Achat d’armes aux usa / Ouverture d’enquête judiciaire : Le Procureur Tchimou bientôt saisi du dossier

Gbagbo va-t-il lâcher son ministre ?
Dans l’affaire d’achat d’armes aux Etats Unis, le ministre Amani N’Guessan serait mis à l’index par le chef d’Etat, le Premier ministre et ses collègues membres du gouvernement. Quant à Laurent Gbagbo, il ne veut rien entendre puisque convaincu des ambiguïtés décelées au cours de cette transaction. C’est vrai que le Chef d’Etat et le diplomate américain se sont parlé. Une source bien introduite révèle que le Président et l’ambassadeur américain, ainsi que le Premier ministre Guillaume Soro se sont mis d’accord pour réclamer d’une même voix une enquête judiciaire. La même source confirme que le Président candidat aurait tenu des propos d’une grande fermeté. «On ne peut pas laisser faire impunément. Il faut que tout soit clarifié», nous rapporte cette source. S’étant largement expliqué, la preuve a été établie que le ministre n’a pas pris le soin de se déplacer lui-même ou vérifier la faisabilité du projet avant d’engager l’Etat ivoirien. A l’entendre, on a l’impression qu’il s’est jeté tête baissée et pieds joints dans cette opération ‘’lugubre’’. Ce qui intrigue le plus, c’est que le gouvernement ne s’est pas encore officiellement exprimé sur ce dossier. Même si discrètement le Chef du gouvernement et le Président de la République tentent des actions de « sauvetage ». Du côté de l’opinion nationale et internationale, cet acte est dénoncé avec la plus grande énergie. Sinon, comment comprendre que le gouvernement qui a demandé la levée de l’embargo n’attende pas que le Conseil de sécurité de l’Onu lui donne suite favorable avant de passer cette commande ?
L’affaire devient sérieuse
Aujourd’hui, c’est le Gouvernement ivoirien qui est accusé à demi-mot par les autorités américaines qui le tiennent pour responsable dans ce trafic illicite d’armes sur leur territoire. Le Président Gbagbo qui ne veut pas brouiller ses bonnes relations diplomatiques avec l’Etat américain aurait instruit son ambassadeur Alcide Djédjé, représentant de la Côte d’Ivoire à l’ONU pour parer au plus pressé. Mais les tractations diplomatiques n’auraient rien donné. Très embarrassé, soutient-on, le Chef d’Etat qui n’ose pas engager un bras de fer avec son nouvel allié, serait décidé à commettre le procureur de la République aux fins d’ouvrir une information judiciaire. Mais le caractère sensible et confidentiel de l’instruction exige du procureur de la République beaucoup plus de rigueur surtout que l’un des conseillers du ministre est mis en examen dans cette même affaire. C’est vrai que les grands dossiers n’ont aucun secret pour lui, mais le contexte actuel et les enjeux sont différents. Peut-être qu’il sera aidé par son collègue Ange Kessi, procureur militaire, comme d’habitude pour gérer le volet militaire. Mais, il est à noter qu’à 31 jours du 31 octobre, le parquet risque d’être mis à rude épreuve si d’aventure, il était sollicité pour l’ouverture d’une enquête judiciaire. Comme par prémonition, Laurent Gbagbo avait déjà mis en garde, ses collaborateurs immédiats. « Il y a des missions qu’on confie à des collaborateurs. Quand ils réussissent, on les applaudit. Mais quand ils échouent, on fait comme si on ne sait rien et on le lâche. Et c’est comme ça tous les Chefs d’Etat fonctionnent», avait-il prévenu. C’est dire qu’il ne fera rien pour empêcher quoi que ce soit. Surtout que la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques est très claire. Dans son article 31 elle établit que l’agent diplomatique jouit de l’immunité de la juridiction pénale de l’Etat accréditaire. Mais dispose dans son article 38, que si ledit agent à la nationalité de l’Etat accrédité, ce qui n’est pas le cas, il n’est couvert que pour les actes officiels accomplis dans l’exercice de ses fonctions. Est-ce que le conseiller du ministre Amani N’Guessan est un agent diplomatique ou encore bénéficie-t-il d’une accréditation de l’Etat américain ? La question demeure toute entière. Et la preuve n’a pas été donnée que cette mission était connue des autorités américaines. Ce qui saute à l’oeil, c’est que le ministre de la Défense ne se soit pas muni de toutes les garanties pour éviter de tomber sous le coup des lois internationales. Nous attendons que l’enquête judiciaire soit effectivement confiée au Procureur de la République, pour que chaque citoyen se fasse une idée de ce qui va réellement se passer. La balle est donc dans le camp de Gbagbo. Sollicitera-t-il vraiment Tchimou, comme il l’a fait dans la récente affaire Tagro ou se contentera-t-il de demeurer muet malgré tout? C’est à lui de décider…
Patrice Pohé
Encadré
L’Onu répond à Amani N’Guessan
Lors de sa session du mardi 28 septembre 2010, le conseil de sécurité s’est penché sur les avancées réalisées en Côte d’Ivoire dans le cadre du processus de sortie de crise et plus particulièrement l’organisation des prochaines élections présidentielles fixées au 31 octobre 2010. A l’issue de sa consultation, le Conseil de Sécurité a produit une déclaration dans laquelle elle constate et salue les acteurs politiques ivoiriens qui ont accepté consensuellement la liste définitive de 5.725.720 d’électeurs le 6 septembre. Dans le même élan le Conseil de Sécurité a endossé la certification de cette liste par le représentant du secrétaire général de l’Onu à Abidjan. Autre fait important, le Conseil de Sécurité a répondu favorablement à la demande du secrétaire général Ban Ki-Moon de déployer 500 casques bleus supplémentaires en Côte d’Ivoire pour assurer la sécurité des élections présidentielles et veiller à ce que le processus de sortie de crise s’achève dans de bonne condition et dans le calme. Est-ce pour couper court à tout argument de report des élections présidentielles, de la part des autorités ivoiriennes que l’Onu a décidé de renforcer son dispositif ? Pour rappel, le ministre de la défense Amani N’Guessan avait exprimé des inquiétudes, au nom du gouvernement, quant à la sécurisation des élections du 31 octobre lors d’une conférence de presse tenue le 16 septembre, pour justifier l’achat de 4000 pistolets automatiques, 200.000 munitions 9mm et 50.000 grenades lacrymogènes. Le Conseil de Sécurité conscient de la nécessité d’assurer la sécurité des élections présidentielles. C’est une réponse donnée à ceux qui posent le problème de sécurisation des élections en envoyant 500 casques bleus supplémentaires à Abidjan. Autre façon de dire à Amani N’Guessan qu’il n’avait pas besoin de violer l’embargo sur les armes imposé à la Côte d’Ivoire. Disons que cette conférence de presse faisait suite à l’affaire de l’arrestation à New York d’un citoyen ivoirien du nom de Yao N’Guessan, conseillé technique au ministère de la défense. Celui-ci a été inculpé par les autorités américaines pour violation de l’embargo sur les armes en direction de la Côte d’Ivoire, imposé par l’Onu depuis 2004. Les enquêtes ont révélé que M. Yao N’Guessan s’est rendu aux Etats Unis pour l’achat de 4000 pistolets automatiques, 200.000 munitions 9mm et 50.000 grenades lacrymogènes. Si les autorités ivoiriennes comptaient sur le niveau de sécurité inadéquat pour reporter la date des élections, cette décision de l’Onu de renforcer son dispositif de 500 hommes supplémentaires rend cela désormais impossible. D’ailleurs dans sa déclaration, le Conseil de Sécurité appelle les acteurs ivoiriens à ne pas céder aux tentations de reports de ces élections en exhortant «les parties prenantes ivoiriennes à tenir leurs engagements pour organiser le premier tour de l’élection le 31 octobre, comme convenu par les parties lors du Cadre permanent de concertation qui s’est déroulé à Ouagadougou le 21 septembre dernier » Ces 500 casques bleus sont prévus pour demeurer sur places pour une période de six mois afin de participer à la sécurisation du scrutin présidentiel avant, pendant et après son déroulement. Qui connait bien le ton diplomatique des déclarations onusiennes, sait que l’Onu craint surtout un regain de violence relativement à ses élections et malgré ses mis en garde, l’organisation n’exclut pas le report des élections présidentielles. Du côté d’Abidjan, il semblerait que l’option du report est déjà acquise. Reste à publier la nouvelle date arrêtée. A noter que l’Onu a déjà sur place 8000 hommes en Côte d’Ivoire depuis le début de la crise ivoirienne
Amao Norène
Avec le partenariat de l’Intelligent d’Abidjan
Thu, 30 Sep 2010 11:31:00 +0200
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