Fulbert Sassou Atisso : “l’opposition togolaise offre un spectacle décevant et désolant depuis 25 ans”

Vous avez par l’entremise de votre regroupement, "l’Appel des Patriotes", convié l’opposition togolaise à une candidature unique pour affronter Faure Gnassingbé. Mais en vain. Aujourdhui, quel sentiment vous anime après le scrutin du 25 avril dernier ?

Le scrutin présidentiel de 2015 était un gâchis; bien que je pouvais imaginer son issue défavorable pour l’opposition participationniste. Prendre part à une élection présidentielle sans que les réformes politiques prévues depuis 2006 n’aient été faites, c’était peine perdue. De même que participer à une élection présidentielle qui se passe au scrutin uninominal majoritaire à un tour avec 4 candidats du côté de l’opposition, c’est faire le lit de la victoire du candidat du parti au pouvoir.

L’opposition participationniste a fait dans l’entêtement et la suffisance. Si elle avait été plus attentive aux propositions des uns et des autres, l’opposition aurait, soit refusé de participer à cette élection, soit participé dans des conditions autres que celles qui avaient prévalues.

L’Appel des patriotes a fait des propositions qui n’ont pas été prises en compte par les participationnistes. Nous avons été, dans les dernières périodes, le chantre de la candidature unique de l’opposition. Nous disions que si jamais les réformes n’étaient pas faites, il était impérieux que les participationnistes choisissent un seul candidat face au candidat d’UNIR.

Vous êtes journaliste, écrivain, politicien également. En 2010, vous avez connu la prison dans la lutte pour la démocratie au Togo. Est-ce qu’aujourd’hui, vous regrettez cet engagement qui a failli vous coûter la vie, si on se réfère au spectacle qu’offre l’opposition dans la conquête pour une alternance ?

Je ne regrette rien de mon engagement, même s’il m’a valu d’aller deux fois en prison. Je ne me suis pas engagé pour l’opposition, mais plutôt pour le Togo. Le spectacle désolant et décevant qu’offre l’opposition depuis 25 ans ne me fait pas regretter les risques que j’ai pris sur les dernières années, pas plus qu’il ne brave ma détermination à œuvrer pour que l’alternance devienne une réalité.

Que vous inspire le fort taux d’abstention lors de la présidentielle d’avril – environ 40% ?

Le taux d’abstention était prévisible quand on sait que face à cette élection une partie de l’opposition a appelé au boycott. L’abstention était déjà de 35% lors des élections législatives de 2013. Elle a progressé de 5%. L’abstention sans cesse croissante à laquelle nous assistons depuis 2010 est l’expression de la désaffection des populations vis-à-vis de la politique.

Ce qui est grave est que l’abstention est surtout le fait de militants de l’opposition. C’est pour dire que l’abstention pénalise l’opposition et l’empêche d’inverser la tendance.

La solution à l’abstention réside dans la capacité de l’opposition à récréer l’espoir, en donnant un sens aux processus électoraux.

Au cours d’une conférence de presse, le CAR avait appelé la classe politique à une concertation pour plancher sur les questions liées aux réformes constitutionnelles et institutionnelles. Pensez-vous que cet appel sera entendu ? Est-ce la solution ?

Je souscris à l’Appel pour les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Sauf que sur la démarche je vois les choses un peu différemment que le CAR. Je ne comprends pas qu’au sortir d’une élection présidentielle que l’opposition a perdue on n’ait pas pensé faire le bilan de ce qui s’est passé et qu’on veuille toute de suite un dialogue avec le pouvoir en vue de discuter des réformes.

J’ai appris que dans les mêmes conditions, les mêmes actions donnent les mêmes résultats. Qu’est-ce qui a changé dans le contexte politique pour qu’on veuille provoquer des discussions sur les réformes politiques ? Tout le monde sait que le régime rechigne à faire les réformes, et le chef de l’Etat a encore démontré sa volonté de ne pas faire les réformes.

Lors du 47ème sommet de la CEDEAO à Accra, la délégation togolaise s’est opposée au principe de la limitation du mandat présidentiel. Or la limitation du mandat présidentiel à deux, figure en bonne place des réformes que le peuple togolais appelle de tous ses vœux. C’est dire que si l’opposition togolaise pose la question des réformes sans avoir fait le ménage en son sein, nul doute que c’est un combat perdu d’avance.

Pour nous à l’Appel des patriotes, il est impérieux que l’opposition règle le problème de sa division et redéploye la mobilisation avant toute revendication.

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Mon, 15 Jun 2015 23:16:00 +0200

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