Débats et opinions: La CEI, un instrument politique au service de Ouattara

On apprend que la Commission Electorale Indépendante (CEI) a fait peau neuve. De 31 membres, elle est passée à 17 car selon le pouvoir, les raisons qui justifiaient ce nombre élevé n’existent plus. Il n’y a plus de guerre, l’environnement institutionnel s’est normalisé. Il fallait donc procéder à un réajustement de sorte à faire de l’institution un véritable outil à même de garantir des élections justes, équitables et transparentes. L’ancienne CEI présidée par Youssouf Bakayoko avait échoué au second tour des élections présidentielles de 2010. Elle avait été incapable de remplir ses missions en organisant des élections transparentes. On se souvient que par le canal de son président, elle s’était mise au service de Sarkozy et son fidèle ami Ouattara. Youssouf Bakayoko s’était retrouvé, comme par enchantement, tout seul au quartier général de campagne de Ouattara, pour proclamer ses propres résultats. Ses faux résultats issus de la fraude électorale du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP). Ouattara, aujourd’hui au pouvoir sur la base de l’imposture, annonce avoir mis sur pied une Commission électorale effectivement indépendante. L’annonce ferait sourire tous ceux qui ont été témoins du coup d’état électoral organisé de mains de maitre par les Etats Unis, l’Onu et Nicolas Sarkozy. Comment un sujet qui, dans l’opposition, a «braqué» l’organe en charge des élections peut- il travailler à rendre une commission électorale totalement indépendante une fois au pouvoir ? Ne va-t-il pas en faire un instrument politique à son service, surtout qu’il s’est déclaré «indéboulonnable» ? La nouvelle composition de la CEI nous donne une idée précise. La Commission centrale comprend 17 membres : 1 représentant du président de la République, 1 représentant du président de l’Assemblée nationale, 1 représentant du ministre en charge de l’Administration du territoire, 1 représentant du ministre chargé de l’Economie et des Finances, 1 magistrat désigné par le Conseil supérieur de la Magistrature, 4 représentants de la société civile dont 2 issus des confessions religieuses, 1 issu des Organisations non gouvernementales non confessionnelles et un avocat désigné par le barreau, 4 représentants du parti ou groupement politique au pouvoir, 4 représentants des partis ou groupements politiques de l’opposition. Au total, on remarque que le pouvoir Ouattara a 9 représentants sur 17 (4 de l’administration Rhdp, 1 de l’Assemblée nationale Rhdp et 4 du groupement politique Rhdp). Au sein des commissions locales, Ouattara a veillé à ce que le corps préfectoral soit représenté. A l’échelon régional, le pouvoir est représenté par le représentant du préfet régional. Dans les commissions départementales, on note la présence du représentant du préfet de département et au niveau sous-préfectoral, un représentant du sous-préfet. On n’oublie pas que dans les communes du District d’Abidjan, il pourrait y avoir des Commissions locales qui auront, en leur sein, des représentants des maires, tous du Rhdp. Ici on note la présence d’un nouvel acteur de l’administration Ouattara. Que l’on soit dans la Commission centrale ou dans celles dites locales, l’omniprésence du pouvoir Ouattara achève de convaincre que l’indépendance ressassée n’est en fait qu’une illusion. Car, on ne peut prétendre rendre la CEI indépendante si paradoxalement on se fait surreprésenter au sein de l’institution. Quelle confiance peut-elle inspirer quand on sait que c’est le pouvoir Ouattara qui tient les leviers de la CEI qu’il a mise en place ? Aucune. D’ailleurs, tout porte à croire que le président de l’institution sera soit le représentant du président de la République, soit celui du président de l’Assemblée nationale. Dans tous les cas, il sortira des entrailles du Rhdp, coalition au pouvoir. Cela est d’autant plus vrai que les députés ont vertement rejeté un amendement qui visait à interdire que les représentants de l’administration Ouattara ainsi que celui du président de l’Assemblée nationale dirigent la CEI (in Le Nouveau Courrier N°1040 du Vendredi 30 mai 2014). En un mot, ces représentants devraient s’abstenir d’être candidats à la présidence de la CEI. La raison de ce refus réside incontestablement dans l’idée que l’organe électoral doit être au service de Ouattara pour lui permettre de réussir son autre coup d’Etat électoral. Bref, le recensement électoral, la gestion du fichier électoral, l’établissement des listes électorales, le contrôle de la régularité du déroulement des opérations de vote ainsi que toutes les opérations qui y sont rattachées, seront effectués et contrôlés par le pouvoir Ouattara via «sa» CEI. Ayant ainsi fait le choix d’une CEI sous sa tutelle, Ouattara compromet les chances d’avoir des élections transparentes en 2015. Cela donne des raisons de dire comme le député Kouadio Konan Bertin : «Je crains qu’on ne s’engage malheureusement dans les sentiers qui vont nous conduire encore dans l’abîme.»

Une contribution de Alain Bouikalo,
Juriste

Thu, 05 Jun 2014 12:41:00 +0200

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