L’image d’un Charles Konan Banny à génuflexion a remporté samedi la palme des spotlights tellement elle est inhabituelle. ‘’Ce n’est pas un spectacle, je ne l’ai pas préparé, je l’ai senti à l’instant même’’, a commenté Banny lui-même qui faisait ainsi droit à sa part d’humiliation devant conduire, selon lui, à la réconciliation. La symbolique peut paraître communicante par la qualité de l’exécutant du geste. Seulement pour certains Ivoiriens, plus précisément dans le camp Gbagbo, on n’y a accordé aucune attention. Pour eux, la réconciliation est une nécessité en Côte d’Ivoire qu’elle ne saurait s’accommoder d’une simple scénisation. ‘’Que Banny se mettent à genoux, on s’en moque. D’ailleurs, après ce geste, que nous réserve le metteur en scène pour son prochain spectacle ? ’’, n’ont pas manqué de commenter des jeunes du Fpi qui étaient ce même jour en assemblée générale. Une façon de dire que les préoccupations de Banny sont diamétralement opposées aux leurs. Celles qui se résument en la libération de Gbagbo et des prisonniers du nord, au retour des exilés et réfugiés. Banny ne l’ignore peut-être pas, si bien que dans son allocution du samedi, il a relevé les entraves à la mission qu’il conduit. «Le dialogue a pour l’instant de la difficulté à être accepté par nos leaders politiques. (…) Quand je rencontre certains, le message qu’il me porte a deux sens. Il y en a qui disent : ‘’on a gagné, tout va s’oublier au fil du temps’’. Les autres disent : ‘’nous aussi, on va y arriver par d’autres méthodes mais avec le temps’’». Là est toute la difficulté de l’équation de la réconciliation. Et Banny doit l’intégrer car les peuples suivent leurs leaders. Vouloir faire la réconciliation directe entre les populations sans passer par les leaders peut être une méthode vouée à l’échec. Certes personne n’est propriétaire des voix du peuple. Mais autant il est difficile de parler aux musulmans sans leur chef, de parler aux chrétiens sans leurs leaders autant il n’est pas évident de réussir la réconciliation en voulant isoler les exilés, les prisonniers Lmp et pro-Gbagbo qui sont des leaders à leur façon et dont le sort préoccupe parents et partisans politiques. C’est là, l’une des clés de la réconciliation. Ce commentaire du professeur Dédy Séri, l’un des idéologues, prouve que Banny doit encore être plus inventif dans la conduite de son action. ‘’Banny se met à genoux devant quelle autorité morale et il s’adresse à qui ? C’est de la comédie parce qu’il n’y a pas longtemps qu’il affirmait que la Côte d’Ivoire est au bord de l’implosion. Son geste est donc incongru. D’ailleurs les gens meurent, victimes des exactions et il n’a jamais rien dit. Alors à qui s’adresse-t-il ?’’, a dit Pr. Dédy Séri. La tentative de dialogue direct avec le peuple et de purification spirituelle visant à contourner les acteurs et leaders politiques aura du mal à prospérer. Cela rappelle la tentative du Fpi d’isoler Alassane Ouattara des Ivoiriens durant toutes ces années. Pour le Fpi, le Rdr était un parti légal composé d’Ivoiriens. Il suffisait de se débarrasser de Ouattara pour avoir la paix. Banny ne doit pas donner l’occasion à d’autres de tenter à tort la même chose : espérer gagner la réconciliation nationale sans les acteurs politiques. De Paris à Abidjan en passant par Accra et les prisonniers, ces acteurs restent influents et incontournables.
SD in L’Intelligent d’Abidjan
Mon, 19 Mar 2012 01:05:00 +0100
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