Côte d’Ivoire – Enquête: Au cœur de l’angoisse des malades du cancer La radiothérapie et l’appui psychologique, une priorité – Réduire la mortalité par le diagnostic précoce

Le cancer, contrairement à l’idée la plus répandue de cette pathologie, n’est pas une maladie unique. C’est un nom générique utilisé pour décrire plus de 100 pathologies différentes. Il peut apparaître dans presque tous les organes du corps. C’est pourquoi les scientifiques ont convenu finalement de ne le désigner que par le premier endroit où il se manifeste. Ainsi, l’on aura les cancers de l’estomac, les cancers du cerveau, les cancers du sein, etc. Plusieurs types qui désignent la même maladie en fonction de l’endroit touché. Tous les cancers ont en commun de commencer dans les cellules du corps atteint. Normalement, les cellules se développent et se reproduisent sans problème, suivant les instructions des gènes qu’elles contiennent. Lorsque ces instructions sont mal interprétées, la croissance des cellules se dérègle. Au bout d’un certain temps, les cellules anormales forment des bosses ou tumeurs, qui évoluent progressivement vers une lésion dite cancéreuse. C’est de ce mal pernicieux que souffrent aujourd’hui des milliers d’Ivoiriens qui espèrent en guérir grâce à l’évolution de la science et de la médecine. Même si la réalité dans les centres de soins laisse perplexe bien de ces malades en Côte d’Ivoire eu égard aux limites du plateau technique et des équipements, qui en rajoutent à l’angoisse des patients souvent affectés déjà dès l’annonce du diagnostic.

Lieu d’accueil ou lieu d’angoisse

Vendredi 3 février 2012, nous nous rendons au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Treichville. A la faveur de la célébration de la journée mondiale sur le Cancer, notre équipe de reportage obtient l’autorisation des responsables du Programme national du Cancer pour une visite aux malades. Aucune indication ne permet de localiser le service Oncologie, spécialisé dans la détection et le traitement du cancer. A part le petit bureau du personnel soignant dénommé registre du cancer. Contrairement aux autres services, notamment la cardiologie, la gynécologie, la chirurgie, l’oncologie n’existe, en effet, pas en tant qu’entité. Avec quelques lits, les malades atteints du cancer squattent le bâtiment de la chirurgie 1. Un bâtiment dont l’architecture comme l’aspect extérieur, en disent long sur la date à laquelle remontent la dernière couche de peinture et les travaux de réhabilitation. Tellement il est vieillissant et délabré à vue d’œil. Si son aspect extérieur importe peu pour le service, hélas, l’intérieur de ce bâtiment non plus, ne rassure guère. Pour un lieu où des malades sont reçus et traités. Il suffit de lever la tête pour craindre qu’une poussière de la peinture décollée à la dalle, ne vous tombe sur les yeux.

En clair, il se pose un sérieux problème non seulement d’étanchéité, mais aussi de revêtement des murs, du sol et même des portes aux apparences défoncées. Outre l’aspect inquiétant des lieux, ce service de cancérologie tant sollicité par les malades n’est doté seulement que d’une douzaine de lits destinés à l’hospitalisation. Ces 12 lits, du reste, ne chôment jamais. Ils sont régulièrement occupés par des malades dans des locaux vieillissants. Hommes, femmes, jeunes et vieux partagent les mêmes salles, sans la moindre intimité, faute de cloison entre les différents compartiments et lits. L’état des malades également ne laisse personne indifférent. Sur les visages des patients et celui de leurs familles se lisent la tristesse et l’angoisse. On croirait déjà que tous ne s’attendent qu’au pire. Tellement l’atmosphère est lourde, pathétique, voire dénuée de tout espoir. Une ambiance qui n’est pas faite pour aider les malades. Ces derniers ayant besoin d’un accompagnement psychologique fort pour entretenir leur espoir de vivre.

Malgré les conditions difficiles de survie des malades…

L’autre face du service de cancérologie, qui lessive les minces espoirs de ces malades aux regards déjà avides, c’est la lancinante question d’équipement qui se pose avec acuité. Dans les salles, aucun moyen d’aération. Point de ventilateur, encore moins de climatisation. Des parents de malades (ceux qui en ont les moyens) font venir des ventilateurs de chez eux pour mettre leurs malades à l’abri de la chaleur. «Imaginez combien sont capables de le faire, étant entendu que nous sommes déjà ruinés par les soins», confiera à notre passage, un parent de malades, la mine grise de fatigue et d’angoisse.

En plus de ce que respirer du bon air est un luxe pour eux, se soulager est aussi un calvaire pour les pensionnaires du service Oncologie du CHU de Treichville. La seule toilette de ce bâtiment délabré que nous avons visité, n’existe plus que de nom. Le comble, le bâtiment n’est pas alimenté en eau. Un réel problème d’assainissement qui pollue l’environnement des malades et achève d’assombrir ce décor déjà triste et désolant.

Ce tableau malsain, à n’en point douter, déteint sur la qualité du travail abattu par les médecins et l’équipe soignante fort appréciée par les malades. Des patients n’hésitent pas à s’en plaindre et à plaider pour une amélioration de leur environnement d’accueil. «Ces conditions difficiles d’hospitalisation en rajoutent à notre douleur et à la pesanteur psychologique qu’on subit après l’annonce du diagnostic, qui est déjà difficile à supporter», indiquera T.D, la soixantaine, un officier à la retraite, très amaigri, couché dans son lit. Ces conditions difficiles, les médecins des lieux s’attellent au quotidien à les surmonter dans l’intérêt des malades, en leur apportant espoir et sourire. Dr Akandji Osseni, responsable de l’hospitalisation et son équipe ne manquent pas d’enthousiasme dans leur tâche. La plupart des malades se disent d’ailleurs satisfaits quant à la qualité du travail et de l’accueil de ces médecins.

…. Une équipe médicale motivée et déterminée

Notre passage inopiné nous aura permis, dans la discrétion, d’apprécier l’engouement de ces praticiens, déterminés à sauver des vies. Médecins et infirmiers sont motivés et se relayent au chevet de leurs patients. «Toutes les 15 mn, nous recevons la visite d’un infirmier ou d’un médecin. C’est encourageant», confie un malade. L’équipe médicale en charge des malades du cancer au Chu de Treichville, est composée de 17 médecins. Ces praticiens, bien que motivés, sont cependant limités dans leurs prestations du fait de l’insuffisance du plateau technique et de l’absence d’un service d’accueil adéquat. «Nos capacités sont dépassées», ne cache pas Dr Akandji Osseni. Le responsable de l’hospitalisation établit, en effet, un bilan de prestations d’environ 1200 à 1500 malades par an.

Chaque semaine, ce sont 5 médecins qui consultent les malades. Ces 5 praticiens effectuent plusieurs centaines de consultations durant leur passage. Du côté des malades, chaque jour, en moyenne 8 patients font la chimiothérapie. En effet, en Côte d’Ivoire, l’incidence du cancer est estimée de 16 000 à 20 000 nouveaux cas chaque année, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Un véritable problème pour le pays, en raison de la cherté du traitement de ces malades. Ceux-ci, s’en plaignent et réclament une subvention qui ne vient pas. «Je suis ruiné par la maladie. Je n’ai pas de soutien et pourtant j’ai des enfants à prendre en charge. Que le gouvernement fasse quelque chose pour nous», plaide un malade. Le traitement du cancer implique, en effet, plusieurs types d’interventions. Il en va de la chirurgie à la chimiothérapie, en passant par la radiothérapie. L’objectif est de guérir le malade ou de prolonger considérablement la vie de celui-ci tout en améliorant sa qualité de vie. Contrairement au Ghana voisin, en Côte d’Ivoire, seul la chirurgie et la chimiothérapie sont pratiquées. La radiothérapie n’existe pas encore.

Et pourtant, certains malades redoutent beaucoup la chimiothérapie, qu’ils regardent comme une pratique ”destructrice” en raison des effets secondaires qui en résultent. «Je fais la chimiothérapie depuis un mois. Je perds mes cheveux, en plus des effets indésirables. C’est désagréable», se plaint un homme physiquement diminué. Docteur Ayémou Amalado, directeur-coordonnateur adjoint du Programme national de lutte contre le cancer (PNLCe) et directeur du projet de création du centre de radiothérapie, tente de rassurer ses patients à qui il fait comprendre que les effets indésirables ne se manifestent qu’entre 48 h et 78 h tout au plus, pour que tout rentre dans l’ordre. Il exhorte les malades à n’en point faire une fixation pour abandonner les traitements et prendre le risque d’hypothéquer leur guérison. Car, précise-t-il, tous les médicaments produisent des effets indésirables. Le fait n’étant pas spécifique à un traitement particulier.

La recherche pour sauver des vies

A côté de la détermination du corps médical, les universitaires ne baissent pas les bras pour faire du cancer une maladie bénigne afin de réduire le taux de victimes. Les recherchent vont bon train pour enrayer la peur de cette maladie qui terrorise même les bien-portants. De plus en plus, les praticiens donnent l’espoir de la possibilité de guérir de la pathologie. Les cancers du sein, du col de l’utérus, de la cavité buccale ou le cancer colorectal ou cancer de l’intestin, présentent, à ce jour, des taux de guérison remarquables quand ils sont détectés et traités à temps. C’est le même espoir pour d’autres types de cancer, bien que disséminés, notamment la leucémie ( un cancer qui prend naissance dans les cellules souches de la moelle osseuse) et les lymphomes ( un cancer qui prend naissance dans les lymphocytes) chez l’enfant, ou la séminome du testicule ( une tumeur cancéreuse du testicule), qui présentent également des taux de guérison très satisfaisants s’ils sont traités correctement.

Au pire des cas où le malade ne peut guérir de son mal, les médecins ont trouvé la parade de le transformer à volonté en une maladie chronique avec laquelle le patient peut vivre encore longtemps. Une nouvelle donne qui va contribuer à réduire le nombre de morts causées par la maladie, l’une des causes majeures de décès dans le monde. En 2008, faut-il le souligner, le cancer a causé 7,6 millions de morts, soit près de 13% de la mortalité mondiale. Les statistiques révèlent en tête des cancers les plus dangereux, celui du poumon, qui a fait 1,37 million de décès, contre 736 000 pour le cancer de l’estomac, 695 000 pour le cancer du foie et 608 000 décès pour le colorectal ( cancer de l’intestin). Même si les chiffres sont relativement bas, les autres cancers n’ont pas été aussi moins mortels. On enregistre également, sur la même période, respectivement 458 000 décès et 275 000 pour les cancers du sein et du col de l’utérus. Plus de 70% de ces décès sont localisés dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire, où la précarité de la vie en rajoute au mal. D’après les projections, le nombre de ces victimes devrait augmenter pour dépasser les 13,1 millions en 2030 à l’échelle mondiale, si l’on ne prend pas le taureau par les cornes.

Marcelle AKA in L’Inter

Tue, 22 May 2012 08:22:00 +0200

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