Débats du cinquantenaire / Alafé Wakili, Journaliste-Ecrivain, DG de l’IA : ‘’Un journal indépendant peut appeler ses lecteurs à voter un candidat’’

Photo : DR
UN JOURNAL INDEPENDANT doit-il appeler les lecteurs à voter en faveur d’un candidat ?

Intéressante question qui cependant mérite d’être rectifiée et reformulée. Au lieu de se demander si un journal indépendant doit le faire, ne faut-il pas se demander s’il peut le faire ? Oui il peut le faire. Un journal indépendant peut le faire parce que ses promoteurs et ses journalistes sont des citoyens libres et à part entière, ayant le droit d’avoir des convictions politiques et de faire des choix. Oui un journal indépendant peut le faire parce que cela n’est pas contraire à la loi électorale ni au code de déontologie des journalistes. Mais doit-on le faire tout simplement parce qu’on peut le faire ? Un journal indépendant a-t-il plus d’obligations qu’un journal non indépendant ? En vérité les choses peuvent paraître difficiles pour un journal indépendant. Car être un journal indépendant n’est pas évident. Cette revendication d’indépendance a du mal à passer, et fait sourire les bien-pensants. Un journal indépendant est un journal qui ne revendique aucune affiliation politique. Un journal indépendant est un journal dont ne se revendiquent pas les militants ni les dirigeants d’un parti politique. Pour être indépendant il faut qu’il soit difficile d’être mis dans une catégorie. Ce sont ces trois conditions qui sont donc à remplir pour un journal indépendant. L’Intelligent d’Abidjan remplit ces conditions. D’abord nous disons haut et fort que nous sommes indépendants alors que personne ne nous fera rien, si nous nous rangeons d’un côté. Pourquoi si nous ne sommes pas indépendants, ne le dirions-nous pas alors que ne pas être indépendant et soutenir un camp comme d’autres, est un choix normal fait presque par tout le monde. Nous sommes indépendants parce que les militants du RHDP disent que nous sommes pro-Gbagbo, tandis que dans La Majorité Présidentielle, l’on estime qu’on n’est pas clair et que nous ne sommes pas pour Laurent Gbagbo. Dans de telles circonstances comment appeler à voter un candidat ? N’est ce pas cesser d’être indépendant et soutenir enfin un camp ? Puisqu’il s’agit de la Côte d’Ivoire, puisqu’il s’agit de la paix, puisqu’il s’agit de promouvoir la bonne gouvernance, la justice, l’Etat de droit, un journal indépendant ne peut pas assister sans réagir à la victoire d’un camp qui serait susceptible de briser la cohésion nationale, la prospérité et le bien-être général. Si nous avons choisi d’être indépendant, c’est bien pour être libre de dire ce qui ne va pas, et surtout pour faire la promotion de ce qui va bien. Si nous estimons qu’un candidat peut faire en sorte que les choses aillent bien, nous avons le devoir et le droit de le dire. Si nous sentons qu’un citoyen est plus apte à gouverner nous devons et nous pouvons le dire. Cela dit, il s’agit là d’un principe général et rien ne dit que l’Intelligent d’Abidjan appellera à voter un candidat. De toutes les façons, si nous devons nous engager dans un tel schéma, ce sera à la suite du séminaire éditorial en préparation qui permettra d’harmoniser les positions, car à l’Intelligent d’Abidjan plusieurs convictions politiques sont réunies. Chacun des 14 candidats a au moins un ami ou un partisan, parmi la quarantaine de travailleurs de l’IA. Pour éviter qu’un collaborateur évoque par exemple la clause de conscience, nous essaierons donc le cas échéant d’associer tout le monde à un choix partisan. Ensuite après le séminaire, nous testerons les choses, en organisant un vote réel et grandeur nature au niveau du personnel qui est inscrit sur la liste électorale. Nous sommes une quarantaine de personnes, et le vote interne à l’IA permettra de dégager les tendances. C’est en fonction de cela que nous pourrions décider ou non, d’appeler à voter un candidat. Ce sera quelque chose de fort, car il s’agira d’engager notre crédibilité et notre notoriété en faveur d’une cause nationale. Il s’agit d’un défi à notre indépendance, mais aussi de l’expression même de cette indépendance. Cela ne signifie point que si le candidat est élu, nous serons à sa solde. Ou bien que si celui que nous n’avons pas choisi, est élu, nous le poursuivrons de notre haine vengeresse. Non du tout ! Nous continuerons à faire notre travail de journal indépendant, comme nous le faisons en ce moment, en invitant tout le monde à créer les conditions d’une élection sécurisée et apaisée. En disant par exemple, qu’il n’est pas bien d’aller au vote le 31 Octobre, si tous les Ivoiriens n’ont pas eu leurs cartes d’électeurs et d’identité à cette date par la faute de la CEI, par faute de temps matériel, ou pour toutes autres raisons indépendantes de la volonté des populations. Mais si c’est le citoyen qui volontairement choisit de ne pas venir chercher ses pièces, alors il assumera. Mais l’Etat et la CEI ne doivent pas créer une telle situation d’exclusion, d’inégalité et d’injustice.

Alafé Wakili

Abidjan le 28 Septembre 2010

Encadré

Alafé Wakili :‘’Si nous appelons le peuple au calme, le hold-up ne passera pas de part et d’autre’’
Le directeur général (DG) de L’Intelligent d’Abidjan, à la suite de ses propos liminaires, a eu des échanges avec les journalistes. Du choix d’un candidat par l’IA au processus électoral en passant par la tenue des élections ou non le 31 octobre 2010, le journaliste-écrivain a été sans détours. « Est-ce qu’on peut être heureux tout seul ? Est-ce qu’il ne faut pas entrer un peu dans la collectivité et puis encourager les bons choix’’ ? (…) L’Intelligent d’Abidjan, ce sont les citoyens et des individus qui le financent. Ce ne sont pas des partis politiques. Bien entendu, les journalistes peuvent avoir une conviction politique. Chez nous, certains sont du Rdr, du Fpi, du Pdci ou du Pit . Il y a même des amis d’Adama Dahico. Il faut que les gens comprennent quelque chose. Moi, je peux être ami à un politicien et le fréquenter. Je peux lui donner même des conseils. Mais, quand je reviens dans mon journal, je suis journaliste. (…) Moi, je peux avoir des amitiés politiques, mais je veux que le métier de journaliste soit réhabilité et que notre indépendance soit une donnée admise. (… ) Nous devons donc faire des efforts et éviter la suspicion sur les journalistes. Ce métier a ses règles et il faut le faire selon les règles. Comme le métier de médecin, d’avocat, de notaire et de policier, ce métier à ses règles. Il y a des avantages et des inconvénients. Il y a des privilèges et aussi des servitudes. Nous devons être dedans et puis les assumer tout en fixant notre ligne d’indépendance sans faire trop d’excès en faveur ou contre un candidat », a indiqué le DG de l’Intelligent d’Abidjan, qui a fait remarquer que des journaux de droite ont appelé à voter Obama aux USA. Quel est le profil du candidat de l’IA ? L’auteur de ‘’Instants de vies » répond que celui-ci devra être non seulement un leader qui rassemble et réconcilie, mais doit être également un candidat dans lequel la majorité des Ivoiriens, au sortir des urnes, peut se reconnaître. Aussi au-delà du profil, l’IA tiendra compte de certains paramètres notamment le contexte et l’environnement. A la question de savoir si ‘‘le quotidien dont vous avez rêvé’’ ne craint pas la réduction de son lectorat en choisissant un candidat, le directeur général de Socef Ntic a fait savoir qu’«on prend des risques tous les jours. Je ne crois pas qu’on prendra plus de risques ce jour que d’habitude ». S’agissant du processus électoral, Alafé Wakili a déclaré que l’IA ne croit pas à la tenue des élections le 31 octobre compte tenu de l’intensité des tâches restantes. Mais, il s’agit, en outre, pour ce quotidien de mettre la pression sur les structures en charge de l’organisation du scrutin présidentiel. « Nous faisons notre travail de journaliste et il revient à la Commission électorale indépendante (Cei) et à la Primature de nous démentir et de faire leur travail en organisant les élections le 31 octobre. Nous avons fait un pari. Il s’agit pour nous à travers ces doutes de maintenir la pression, de dire que rien n’est gagné et rien n’est acquis définitivement et qu’il faut maintenir la mobilisation à tous les instants. Il ne s’agira pas de dire qu’on ira aux élections le 31 octobre sans avoir réuni les conditions qui permettent d’y arriver. Notamment permettre à tous les citoyens de posséder leurs cartes d’identité et d’électeur au moins une semaine avant les élections », a argumenté M. Alafé. Pour qui, la distribution des cartes d’identité et d’électeurs le jour du scrutin ne rendra pas la campagne électorale apaisée. Mais, sera source de tension de nature à perturber les élections présidentielles elles-mêmes. A une préoccupation relative à une éventuelle influence du scrutin par l’armée et la Communauté internationale notamment la France, l’invité des ‘‘débats du cinquantenaire’’ a relevé que seul le peuple est souverain et que personne ne pourra influencer son choix. Car, dira-t-il « La France, la communauté internationale ne peuvent influencer le choix des ivoiriens. Ils suivront ce que les ivoiriens décideront. L’armée ne fera pas le roi. C’est le peuple qui fera le roi. En 2000, la volonté populaire s’est exprimée. Ce même peuple existe et ne va pas accepter que quelqu’un qu’il n’aime pas soit son président. Quelle que soit l’armée, ça ne passe pas. Donc, il faut croire à ce peuple là et lui faire confiance. Malgré toutes les intimidations et tout ce que la communauté internationale dont la France, l’Onu, les Etats-Unis ainsi que l’armée feront, si tu n’as pas l’adhésion du peuple, tu n’iras nulle part. (…) Un peuple qui n’est pas libre, qui a faim et qui est malheureux, qui est traqué et qui n’a plus d’espoir n’a pas peur des chars partout dans le monde entier y compris en Côte d’Ivoire. (…) Moi, je crois que l’armée sera républicaine. L’armée surprendra, vous verrez. Je pense que l’armée fera ce qui est juste ». En tout état de cause, selon lui, la Côte d’Ivoire peut échapper à des troubles le 31 octobre prochain, à condition que le peuple soit vigilant et que les partis politiques fassent preuve de bonne foi en évitant de manipuler les résultats qui sortiront des urnes. Le directeur général de l’IA a insisté sur la nécessité pour les différents candidats de s’abstenir de s’autoproclamer vainqueurs avant l’annonce des résultats définitifs. Toute chose qui éviterait la violence. «Si nous appelons le peuple au calme, le hold-up ne passera pas de part et d’autre», a-t-il martelé. Alafé a la certitude que les deux dernières semaines de la campagne présidentielle seront déterminantes. A l’en croire, le candidat qui dira des mots justes à cette période aura plus de chance de remporter les élections. « A mon avis, rien n’est gagné. Tout est ouvert. C’est vrai, Il y a des tendances et il y a eu les sondages, mais tout reste encore ouvert », a-t-il estimé.

Touré Abdoulaye

Avec le partenariat de l’Intelligent d’Abidjan

Wed, 29 Sep 2010 12:57:00 +0200

0

Laisser un commentaire

Nous utilisons des cookies afin de vous offrir la meilleure expérience possible sur notre site Web. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez notre utilisation des cookies.
Accepter
Refuser
Privacy Policy