Interview / Amani N’Guessan Michel à propos du meeting du FPI :‘’Il faut proscrire les injures et les invectives de la politique’’

Ce que je peux dire à ce moment précis c’est que toutes les dispositions sont prises pour que le meeting se déroule dans de bonnes conditions le samedi à 10 heures à la place Ficgayo. Le problème qui se po- sait était l’autorisation du maire. Mais grâ- ce à l’intervention du ministre d’Etat, mi- nistre de l’Intérieur, le problème vient d’être réglé ce jour. Je peux donc dire à tous les démocrates de Côte d’Ivoire, à tous les mi- litants du Fpi qu’ils peuvent venir tranquille- ment au meeting du 21 janvier 2012.
Avant le 15 octobre 2011, les jeunes, y compris vous-même, pour la même cause, aviez fait le tour des autorités. Cela n’avait pas empêché le report du meeting. Qu’est-ce qui vous rassure tant pour le 21 janvier pour ne pas craindre une volte-face des auto- rités ?
C’est le sens de la responsabilité. Dès l’ins- tant où un ministre d’Etat, ministre de l’In- térieur et un ministre de la Défense don- nent leur accord pour une manifestation, il n’y a plus rien à craindre ! C’est eux qui ont à leur disposition la force et la puis- sance de l’Etat. Et c’est cette puissance qui est mise à notre service. On n’a donc plus à avoir peur. C’est pourquoi je voudrais saluer l’appel du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur de ce matin qui après s’être concerté avec le maire de Yopougon m’a dit que plus rien ne s’oppose à la tenue du meeting du 21 janvier.
Combien de personnes attendez- vous à votre meeting de samedi ?
Je veux être modeste. Après toute la bru- talité subie, ayant accentué la peur, j’at- tends cinq mille personnes environ. Maintenant si avec tout ce que nous avons dit, les populations arrivent à se libérer, qu’on peut atteindre dix mille ou quinze mille personnes, ce sera formidable et ce sera le signe d’un Fpi né de nouveau.
Cette fois va donc être la bonne. Peut-on alors dire au Fpi que c’est le retour à la politique ?
Absolument ! C’est ce que nous recher- chons. Après la guerre, après les fusils, pla- ce à la politique, a dit le président Gbag- bo et nous sommes dans cette voie. Pla- ce maintenant à la politique ! La discus- sion politique, le combat politique, le dé- bat politique. C’est ça un pays moderne. Le débat politique doit être civilisé. C’est- à-dire que les invectives inutiles, il faut les proscrire, les injures, il faut les proscrire. La guerre surtout ! Il faut proscrire le fu- sil de la politique. Dès l’instant où on uti- lise le fusil, il n’y a plus de politique. Il y a la dictature parce qu’avec le fusil, on dic- te sa volonté. Jamais de fusil en politique. Il faut utiliser la parole.
On reproche aussi au Fpi de faire de la fixation sur un seul axe de son combat qui est la libération de ses prisonniers. Le Fpi serait-il en panne de stratégie ?
Je ne le crois pas. Le Fpi est un corps. Et sur un corps, aucun membre n’est à né- gliger. On nous a amputés de plusieurs membres du corps. Nous réclamons jus- tement le rassemblement de toutes les parties de ce corps. Les gens parlent de fixation mais en réalité quand vous êtes handicapé, vous recourez à une prothè- se. Mais que de recourir à une prothèse, nous disons que l’élément naturel est là. Affi N’Guessan est là, il est à Bouna. Abou- dramane Sangaré et Simone Gbagbo sont en prison au nord. Donc plutôt que d’al- ler acheter un rein ailleurs, il y a le rein na- turel qui est là ! C’est ce que nous faisons et ce n’est pas de la fixation. C’est plutôt une voie de normalisation. On ne peut pas marcher de façon anormale. Nous vou- lons la normalisation. Qu’on libère nos pri- sonniers et qu’on crée les conditions pour que les exilés rentrent.
Et après ce sera quoi ?
Si nous obtenons la libération de nos pri- sonniers et que les conditions sont créées pour le retour de nos exilés, on fera la pla- ce à la politique normale. Dans un pays, il y a des partis politiques qui fonctionnent, il y a des gouvernements d’union natio- nale pour faire fonctionner le pays. Dès l’instant où les partis ne sont plus handi- capés et qu’ils sont reconstitués, tout se passe normalement. La fraternité revient au pays. Et alors, la réconciliation sera mise en place et tout le monde y participe. Les gens pensent que ce que nous disons là est de la fixation. Ce n’est pas du tout cela. Ce sont des conditions naturelles. Com- ment voulez-vous qu’un handicapé marche normalement, préoccupé qu’il est à chercher une prothèse.
Monsieur le ministre est-ce que vous ne courez pas le risque de passer cinq ans dans vos revendi- cations alors qu’il faudra aller aux élections en 2015 ?
Même s’il faut passer dix ans à ce que mon pied repousse, je le ferai. Parce qu’on ne peut pas courir en étant handicapé. Il faut être réaliste et aujourd’hui nous faisons de la realpolitik. Il ne faut pas se le cacher. Le Fpi est handicapé. Ou bien les gens ont intérêt à handicaper le Fpi pour que dans la compétition ils soient vainqueurs ou bien ils jouent pour la normalisation. Dans le premier cas, c’est à la limite malhonnê- te.
Ce n’est pas interdit en politique!
Oui, mais cette façon de faire est malhon- nête. Il ne s’agit pas de handicaper l’ad- versaire. Il s’agit plutôt de convaincre par l’argument. Dans tous les pays dévelop- pés où la démocratie triomphe, depuis quand avez-vous vu des chefs de partis emprisonnés, des cadres de partis empri- sonnés, des gens qui ont fui leurs pays et qui ont peur d’y revenir pour cause de mandats d’arrêt ? La France même qui est notre référence en la matière, y a-t-il là- bas des prisonniers politiques et des exi- lés politiques? Nous voulons simplement qu’on normalise la vie politique en Côte d’Ivoire. Si la vie politique est normale, une défaite politique est une chose normale etonn’apasàrougirpourça!Sivousal- lez à une élection que les électeurs ne vous choisissent pas, vous en prenez acte ! Mais on a introduit le fusil dans la politique en Côte d’Ivoire et c’est cela le mal. Il faut re- tirer le fusil de la politique. Allons-y à la dé- mocratie et à l’Etat de droit. Vous verrez qu’on n’aura plus à réclamer la libération de qui que ce soit. Quand dans un pays on aliène la justice, ça devient une situa- tion difficile à supporter. Aujourd’hui, com- ment voulez-vous que le président Gbag- bo soit co-auteur indirect sans qu’on ne trouve des co-auteurs indirects dans le camp d’en face ? C’est simplement cho- quant et une telle situation ne rend pas serein.
On entend vos adversaires dire dans la rue que ‘’ceux-là ont pas- sé dix ans à ne rien faire, qu’est- ce qu’ils vont nous dire de nouveau qu’on ait jamais entendu ? Qu’ils laissent les Ivoiriens en paix’’. Que leur répondez-vous ?
J’ai toujours dit que quand nous avons pris le pouvoir, la rébellion s’est installée avec une première tentative en 2001 et une deuxième en 2002. Et pendant dix ans, les gens n’ont fait que nous emmerder. Si c’est ce bilan qu’ils veulent qu’on fas- se, on peut le faire. Mais quant à la ges- tion d’un Etat, on n’a jamais eu l’oppor- tunité de gérer en toute liberté la Côte d’Ivoire. Nous voulons donc dire aux Ivoi- riens comment, en toute liberté, on peut gérer un pays. On est tous dans ce pays et on a vécu ce que Gbagbo et son régime ont vécu. A savoir les bâtons qu’on lui a mis dans les roues. Aujourd’hui, je pense que ce n’est pas le cas et par consé- quent il est de bon aloi que nous puissions dire à ceux qui sont là comment on gou- verne en temps de paix. Ils ont pris les armes, disent-ils, pour avoir la paix, ils ont
la paix. Comment on gouverne en temps de paix, c’est de cela que nous parlons et non comment on gouverne en temps de rébellion. En temps de rébellion, il faut re- chercher la réconciliation entre les fils du pays. Il faut rechercher la paix par le dé- pôt des armes. Aujourd’hui, il n’y a plus d’arme donc on doit normalement po- ser des actes de développement. Com- ment cela se fait ? C’est ce que nous vou- lons évoquer.
N’est-il pas temps aussi d’action- ner la diplomatie en allant par exemple vers les soutiens bien connus de vos adversaires pour leur mettre la pression en faveur de vos préoccupations que de vous mettre vous-même la pression ?
Nous faisons des démarches envers les diplomates accrédités en Côte d’Ivoire mais je vous ai dit que nous faisons de la realpolitik. Ceux qui ont soutenu M. Ouattara savent les raisons pour lesquelles Gbagbo Laurent devait absolument quit- ter le pouvoir. Aujourd’hui, aller vers eux et demander de soutenir Gbagbo, ce serait ridicule.
Pas pour soutenir Gbagbo mais faire le plaidoyer pour la libération de vos prisonniers…
Mais c’est eux qui ont donné ce conseil à M. Ouattara ! Si vous avez remarqué ses premières sorties, c’est auprès de ceux- là qu’il est allé réécouter ce qu’il n’avait pas bien compris.Nous voulons bien dé- velopper notre diplomatie et d’ailleurs nous ferons une diplomatie tous azimuts.
Y compris en direction des Etats-Unis ?
Oui y compris en direction des Etats-Unis.
Hillary Clinton était là mais on n’a pas vu le Fpi aller vers elle ?
Dans un pays, il appartient aux autorités de donner un statut à l’opposition, sta- tut qui permet de l’associer aux grandes rencontres de l’Etat. Au Togo, le président togolais a associé le chef de l’opposition à la réception des grands hommes d’Etat qui arrivent dans ce pays. En Côte d’Ivoi- re, il appartient à M. Ouattara de nous as- socier aux rencontres.
Vous attendez que votre adversai- re vous associe à une rencontre censée faire sa promotion?
Oui ! Je vous dis qu’au Togo le Président Faure Gnassingbé associe l’opposition aux grandes rencontres. Ici ce n’est pas le cas.
Par Par S. Débailly in L’Intelligent d’Abidjan
Fri, 20 Jan 2012 15:50:00 +0100
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