Exclusif – Politique nationale / Secrétariat exécutif du FPI : Enfin, les vrais secrets du face-à-face Koulibaly-Tagro

Photo : DR
En allant au secrétariat exécutif de son parti, Désiré Tagro ne sait nullement à quelle sauce il sera mangé. Certes il se souvient que le Président du parti a dénoncé ce qu’il considère comme un One man show du numéro 3 dans le FPI, mais le ministre de l’Intérieur sait aussi qu’il n’a pas que des amis dans les instances du parti. Il ne le sait que trop surtout qu’il n’a pas souvent participé aux réunions des instances nationales, préoccupé qu’il était par son souci de renforcer son leadership et son ancrage dans son département d’origine. Désiré Tagro se rappelle également que Mamadou Koulibaly connaît bien la rhétorique et sait manier le verbe.

Tagro inquiet
Le ministre de l’Intérieur a l’air inquiet quand la réunion commence. Très vite son flair lui donne raison. Quand après les préalables et les questions de forme le Président de l’Assemblée nationale prend la parole, il est sûr de son affaire. Mamadou Koulibaly a des documents et des pièces. Il a bien préparé son affaire. Son texte a été écrit et il maîtrise le sujet. Lui Désiré Tagro, n’a rien écrit. Il compte improviser. Le fait que Mamadou Koulibaly prenne la parole avant lui, sera une occasion de se concentrer pour apporter la réplique.

Koulibaly convaicant
Le président de l’Assemblée nationale a le plaidoyer émouvant et convaincant. Adversaires et partenaires sont sous le charme. « Je ne sais plus en quelle année j’ai adhéré au FPI, mais j’ai le sentiment d’avoir été toujours loyal à la politique du Parti. », dit d’emblée Mamadou Koulibaly pour planter le décor et mettre dans le flou et le doute ceux qui parlent de sa date d’adhésion dans le parti qui est bel et bien antérieure à l’adhésion de Désiré Tagro. Puis l’orateur poursuit: « Lorsque Gbagbo et moi nous nous sommes rencontrés, il ne m’a pas dit "Mamadou vient nous allons travailler ensemble. J’ai créé un parti bété, avec des bétés pour les bétés" je n’aurais pas fait la politique. Je ne serais jamais venu au FPI. Mais il m’a plutôt dit "j’ai créé un parti, ce que tu fais m’importe et j’aimerais que tu viennes, que nous travaillions ensemble". J’ai répondu que je n’aimais pas la politique et que mon père m’avait, tout petit déjà, interdit et déconseillé par la suite de faire de la politique. Il m’a dit "en politique, il y a la trahison, il y a la lâcheté, il y a la méchanceté".
Pour faire la politique, il faut être un tueur, or toi tu ne sais pas tuer". Gbagbo m’a répondu que j’avais des idées sur la Côte d’Ivoire qui sont aussi les siennes. Que j’étais économiste et lui avait besoin de quelqu’un de mon profil». Ayant captivé l’attention de l’assistance, le fort en thème de la Refondation se livre et dévoile : « J’ai répondu que je n’étais pas de tempérament politicien, que j’aimais dire les choses comme elles sont et parfois de façon bien maladroite et donc que j’étais très peu sociable. Il m’a dit qu’au FPI tous étaient un peu comme cela mais faisaient la politique et que le parti regroupait tous ceux qui étaient révoltés par quelque chose dans la Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny, et qui voulaient le changement et la refondation de la Côte d’Ivoire».

Contesté dès le départ
Apparemment, Mamadou Koulibaly semble n’avoir pas été toujours bien aimé et bienvenu au FPI. Suivons : J’ai par la suite réfléchi. Nous sommes devenus des amis et puis j’ai été pendant un moment son conseiller dans l’ombre. J’ai participé souvent à des réunions au siège du FPI, alors que Oulaye Hubert était Directeur de Cabinet du Secrétaire Général du FPI. Après il m’a suggéré de rentrer dans les instances dirigeantes du FPI. Quand j’ai fait ma rentrée au cabinet mis en place par Gbagbo, certains des militants en désaccord ont quitté le parti. Je n’avais encore rien fait. Et puis le temps est passé et je suis aujourd’hui, à la demande de Affi N’Guessan qui m’a appelé pour me le proposer, le 3ème vice-président du FPI. Je vous en remercie encore une fois. Je ne suis pas plus méritant que qui que ce soit. Le Président Gbagbo après son élection m’a désigné pour aller présider l’Assemblée Nationale, après que j’ai eu à passer dix mois au gouvernement de transition de 2000 ». Le récit et le plaidoyer sont imparables. Avec cette voix docte et charmeuse qu’on lui connaît, « el professor » conquiert l’assistance.

Presqu’un standing ovation
Presque tout le monde applaudit spontanément quand Mamadou Koulibaly conclut. Désiré Tagro se dit que c’en est fini pour lui. Lorsqu’il prend donc la parole, le ministre de l’Intérieur se la joue modeste pour masquer le handicap de sa toute frâiche date d’entrée dans le FPI et pour répondre à Mamadou Koulibaly : « Moi, Laurent Gbagbo ne m’a pas demandé de venir au FPI. Je n’ai pas eu cet honneur. Je suis venu de moi-même ». Concernant l’Ecole de police, il admet quelques arrangements, en indiquant que cela est fait dans le cadre des intérêts du FPI et de la réélection de Laurent Gbagbo. Le ministre de l’Intérieur évoque le rôle positif des idées de Mamadou Koulibaly et des débats sur la souveraineté, la monnaie, la vraie indépendance.

Tagro rebondit
Mais au-delà des idées et des théories, il estime que les populations ont des soucis quotidiens qu’il faut prendre en compte. Et il donne l’exemple du travail qu’il a réalisé à Issia pour faire adhérer à la politique de Laurent Gbagbo de nombreuses populations allogènes. Concernant l’accord de Ouaga, le ministre de l’Intérieur admet des insuffisances certes mais, refuse de dire qu’il a échoué. Même dans un tel cas de figure, il se demande ce que ceux qui disent que Ouaga a échoué, proposent. Désiré Tagro se dit même prêt à aller plaider auprès du chef de l’Etat la défense d’un autre projet de sortie de crise. Mais il n’en voit pas. Sur le point des griefs soulevés par le Président de l’Assemblée nationale au sujet de son irrespect et de son refus de venir participer aux réunions convoquées par lui, le ministre de l’Intérieur dément et met en avant sa bonne foi, ajoutant qu’il n’a aucun intérêt à défier le numéro 2 du régime.

Pas de compte bancaire à l’étranger
Le ministre de l’Intérieur a précisé qu’il n’a aucun compte bancaire à l’étranger, surtout pas en Europe. Le seul bien qu’il revendique est un terrain au Burkina Faso. La culture de l’hévéa est une activité qu’il pratique depuis plusieurs années. Désiré Tagro a nié être allé dénigrer Mamadou Koulibaly chez le chef de l’Etat. Prise à témoin sur le sujet, la Première Dame marque son étonnement. Idem pour Atéby Williams qui ne se souvient pas avoir rapporté que Désiré Tagro est allé dire au Palais que le président de l’Assemblée nationale prépare un complot contre le régime. Quand il finit son speech, le ministre de l’Intérieur se dit qu’il revient de loin. Alors même que le plaidoyer du Président de l’Assemblée nationale avait été apprécié, les débats se focalisent désormais sur la forme. Tout le monde marque son accord avec Koulibaly sur le fond de ce qu’il a dit, mais des objections sont soulevées au sujet du cadre et du moment choisi. ‘’Koulibaly, tu as raison mais’’, semblent dire les uns et les autres. Croyant que le président de l’Assemblée nationale pouvait se satisfaire de ce demi soutien, d’autres vont même plus loin pour faire une requête à laquelle ne s’attendait même pas Désiré Tagro : des excuses de la part du Président de l’Assemblée nationale. C’est ce zèle qui a alors fait que les choses ont failli se gâter et que la réunion s’est terminée en queue de poisson. Car le Président de l’Assemblée nationale a trouvé indécente et inacceptable une telle demande.

Gbagbo consulte et décide
La suite on la connaît. Après avoir reçu les échos du secrétariat exécutif, le chef de l’Etat a également consulté les archives de presse relatives aux accusations contre Tagro. Revenu à Abidjan, Laurent Gbagbo a reçu le Président du FPI, le Président de l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur. Il a écouté, échangé puis informé les uns et les autres de sa décision avant de faire lire le communiqué de saisine du Procureur de la République. Depuis cette date, Laurent Gbagbo et Désiré Tagro n’ont pas dit un mot sur la question. Pour sa part, Mamadou Koulibaly a fait de la pédagogie pour recadrer les choses, à sa sortie d’audition avec le procureur de la République, et quelques jours plus tard à l’Assemblée nationale. A aucune de ces occasions, le Président de l’Assemblée nationale ne s’est prononcé sur le fond de l’affaire. Aux dernières nouvelles, Pascal Affi N’Guessan en dehors des instances du parti, veut organiser une rencontre de réconciliation entre Mamadou Koulibaly et Désiré Tagro.

Avec le partenariat de l’Intelligent d’Abidjan / Par Charles Kouassi

Wed, 07 Jul 2010 02:48:00 +0200

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