Université de Cocody: Vaste chantier, petits travaux, des étudiants manœuvres à l’œuvre

Silence de mort à l’université de Cocody, en cette matinée du mardi 13 mars 2012. Rien n’a changé depuis le «tsunami» du fameux 11 avril 2011 où les ex-rebelles ont tout détruit et rasé sur leur passage (maquis, restaurants, boutiques, kiosques à café, salles de jeu vidéo, salons de coiffure et de couture..) et pillé les résidences et les bâtiments administratifs. L’imposante et majestueuse église coréenne qui surplombe cette université, visible au Chu de Cocody, est abandonnée par ses occupants, et réquisitionnée par le régime Ouattara pour en faire une radio et une télévision des étudiants, mais aux ordres. L’université de Cocody est toujours déserte, onze mois après sa fermeture. Elle peine à renaître malgré la présence d’ouvriers relativement nombreux qui depuis quelques jours effectuent des travaux de réhabilitation de certains bâtiments. Sous un soleil de plomb, un petit groupe d’entre eux, pelle, truelle, marteau, pointe et brouette en main, travaillent avec empressement, sur un des bâtiments des résidences universitaires, adossé au CHU de Cocody. Certains crépissent les murs ou sont en train de le peindre en blanc et jaune, d’autres enlèvent la toiture, les cadres des portes et fenêtres pour les remplacer par du neuf. Le rythme de travail n’est malheureusement pas le même partout. Tous les ouvrages à réhabiliter ne sont pas logés à la même enseigne. Si certains font l’objet d’une attention particulière des entreprises de travaux publics, d’autres, en revanche ne constituent pas une priorité. Le beau siège de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), inauguré avant le déclenchement de la crise postélectorale, et qui a fait la fierté des étudiants, tombe lentement mais surement en ruine. La rénovation du siège du célèbre mouvement syndical estudiantin n’est pas à l’ordre du jour. Onze mois après la fermeture de cette université et quelques semaines après le démarrage des travaux de réhabilitation. Odeur de moisissure, portes arrachées ou défoncées… accueillent le visiteur. Le confort a foutu le camp. On a même effacé les traces de tout ce qui est FESCI. L’écriteau Fesci qui était très visible sur le mur du siège a été effacé aux premières heures de l’entrée des forces pro-Ouattara à Abidjan.

La salle informatique Laurent Gbagbo en ruine

A quelques mètres de là, se trouve la grande salle informatique offerte par le président Laurent Gbagbo lors de sa campagne présidentielle de 2010. Situé au premier étage du restaurant universitaire et de l’espace des loisirs des étudiants, cette salle informatique hyper équipée et qui comptait une quarantaine d’ordinateurs de dernière génération, n’existe que de nom. Car pillée et à l’abandon. Elle attend comme le restaurant et l’espace loisirs situé au rez-de chaussée, sa couche de peinture, son nouveau mobilier. Les travaux piétinent également du coté des amphithéâtres. Le célèbre amphithéâtre Léon Robert où des étudiants suivaient avec beaucoup d’intérêt et de passion, les cours magistraux d’éminents professeurs de droit, est à l’agonie. Les portes, les bancs, le plafond et les fenêtres souffrent de la moisissure. Les travaux de construction des deux amphithéâtres, des deux bâtiments administratifs et des salles de travaux dirigés, déjà financés par le gouverneur Amondji Pierre, sous l’ère Gbagbo, avancent à pas de tortue. La finition des travaux se fait au compte goutte. Autre constat qui donne la chair de poule, l’état de décrépitude avancé des bâtiments des Unités de Formation et de recherche (UFR) de biosciences, des sciences de la terre et des ressources minières, vidés de leurs contenus pendant la crise postélectorale. Dans toutes les UFR, les tables, bancs et chaises, les documents administratifs et des étudiants, trainent sur les espaces verts donnant l’impression au visiteur d’être dans une décharge publique en miniature. Les ordures déposées à l’ex-Faculté des sciences et techniques (FAST)), au département des lettres modernes ne passent pas inaperçu. Ce sont également des tonnes de cadres de portes et fenêtres, fabriquées en aluminium, qui sont entassés ici et là, non encore fixés. A l’UFR des sciences juridiques, les travaux à terminer restent considérables. La bibliothèque centrale, vétuste, n’a reçu, elle aussi, aucune couche de peinture. La salle de sports du Forum, le célèbre restaurant «les Palmiers» et la piscine olympique qui ne sont plus fonctionnels, n’ont pas encore reçu la visite d’ouvriers. «Il y a beaucoup de travail qui reste à faire. L’Etat veut tellement bien et tout faire en même temps qu’il oublie qu’il faut beaucoup d’argent. Remplacer toutes les portes et fenêtres en bois par des vitres, relève de la folie en ces temps où Ouattara se débat pour que les caisses de l’Etat ne soient pas vides. C’est du gaspillage. Pour réhabiliter une université, on n’a pas besoin de ces dépenses folles. C’est ce qui fait aussi que les travaux sont non seulement lents mais accusent un grand retard par rapport au délai de livraison des travaux que l’Etat s’est fixé. Parce qu’il faut toujours attendre du nouveau matériel pour redémarrer les travaux, faute d’argent» raconte un ouvrier qui a requis l’anonymat. Ce que d’aucuns pourraient considérer comme un scandale financier, ce sont les travaux de reconstruction de la clôture de l’université. Nul ne peut avancer de chiffres précis. L’ancienne, adossée au quartier présidentiel, coté lycée Sainte Marie, a été détruite puis reprise. Plus de deux kilomètres de clôture sont prévus. Elle part du carrefour du quartier présidentiel à l’ex-bidonville Blingué (route de l’hôtel du Golf). Faute d’argent, un quart seulement des travaux a été fait. Tout est arrêté. Idem pour la clôture, du coté du CHU de Cocody. Les travaux de construction des deux corridors de sécurité, aux deux des trois entrées principales de l’université de Cocody, ne sont pas mieux lotis. La réfection des aires de jeu de football, de basket Ball et de hand-ball, des courts de tennis, ne se fait pas, selon des étudiants manœuvres, au rythme souhaité par des entreprises de travaux publics retenus par le Crou-a. Le délai de la pose des vitres ou des portes en vitres en lieu et place du bois a pris plus de temps que prévu et jugé onéreux. La construction de l’Hôtel des enseignants, du centre commercial, d’une station d’essence annoncée à cor et à cri par le régime Ouattara, n’est pour le moment qu’une vue de l’esprit. La création d’une «silicon Valley» (un pôle technologique à l’image des Etats-Unis), dans le bas-fond, entre le chu et l’université, est encore dans les tiroirs de l’Etat. «Le travail est énorme et les ouvriers sont insuffisants pour un tel boulot» confie un autre ouvrier sous le sceau de l’anonymat. Les travaux de plomberie, d’étanchéité, et d’électricité à la Présidence de l’Université, dans les résidences, à la direction du Crou-a, sont loin d’être achevés. Vu l’ampleur du travail à abattre et voyant septembre arriver à grands pas, le régime Ouattara pour sauver la face, a fait appel à mille étudiants pour parer au plus pressé et annihiler toutes velléités de fronde. Ils ont été recrutés pour être des manœuvres. Mais la désillusion est grande.
C’est la seconde vague du millier d’étudiants recrutés par le régime Ouattara que nous avons découverte à l’œuvre sur le campus de Cocody. Ils sont une centaine, payée pour certains à 50 mille FCFA la quinzaine, et pour d’autres à ce montant mais pour un boulot de trois semaines. Ils ont une particularité par rapport aux ouvriers ordinaires. Ceux qui sont vêtus de gilets de couleur jaune sont chargés de planter des arbres, de les arroser, d’arroser le gazon. Ils ont planté plus d’une centaine d’arbustes (des palmiers) de l’entrée coté CHU de Cocody jusqu’à l’antenne de l’Institut national polytechnique Félix Houphouët Boigny (INPHB) de Yamoussoukro. Leurs camarades qui portent des gilets de couleur rouge sont des maçons, des menuisiers, des peintres chargés de la voierie.

Etudiants manœuvres, la grande désillusion !

Les promesses n’ont pas été respectées par le régime Ouattara. Les jardiniers se contentent seulement de quinze jours de travail et de 50 mille FCFA et les maçons, peintres et menuisiers de 50 mille FCFA pour trois semaines. Les 100 mille FCFA par mois promis par les pouvoirs publics dans le cadre du Projet Volontariat ne seront plus payés. Certains étudiants manœuvres ne cachent pas leur déception. «A petit salaire, petit travail. C’est pourquoi, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique nous a confinés dans des petites tâches. Nous arrosons les nouvelles plantes, reboisons le campus, bouchons les nids de poule avec du goudron, améliorons la voierie du campus. Ils ne peuvent pas nous demander plus parce qu’ils n’ont pas tenu leurs promesses» confie Koné. B, cet étudiant maçon. La présence de ces étudiants pas comme les autres suscite la curiosité des étudiants de l’antenne de l’INPHB de Yamoussoukro, de l’Ensea, et de l’ENS, trois établissements d’enseignement supérieur qui cohabitent avec l’université de Cocody. «Ce n’est pas le rôle de nos camarades même s’ils se considèrent comme des indigents. C’est au régime Ouattara de tout faire pour que ces travaux finissent rapidement. Ces étudiants ne doivent pas s’humilier pour quelques billets de banque. Ne nous déculottons pas devant le régime. Ouattara a sacrifié sciemment trois générations d’étudiants. Ne lui donnons pas l’occasion, pour des miettes, de nous humilier pour la seconde fois. J’ai honte quant je les vois travailler. J’appelle pas ça du djossi, mais une humiliation» s’exprime avec colère, K. O, un étudiant en expertise comptable à l’antenne de l’Inph-b.

Un reportage de Charles Bédé in Notre Voie

Wed, 21 Mar 2012 02:15:00 +0100

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