaissance culturelle du continent. Entre fiction et engagement, il invite à découvrir les racines africaines et trace la voie vers la réalisation de Kama, les États-Unis d’Afrique.

    Axel Illary, votre parcours mêle journalisme, documentaire et écriture. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à l’histoire africaine et à en faire un combat culturel et intellectuel ?

    Axel Illary :  Mon engagement part du constat que l’histoire enseignée concernant l’Afrique, que ce soit sur le continent ou à l’étranger, est tronquée, minimisée, voire falsifiée. Cela m’a poussé à agir. Je suis convaincu que transmettre la vérité historique est un acte de justice et de libération. L’histoire est le socle de l’identité et de l’avenir du peuple noir. 

    D’ailleurs, l’UNESCO et l’Union africaine ont élaboré l’Histoire générale de l’Afrique, une œuvre monumentale dont la rédaction a réuni plusieurs centaines de spécialistes du monde entier pour corriger cette falsification, largement orchestrée par les religions abrahamiques. Cependant, malgré la Charte de la renaissance culturelle de l’Afrique, adoptée par les chefs d’État en 2006, qui recommande de vulgariser cet ouvrage et de l’introduire dans l’enseignement afin de lutter contre la méconnaissance généralisée de l’histoire africaine, rien n’a été fait jusqu’à ce jour. 

    L’Afrique est le berceau de l’humanité et de la civilisation. La pensée philosophique et religieuse y a pris racine. Elle a joué un rôle pionnier, et le monde actuel doit beaucoup à son héritage. Il est crucial que cela soit reconnu.

    Vous évoquez souvent le panafricanisme dans vos prises de position et vos œuvres. Comment définissez-vous ce mouvement, et en quoi demeure-t-il essentiel à la renaissance culturelle et politique du continent ?

    Le panafricanisme est né dans la diaspora, au sein des luttes des peuples noirs contre l’esclavage, la ségrégation et le colonialisme. Ses premières expressions se trouvent dans les écrits de penseurs comme Edward Wilmot Blyden et Anténor Firmin, qui ont affirmé la dignité et l’unité du monde noir. Des figures telles que W. E. B. Du Bois et Marcus Garvey ont ensuite posé les bases d’un mouvement mondial, fondé sur la solidarité entre tous les descendants d’Afrique. Ce courant s’est prolongé avec la négritude, portée par Aimé Césaire, Léon-Gontran Damas et Léopold Sédar Senghor, avant de prendre une dimension politique sur le continent grâce à Kwame Nkrumah et d’autres leaders indépendantistes.

    Le panafricanisme n’est pas une idée du passé, mais une nécessité. Tant que les peuples africains et afrodescendants seront divisés, ils resteront dépendants des puissances extérieures et ne pourront pas construire leur souveraineté. Le panafricanisme est la conscience d’une unité culturelle, historique et spirituelle. 

    Il est au cœur de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et de la Charte de la renaissance culturelle africaine, qui rappellent que l’unité, la culture et la souveraineté sont les conditions du développement du continent. C’est aussi l’esprit qui guide ma démarche, consistant à refuser les frontières héritées de la colonisation, pour affirmer que notre histoire et nos luttes sont communes. La renaissance africaine passe par la conscience de cette unité.

    Votre dernier roman, Les Brèches du Silence, plonge dans la lutte pour la mémoire africaine. Pourquoi avoir choisi la fiction pour aborder ce sujet ?

    Axel Illary : La fiction permet de donner corps à des idées et à des combats intellectuels de manière plus vivante que l’essai, qui se concentre surtout sur l’analyse et l’argumentation. Cela rend les idées plus accessibles. Avec Wazi Koudou, Aïssata Diop et Zagolé, j’ai voulu montrer que la résistance à l’oubli peut être collective. Les protagonistes incarnent la passion pour la vérité historique et l’engagement à réveiller les consciences. La mémoire africaine prend vie dans ce roman à travers eux et les traditions.

    Quelle est la place de la jeunesse dans cette renaissance africaine que vous évoquez ?

    Axel Illary : La jeunesse est la force motrice de ce renouveau. Curieuse, elle cherche à s’informer sur son peuple. À travers les cercles clandestins, je mets en lumière la transmission des savoirs ancestraux et la réhabilitation de l’héritage africain comme actes d’émancipation. Je montre aussi que les jeunes peuvent insuffler le dynamisme et l’innovation s’ils s’approprient leur histoire et leur culture.

    Outre la réappropriation des traditions, vous abordez les États-Unis d’Afrique, un projet panafricain ambitieux. Comment la mémoire historique peut-elle inspirer une vision politique pour le continent ?

    Axel Illary : L’histoire et la politique sont intimement liées. Comprendre nos origines et notre rôle dans l’histoire de l’humanité permet de nourrir une vision collective. La mémoire africaine offre les clés pour bâtir un projet fédéral, culturel et politique, basé sur la solidarité, la justice et l’émancipation. « Les Brèches du Silence » illustre ce chemin. Si les Africains se réapproprient leur culture et leur histoire, ils peuvent bâtir un continent unifié et souverain.

    Vous avez produit des documentaires et écrit un essai sur le Zouglou. Quel lien voyez-vous entre la musique et la renaissance culturelle ? 

    La musique est un outil de mémoire. Elle éveille les esprits et peut faire prendre conscience de l’aliénation culturelle provoquée par les tragédies de l’histoire, comme la traite négrière, l’esclavage et la colonisation. Pour cela, les artistes eux-mêmes doivent se libérer de la vision coloniale qui les aveugle et leur fait croire que « l’Afrique n’est pas assez entrée dans l’histoire ».  

    Malheureusement, beaucoup n’ont pas encore le courage de s’affranchir de l’emprise des croyances imposées par les oppresseurs. Ils répètent ce que les colons leur ont appris et diabolisent leur propre culture, sans remettre en question les dogmes étrangers. Leur rôle est pourtant crucial dans la lutte pour la renaissance culturelle de l’Afrique. Certaines chansons présentent l’Afrique comme le berceau de l’humanité, mais leurs auteurs savent-ils vraiment ce que cela signifie ?

    Pour conclure, que souhaitez-vous transmettre à vos lecteurs et à ceux qui vous suivent dans votre combat pour la vérité historique ?

    Axel Illary : Je veux leur faire savoir que connaître son histoire, c’est être libre. La mémoire est un acte de résistance et une source de puissance. L’Afrique a vu naître les premières grandes civilisations. L’Égypte antique, civilisation noire, a influencé des cultures comme celle de la Grèce antique, cœur de la civilisation occidentale. Le savant Cheikh Anta Diop a démontré que l’Égypte antique a été l’institutrice de la Grèce dans tous les domaines. Ce sont les religions abrahamiques qui ont diabolisé l’Afrique noire, avec les exemples les plus parlants du personnage nommé Pharaon dans la Bible et de la fameuse légende de la malédiction de Cham, selon laquelle les Noirs sont voués à la servitude. Nous avons le devoir de préserver nos savoirs, de célébrer nos traditions et de transmettre aux générations futures une Afrique fière de son passé et capable de construire son avenir. L’Afrique est le berceau de l’humanité et de la civilisation, mère des savoirs qui ont façonné ce monde. Le moment est venu de rappeler cela avec clarté. J’exhorte vivement à la lecture de Les Brèches du silence, une oeuvre qui explore l’histoire et la mémoire africaine avec un regard panafricaniste.

     

    Interview réalisée par téléphone par Éric Cossa

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