Cavally, Guémon, Tonkpi, d’autres Amadé Ouérémi écument l’Ouest

La page du chef de guerre Amadé Ouérémi s’est tournée à l’Ouest. Une autre s’ouvre dans la toile d’araignée. Il s’agit du foncier dans le Grand-Ouest montagneux.
Le chef de guerre burkinabè, Amadé Ouérémi, installé dans la région de Duékoué a été enfin arrêté par les autorités militaires ivoiriennes, samedi 18 mai 2013. Amadé Ouédraogo Rémi alias Amadé Ouéremi a été arrêté à Bagohouo dans la région du Mont Péko (Ouest Côte d’Ivoire) par des éléments du Bataillon de sécurisation de l`ouest (Bso). Les officiers se sont rendus dans son campement situé dans le parc national du Mont Péko, où il cultivait du cacao depuis une dizaine d’années en toute illégalité. Le cas d’Amadé Ouédraogo Rémi n’est que la face visible d’une « guerre » sans merci qui attend les autorités ivoiriennes dans le Grand-Ouest montagneux, et même dans d’autres régions de la Côte d’Ivoire.

Le Cavally, le Guémon et le Tonkpi… : les mêmes problèmes

Les régions du Cavally, du Guémon et du Tonkpi ont connu les pires atrocités de la guerre démarrée en septembre 2002. Une crise qui va se transformer en galère chez les populations de ces régions. Il s’est durablement installé dans ces régions dont les revenus des populations ne dépendent que la vente des cultures comme le café et le cacao, une véritable misère. Et pour cause, avec la situation d’insécurité, certains ont abandonné leurs plantations pour se réfugier en lieu sûr. Soit à Abidjan ou ailleurs en Côte d’Ivoire, le temps que le calme revienne. Les bras valides restés sur place ont profité de l’absence des véritables propriétaires de ces plantations, pour les vendre à des personnes tierces, voire des chefs de guerre (les com-zones), plutôt que de les mettre en valeur provisoirement. L’arrestation d’Amadé Ouérémi est certes un signal fort, mais le contexte général dans la région est tout autre. Les terres des populations du Grand Ouest ne sont pas des parcs nationaux. Ce sont des terres, voire des plantations qui ont des propriétaires bien connus. Comment les autorités vont-elles parvenir à régler cette situation, dans la mesure où, les nouveaux occupants se disent être dans leurs droits ? S’il est vrai que le problème du foncier n’est pas propre à la grande zone montagneuse, c’est dans ces régions que les autorités seront confrontées à d’énormes difficultés. Pis, il ne se passe de jour ou de nuit sans que ces régions ne soient envahies par des ressortissants de pays voisins, arrivés par convois, de leur pays d’origine tel le Burkina Faso. Combien sont-ils dans ces forêts, ces hôtes à qui les tuteurs, profitant de cette situation de « sans loi », ont promis monts et merveilles pour exploiter sans inquiétude, ces espaces? A ce jour, de grandes superficies de forêts ont été mises en valeur par ces nouveaux arrivants qui les ont acquises avec la complicité et la caution des bras valides restés sur place. Sommes-nous face à la situation où, comme le disait le premier Président de la Côte d’Ivoire, « la terre appartient à celui qui la met en valeur »? Les nouvelles autorités libyennes sont confrontées à un problème similaire, s’agissant des questions de logement dans ce pays. La loi sous l’ex-guide libyen, Mouammar Kadhafi dans le cadre de l’occupation des maisons, pose problème. Une loi qui rappelle celle qui a prévalu sous l’ère Houphouët relativement au foncier en Côte d’Ivoire. S’il a fallu le déploiement de plus de 200 soldats pour avoir raison d’une personne à la tête de quelques hommes, combien en faudra-t-il pour que les multiples problèmes liés au foncier en Côte d’Ivoire soient définitivement, du moins durablement résolus? En tout état de cause, rien n’est encore gagné dans le Grand-Ouest avec l’arrestation de celui qui est devenu le seigneur du Mont Péko.

Ce qui n’a jamais été dit sur Ouéremi


Vous avez dit Amadé Ouédraogo Rémi ou Ouérémi ? Ceux qui ont suivi la guerre de septembre 2002 avec beaucoup d’attention le connaissent. Selon certaines indiscrétions, Amadé Ouérémi est un vrai seigneur de guerre. C’est lui qui aurait mis fin à la vie du célébrissime, Sam Bockarie, le chef rebelle du Ruf (Front uni révolutionnaire), le 6 mai 2003 à la frontière ivoiro-libérienne. La traque contre cet autre chien de guerre aurait commencé à Duékoué avant que Amadé n’ait raison de lui. Sa mort est donc loin d’un accrochage entre ses troupes et une patrouille de l’armée régulière du Liberia, comme on a voulu nous faire croire. Pis, celui dont le transfèrement à La Haye ne fait plus l’objet d’aucun doute est un véritable tueur. Un mercenaire des enjeux importants. C’est encore lui qui aurait mis fin à la vie de Ibrahim Coulibaly dit IB à Abobo pendant la guerre d’Abidjan. Avant de battre en retraite à Duékoué. C’est un vrai sanguinaire au sens propre du terme. N’est-ce pas cette envie qui l’a poussé à se faire remarquer au point d’être indexé comme étant celui qui a attaqué Duékoué ? En définitive, celui qui défiait l’Etat ivoirien n’est donc pas n’importe qui dans le dispositif des Frci. C’est pourquoi, il ne s’embarrasse pas de fioriture pour porter son treillis quand les autorités onusiennes se rendent à Duékoué, suite aux événements tristes vécus lors de la prise de cette ville par les Frci. Avec du recul, on comprend que l’homme est un sachant qui devenait gênant parce qu’il en faisait trop. Il va donc payer à la place de certains de ses compatriotes de l’ex-rébellion encore tapis dans l’ombre.


Encadré
L’Eldorado des hommes en armes

Les régions du Cavally, Guémon et Tonkpi ont payé un lourd tribut au plus fort de la guerre et continuent de saigner. Le cacao, le café, le bois se sont retrouvés dans certains pays voisins non producteurs de ces produits de rentes. Non sans parler du sous-sol (or, diamant…). Ceux qui ont pris les armes hier continuent de régner d’une autre manière. Certains d’entre eux ont profité de la galère des populations pour les rendre plus pauvres, en s’érigeant en acheteurs de leurs produits à de vil prix. Conséquence, certaines de leurs victimes ont fini par leur brader les plantations, les seuls patrimoines qu’elles possédaient. C’est un véritable problème qui mine les régions du Grand-Ouest montagneux (Gom). Face à la menace des armes, les populations ont été contraintes de collaborer. Il en est de même de l’administration préfectorale. Quel jugement de valeur peut faire un Préfet ou Sous-préfet dans une affaire où, à la moindre erreur, sa vie est mise à prix ? Il faut le dire tout net, l’arrestation de Amadé Ouédrogo Rémi est d’ordre politique. Ce qui mettra un terme aux exactions qui lui sont imputées dans la région de Duékoué. Mais le problème foncier reste en l’état. Et seuls les hommes en armes règnent toujours en maîtreS dans les forêts des régions du Cavally, Guémon et Tonkpi.

In Dernière Heure Infos

Thu, 23 May 2013 17:01:00 +0200

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