mars 23, 2023

Eruption de l’Eyjafjoll en Islande : Voici le récit de Philippe Kouhon

Photo : DR
Depuis mercredi, le trafic aérien européen, voire mondial, est paralysé par un nuage de cendres issu de l’éruption du volcan au nom imprononçable « Eyjafjoll » en Islande, qui ne cesse de se propager. En effet, les matériaux corrosifs (acide sulfurique, aérosols…) que contiennent les cendres volcaniques sont à même d’endommager les moteurs des avions. Aussi, selon les experts scientifiques, la concentration de cendres volcaniques est difficile à établir. Et si pour l’heure il est difficile de savoir combien de temps l’éruption d’un volcan peut durer, la dernière du volcan Eyjafjoll remonte à 1821 et avait duré plus d’un an. Malgré plusieurs vols-tests effectués et réussis par certaines flottes européennes ce week-end, la reprise des vols reste toujours incertaine. C’est donc dans ce tango tango que je me retrouve actuellement au Maroc, précisément à Casablanca. En route pour Paris depuis le vendredi 16 avril 2010 par le vol AT 532 de la compagnie marocaine, Royal Air Maroc (RAM), le boeing 737-700 de la Ram m’a effectivement débarqué à l’aéroport Mohamed V de Casa à 7heures du matin comme prévu. Dans mon plan de vol, je devais faire une correspondance à Casa sur le vol AT 774 à 9h20 pour un atterrissage à l’aéroport de Paris-Orly à 14h20mn. Après les formalités de transit, je m’approchais de l’écran d’annonce où il est inscrit « embarquement pour Orly à 8h, porte 27». A peine je tourne le dos que je lis sur le prochain tableau d’annonce, Orly départ à 11h. Dans le hall d’attente, la tension devient vive. Des mouvements de va-et vient partout annoncent la suite des évènements. A la porte 27, rien de nouveau jusqu’à 12h. Des passagers retardataires en direction de certains pays sont appelés avec insistance au micro. Il est 12h30 et toujours pas de nouveau pour les vols sur la France. A 13h, on pouvait lire sur tous les écrans CDG, ORLY, Marseilles…mais aussi Franckfort, Amsterdam : Annulé. C’est la panique. Les agents d’accueil de la RAM sont envahis. Une hôtesse d’accueil rassure « A 15h, tout rentre en ordre ». L’espoir renait mais sera de courte durée. A 14h, l’info indique l’embarquement pour Paris à la porte 31. Comme un jeu, c’est la ruée vers le lieu indiqué ; là, tous les agents de la Ram sont scotchés à leur portable cellulaire. J’ai un petit creux mais dans les nombreux déplacements, mon sac à main contenant mon ordinateur portable lâche. Prix d’un nouveau sac : 15 euros. Après avoir avalé un morceau de pizza, je me sens désormais prêt à affronter l’avenir. A 15h, la nouvelle tombe : pas de vol pour la France aujourd’hui, selon un agent de la RAM qui nous conseille aussitôt d’aller récupérer nos bagages de la soute sur la piste 10 puis de nous rendre au poste de Transit et d’hébergement de la RAM. C’est le début du parcours du combattant. Il est 18h lorsque je termine toutes les formalités. Sur mon ticket d’hébergement, il est inscrit Hôtel Anfa Port. Je me suis dis, c’est clair, je passerai la nuit sur un bateau. Mais non. A la sortie de l’aéroport, un autobus nous attendait. Difficile de savoir le nombre exact de passagers que nous étions ce jour là. En moins de 30minutes plus de 10 autobus ont garé. Dans la foule je reconnais certains passagers. Nous étions sur le même vol en provenance d’Abidjan. Non seulement je ne me suis pas gouré mais désormais je ne suis pas seul. J’embarque mes valises dans un des autocars. Dans le bus qui nous conduit, le groupe de Anfa Port, je suis le seul d’origine ivoirienne visiblement. A mes côtés, une femme d’un certain âge et Camerounaise tente d’échanger avec moi. Après 1heure de route, nous voilà à l’Hôtel Anfa Port. A peine je dépose mes valises dans la chambre 1901 du 10e étage que je bondis sur la télé commande de la télévision. Euronews passe en boucle l’info. C’est là que j’apprends que le volcan crache depuis le mercredi 14 avril 2010, date du tirage de mon billet d’avion à Abidjan. Là une question me vient à l’esprit. Pourquoi la RAM a-t-elle autorisé le décollage de ses flottes le vendredi 16, alors qu’un risque couvait depuis mercredi ? Pourquoi a-t-elle laissé embarquer les passagers en direction d’Europe là où elle pouvait les faire patienter et ne prendre que ceux en partance pour le Maroc ? Et si l’incertitude peut gagner mon esprit quant à la fin du guet-apens, je dois me calmer car la télé passe en boucle le témoignage de nombreux passagers à travers le monde, contraints de passer le reste du temps sur place dans les aéroports, sur des tentes de circonstance dressées par la Croix rouge, comme dans un camp de refugiés. Car à l’hôtel Anfa Port, un hôtel 4 étoiles et seulement vieux de trois ans, c’est plus que des vacances de luxe offertes gracieusement par la RAM. A Yopougon, je dirais, les moutons se promènent ensemble mais n’ont pas le même prix. En plus Anfa Port est situé sur le boulevard Les Almohades à l’angle du Bld Félix Houphouêt Boigny près du plus grand port de pêche de Casablanca, à 1mn de marche du Centre ville. Quel bonheur ! Nourri et logé au frais de la Ram. Le Maroc c’est la France en miniature. Son climat, ses palais somptueux, ses immenses jardins et ses Souks desquels s’échappe l’odeur exotique des épices. Peu de pays au monde offrent comme au Maroc une telle variété de paysages et de coutumes selon chaque région. J’ai appris qu’un voyageur peut passer en quelques heures des neiges de l’Atlas aux sables du Désert. Mais moi, je suis à Casablanca. La 2e ville du pays après Rabat, la capitale. Casa c’est aussi le Maroc moderne, avec sa prestigieuse mosquée Hassan II. Situé sur le littoral ouest (Océan Atlantique) à 91 km de Rabat et 369 km de Tanger, la dernière ville du pays séparé de l’Espagne par la Mer Méditerranée.
Samedi 17 avril 2010 : Il est 5heures du matin et déjà j’entendais le bruit de l’ascenseur. Il faut se réveiller, car le premier vol est prévu pour 8h, nous a-t-on dit à l’aéroport la veille. Mais au petit déjeuner, la confusion fuse ; notre guide de la Ram entre au restaurant et nous informe que la compagnie attend toujours les confirmations des aéroports de France. Combien de temps l’attente durera ? Bien malin qui répondra. Mais moi, je suis serein. A vrai dire, le Maroc m’a toujours fasciné. C’est l’occasion d’en profiter donc ! Après quelques minutes passées dans ma chambre le temps des infos, je m’aventure dans la ville. Je dois communiquer, mais tous mes quatre réseaux téléphoniques (SFR-France ; Mtn, moov et Orange-Ci) sont hors réseau. Je prends donc une carte sim marocaine pour 20 DH (2 euros ou 1300 FCFA) et une recharge de 50 DH. A peine je communique avec ma famille à Paris et plus de crédit. Je m’en fous, j’ai un contact c’est l’essentiel. Il fait 13°C à Casa tandis qu’il en fait 16°C à Paris. Je vous ai dit, le Maroc c’est Bingué en miniature. Je pénètre dans un café et m’offre trois petites bières locales. A la sortie du bistro, je suis accosté par une demoiselle marocaine. Non, elle ne vient pas me draguer mais plutôt me soumettre à un sondage dans le cadre d’une offre immobilière. A peine je réponds à toutes les questions qu’elle me déclare gagnant. C’est un piège ! Mais elle réussit à m’emmener jusqu’au siège de son agence ‘Moon Holiday, à la rue Jabel Aroui. Le taxi me coutera 20 DH. Après 90minutes de séduction, aucune stagiaire n’a pu me convaincre car pour être membre du club il faut débourser la coquette somme de 2200 euros (1.5 million FCFA). Pour être sûr qu’à l’aller je n’ai pas été grugé par le chauffeur de taxi, je décide de descendre au retour à la même place. Mais au Maroc, le premier client paie la totalité de sa course alors que les passagers suivant ne paient que la différence du coût de leur trajet. Un système qui fait énormément gagner de l’argent aux taxis. A méditer chez nos syndicats de transporteurs qui sont sans cesse en grève pour des centimes de plus sur le prix du carburant. Il est 14h et Casa grouille de monde. Je décide de faire un tour au marché Marrakech non loin de la place des Nations Unies (Centre ville). Là-bas des femmes africaines vendent tout. Agouti, attiéké, Akpi, gombo, même mon Kplé (sauce longueur des wê) y est. Je prends rendez-vous avec une jeune vendeuse. Et lui promets revenir le lendemain avant mon départ pour l’aéroport pour acheter quelques condiments. Elle est Sénégalaise. Mais je suis curieux de savoir comment les africains vivent au Maroc. A l’hôtel, je tente son numéro. Il est bon. Je lui fixe un rendez-vous pour 20h. Mais elle me propose plutôt une sortie chaude au Bao vers 2h du matin. Le Bao, c’est la boite de nuit africaine par excellence à Casa. Situé sur une péniche, à la Corniche, le long du Port de pêche, le Bao offre toutes les sonorités africaines. Dj Arafat y cartonne grave. Mais ce soir, ma sénégalaise n’est pas venue seule. Elle est accompagné par sa sœur. Elles sont belles les sénégalaises ! Il est 4h du matin et le Bao doit fermer. Les filles ont faim. Un tour au KFC. Il est 5h30, lorsque je regagne mon lit. Coût total de la soirée : 500 DH (32500 FCFA).
Dimanche 18 avril 2010 : Toujours pas de confirmation de vol pour Orly. Vers 12h un agent de la Ram nous informe que les passagers d’Orly peuvent descendre à Bordeaux, Marseilles ou Nantes mais la suite du trajet sera au frais du passager. C’est encore la confusion, la panique et l’inquiétude. Car nombreux sont ceux qui n’ont pas prévu cette autre dépense dans leur budget. A la télé on annonce que le volcan peut encore cracher davantage d’ici mercredi. Nous sommes dans un dilemme. Certains passagers prennent le risque d’aller vérifier l’info à l’aéroport à leur propre frais, mais toujours pas de vol jusqu’au dîner. C’est dimanche et à Casa la ville bouge. C’est le 108e derby casablancais entre le Raja et le Wydad (notre Asec-Africa). Un match qui s’est soldé par la victoire du Raja : 1 :0. Et comme toute fin de match d’une telle trempe, les supporters ont cassé plusieurs bus et endommagés commerces et bureaux. J’ai décidé de suivre le match au café de France, au centre ville. En compagnie de deux jeunes Ivoiriens que j’ai remarqué sur le vol mais qui eux logent du côté de l’hôtel Rivoli à 10mn de Anfa Port. Il est 19h lorsque nos deux sénégalaises nous rejoignent. Mais juste le temps d’un thé marocain. Je suis pressé de rentrer à l’hôtel là où les infos fusent. C’est le 3e jour et la nuit devient longue. Dans la foulée, j’apprends que ceux qui n’accepteraient pas les propositions de la RAM pour Bordeaux, Marseilles, etc…, perdraient leurs billets d’avion et seraient désormais à leur frais au Maroc.
Lundi 19 avril 2010 : Même scène de la veille. Mais cette fois beaucoup souhaitent partir mais au moins avec un transfert à l’aéroport de Casa par l’autobus du premier jour. Il est 10h et toujours pas d’autocar. Certains passagers décident de rejoindre l’aéroport par le taxi ou par le train à leur frais. Vers 11h lorsque la Ram nous informe que le bus vient nous prendre à 14h. Nous serons déposés à Nantes et regagnerons Paris par un autocar et cette fois au frais de la compagnie. C’est le ouf dans le hall de l’hôtel. Je sors me prendre un stylo pour commencer à rédiger mon récit. 3 minutes ont suffi pour qu’à mon retour à l’hôtel, l’on m’informe que tout est annulé. Nous devons encore patienter à Casa. Il est actuellement 16h50 à Casablanca, au moment où j’écris ces lignes. Et le nuage de cendres du volcan Eyjafjoll n’a toujours pas dit son dernier mot. Pour combien de temps? Affaire à suivre…

Philippe KOUHON

Tue, 20 Apr 2010 01:52:00 +0200

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