Forum des marchés d’Adjamé : Le marché n’est pas loin d’un incendie

Comment peut-on expliquer les incendies des marchés, devenus un phénomène presque banal comme la mort en période de guerre et au lendemain de la guerre ? En effet, le feu nous et indispensable, mais quand il sort des limites qui sont prescrites pour notre besoin. Il se transforme en un incendie et devient préjudiciable à l’homme. Il n’est pas rare de constater même si l’incendie peut aussi être d’origine criminelle, que la négligence coupable de l’homme en favorise par ailleurs la manifestation. Et c’est ce qui se passe au Forum des marchés d’Adjamé où les autorités municipales ne font rien pour prévenir un éventuel incendie. Mais elles en créent les conditions, malgré le rapport accablant de l’Office national de la protection civile.

Ce que dit le rapport de l’Onpc

Conformément à sa mission, l’Office nationale de la protection civile (Onpc) a effectué une visite au Forum des marchés en septembre 2008. Au terme de celle-ci, la Commission nationale de sécurité a dressé un procès-verbal. Dans lequel, il a été relevé des observations sur le dysfonctionnement du Forum en 44 points.
Il s’agit entre autres de l’encombrement de l’établissement, des dégagements intérieurs très étroits, des isolements inexistants, présence de câbles non fixés correctement, présence de connexions cuivre-alumium réalisées sans précautions particulières, surcharge des prises électriques et branchements anarchiques, installations électriques inachevées au 2e étage, présence de câbles de type torsanyl traînant sur les toitures des box, absence d’éclairage dans les parties communes, absence de blocs autonomes de sécurité, les locaux techniques sont transformés en magasins et le local de transformateur électrique est occupé par les commerçants etc… En mille comme en un mot, le Forum des marchés d’Adjamé présente aujourd’hui tous les éléments qui font le terreau de l’incendie. L’analyse des risque dans ce marché, contenus dans le rapport de l’Onpc est assez révélatrice de la situation d’insécurité. Devant cette situation critique, l’Onpc n’est pas resté au stade de constat, mais a fait également des prescriptions. Afin d’améliorer le coefficient incendie et d’hygiène dans le marché. En conclusion, l’Office national de la protection civile, eu égard à l’avis technique défavorable de sécurité incendie et de panique, a donné un délai de six (06) mois au propriétaire pour la mise en conformité de l’établissement. Mais quatre (04) ans après cette visite technique de l’Onpc, la mairie et le promoteur (Sicg) ont gardé ces recommandations dans leur tiroir au grand dam des commerçants.

La priorité de la mairie et du promoteur

Malgré ce rapport existant sur l’état du Forum qui n’est point reluisant, le maire et le promoteur, M. Saïdi Jamal Mohamed, président directeur général de la Société ivoirienne de concept et de gestion (Sicg) ont décidé de relocaliser les commerçants sur les parkings ouest, nord et sud. De sources introduites, le projet vise à construire 210 box dont le coût par unité est élevé à 10 millions Fcfa, ainsi que 2200 étals à 350.000 Fcfa l’unité. Les commerçants s’opposent à leur déguerpissement et ont exprimé leur détermination à demeurer sur l’espace qu’ils occupent. Ils estiment en effet que le forum des marchés d’Adjamé ne répond aujourd’hui à aucune commodité. Ce qui est imputable au promoteur et la mairie qui ont démissionné de leur responsabilité, à en croire aux commerçants.
Que peut-on dire de ce projet ? Est-il fait dans le but d’assainir le marché où à un objectif purement économique ? Bien malin qui pourrait répondre à cette question. Cependant, il est loisible de mentionner que le rapport de l’Onpc était catégorique sur l’encombrement du Forum des marchés. Dont les 4 voies isolant celui-ci sont obstruées par l’occupation anarchique des commerçants et des dépôts sauvages d’ordures ménagères. Sans oublier l’encombrement permanent des accès au rez-de-chaussée et de toutes les allées de circulation. Le surpeuplement de ce rez-de-chaussée pendant que le 2e étage désert est laissé à l’abandon. Alors, s’il faut maintenant installer les commerçants dans les parkings, le Forum des marchés court un grave risque à tous les niveaux. Puisque cet établissement est classé en 1ère catégorie de type M, conformément à l’article 19 du décret n°79-12 du 10 janvier, relatif à la protection contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public et de l’article GN1 de l’arrêté n°292/INT/SAPC du 10 décembre 1985, portant règlement de sécurité dans les établissements recevant du public. Car l’effectif du public susceptible admis est estimé à quinze mille (15 000) personnes. A cela s’ajoute l’arrêté n°295/INT/SAPC du 17 décembre 1985, portant approbation de dispositions particulières complétant le règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public. Eu égard à toutes ces dispositions, on comprend difficilement le projet de réalisation de plus de 2200 étales et de 210 box dans le parking. C’est un projet suicidaire pourrait-on dire ?

Pourquoi les pouvoirs publics doivent réagir

Un regard rapide sur les données qu’offrent les statistiques de 1987 à nos jours, indique plus 25 marchés urbains qui ont subi le courroux des flammes. Même si les différentes enquêtes n’ont jamais dit l’origine de ces incendies. On peut tout de même avancer qu’il existe dans nos marchés des éléments objectifs qui favorisent les risques d’incendie et la propagation du feu d’une part et d’autre part d’accentuer les risques pour le public et les biens. La malveillance, la surcharge des prises électriques, les installations électriques anarchiques, le dysfonctionnement des appareils sous tension sont des risques pour la naissance du feu. Qui se développe avec des circonstances favorables que peuvent porter les charges calorifiques très élevées dans les magasins et les étals, les produits inflammables, les bouteilles de gaz butane, des solvants, des parfums. Les risques de propagation du feu demeurent très élevés quand il n’existe pas d’isolement intérieur à la suite de la jonction des étales, d’isolement par rapport aux tiers et que l’on note l’absence de désenfumage. Le travail des sapeurs pompiers et des sauveteurs devient très ardu en cas de sinistre et les risques pour les populations très grands. Avec les dégagements encombrés, on assiste alors à la destruction totale de biens. Parce qu’il n’y a pas d’équipe de sécurité pour attaquer le feu naissant qui se propage rapidement. Pour éviter cela, il faut prendre ces mesures concernent la conception et la desserte des bâtiments, l’isolement par rapport aux tiers, la résistance au feu des matériaux et des structures, la couverture et les façades, la distribution intérieure et le compartimentage, les locaux non accessibles au public, les locaux à risques particuliers, les dégagements. Tous ces critères énoncés dans le décret n°79-12 du 10/01/1979 visent au respect des normes conventionnelles de sécurité.
De fait la conception des marchés doit être faite de sorte à permettre, en cas de sinistre, l’évacuation du public, l’intervention des secours et la limitation de la propagation du feu. Les façades et les baies doivent être accessibles pour les secours. Dans la conception, chaque dégagement doit avoir une largeur minimale de passage proportionnée au nombre total de personnes appelées à l’emprunter. Il doit avoir une évacuation rapide et sûre.

Jean Louis Kobrissa in Boigny Express

Encadré
Une prise de conscience s’impose

Les 3 et 4 septembre 2008, des maires, des présidents des Conseils généraux, de gouverneurs de District et des directeurs techniques de ces collectivités, ont été convié à un séminaire à l’initiative de l’Onpc sur le thème « information et sensibilisation des élus relatives aux incendies des marchés ». Face à l’ampleur du fléau, il était temps d’engager une action vigoureuse. D’autant plus que les statistiques des feux de marché depuis 1985 à nos jours indiquent plus de 35 incendies de marchés urbains sur le territoire national y compris les marchés des 10 communes du District d’Abidjan. Dans la lutte contre les incendies, les maires ne doivent pas rester les bras croisés. Car ils devraient mener les actions concrètes pour prévenir les sinistres qui ruinent les efforts de nombre de commerçants. Ainsi la construction des marchés doivent répondre désormais aux normes sécuritaires, qu’il y soit mis en place un système de surveillance sécuritaire. Et que l’on veille à l’occupation rationnelle des places dans les marchés. Il faut, par ailleurs actualiser le plan des réseaux et de circulation dans les marchés.

Les statistiques des incendies des marchés

27/07/1987 : Marché de Yamoussoukro
28/11/1990 : Marché d’Adjamé
24/04/1991 : Marché de Daloa
06/04/1991 : Marché Gouro Adjamé
19/04/1992 : Black Market d’Adjamé
04/08/1993 : Marché d’Adjamé
02/12/1996 : Marché de Daloa
17/03/1997 : Marché de Treichville
14/04/1997 : Marché de Man
30/04/1997 : Marché de Yopougon Niangon Sud
23/02/1998 : Marché de Bouaké
02/03/1998 : Marché de la Cité Fairmont
10/04/1998 : Marché d’Anono
17/02/1999 : Marché de San Pedro
16/06/1999 : Marché de Mofaitai Yamoussoukro
15/07/1999 : Marché de Yopougon Andokoi
24/09/1999 : Marché de Yopougon Niangon Sud
29/11/1999 : Marché d’Abobo Sogefihia
23/12/1999 : Marché Shopping Abrogoua d’Adjamé
07/01/2000 : Marché Gouro Adjamé
06/02/2001 : Marché de Yopougon Andokoi
03/02/2001 Marché d’Agboville
07/04/2001 : Marché du Plateau
23/07/2001 : Marché de Divo

Tue, 10 Jul 2012 00:11:00 +0200

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