LA GUERRE À L’HIVERNAGE

Il est certes vrai qu’il n’a pas eu besoin de succéder à M. Eugène Kacou pour prouver son militantisme et son attachement à Alassane Dramane Ouattara, mais il a fallu qu’il soit à son nouveau poste pour nous situer sur l’idée que le ridicule décrédibilise l’homme. Sa tâche consiste exclusivement à mettre au pas la presse de l’opposition qui semble avoir un peu trop de liberté. Selon lui, Soro Guillaume n’est plus un ex chef rebelle parce qu’une loi d’amnistie lui aurait retiré ce titre. Fort de cette conviction il a intimé l’ordre aux organes de presse de la façon la plus claire : « N’écrivez plus que Guillaume Soro, actuel Président de l’Assemblée Nationale est un ex chef rebelle. C’est un outrage à l’autorité. Cela est interdit pas la loi. » En d’autres termes tous ceux qui s’hasarderont à appeler l’auteur de Pourquoi je suis devenu rebelle, ex rebelle, se verront tout simplement sanctionnés. Quel zèle !
Pour la bonne compréhension de tous, il aurait fallu que Raphaël Lakpé présente la loi d’amnistie qui dénie à Soro Guillaume le titre d’ex rebelle. S’il ne l’a pas fait c’est tout simplement parce qu’il sait qu’une loi d’amnistie n’efface que des faits. Et dans le cas ivoirien les faits qualifiés « d’atteinte grave aux droits de l’homme et les crimes économiques » ne sont nullement couverts par la loi d’amnistie. En tout état de cause, les faits, mêmes effacés par la loi, demeurent dans les esprits tout comme le titre de l’auteur des faits. L’amnistie n’est donc pas une amnésie. Mais le service que Raphaël Lakpé avait voulu rendre à Guillaume Soro est refusé par celui-ci. En effet, Soro Guillaume lui-même a écrit un ouvrage intitulé Pourquoi je suis devenu rebelle. Le titre de cet ouvrage nous fait comprendre, sans le lire, que Soro Guillaume ne réprouve pas son activité de déstabilisation menée contre la Cote d’Ivoire. Comment doit-on l’appeler après avoir visité, ou seulement posé un regard sur l’ouvrage ? Comment doit-on l’appeler après avoir confié à Alain Foccard sur RFI que dans sa rébellion il n’y avait aucune autorité au dessus de lui. N’avait-il pas été nommé premier Ministre parce qu’il était le chef de la rébellion, Secrétaire Général du MPCI, mouvement rebelle? Raphaël Lapké ne nous répondra certainement pas parce que sa guerre à l’hivernage à pour finalité le musellement de la presse de l’opposition, singulièrement celle acquise à la cause du Président Laurent Gbagbo. Cela est d’autant plus vrai que les journalistes du pouvoir bénéficient d’une bénédiction extraordinaire quant il s’agit de dégouliner des monstruosités sur le Président Laurent Gbagbo. Comment cette presse du pouvoir nomme-t-elle Laurent Gbagbo? Pour le quotidien le Nouveau Réveil, Gbagbo est « le colis gênant », l’Expression parle du « Machiavel d’Abidjan », le Patriote, lui, vole d’insanités en insanités sur Gbagbo qui est tantôt le « boucher d’Abidjan », tantôt
« Hitler. » Nous n’avons pas connaissance d’une loi qui ôte au Président Laurent Gbagbo, son statut d’ancien chef de l’Etat. Si donc dire de Soro qu’il est un ex chef rebelle est « un outrage à l’autorité », alors dire également de Gbagbo qu’il est « un colis gênant » ou « le Machiavel d’Abidjan » est aussi un outrage à l’autorité, puisque son statut d’ancien chef de l’Etat fait de lui une autorité, tout comme le Président Henri Konan Bédié. Et si dans son entendement, n’est autorité que celui qui est aux affaires, alors qu’il s’empresse de faire abroger la loi portant statut des anciens chefs d’Etat.
Il y a donc lieu, pour le militant du RDR, Président du CNP, de savoir que la presse ne rend qu’honneur à Soro Guillaume qui lui-même vante ses mérites de chef rebelle dans son ouvrage. On ne peut être plus royaliste que le roi. Si par extraordinaire, cette presse s’alignait sur les positions intéressées du Président du CNP (juste pour éviter les sanctions), les consciences garderont éternellement que Guillaume Soro est un ex chef rebelle. C’est en cela que l’acte de Lakpé est une guerre à l’hivernage. Quoi qu’il fasse, ce titre de Soro Guillaume est déjà scellé dans l’histoire de notre pays. C’est donc une guerre perdue d’avance.
Cette guerre à l’hivernage épouse également la campagne de communication menée par le RDR ces derniers temps et dont l’objectif est de « désintoxiquer » ceux que les pro-Gbagbo ont, selon eux, « intoxiqué ». Le porte parole principal du RDR, le nommé Joël N’Guessan s’offre des plateaux pour en définitive retourner sans avoir « désintoxiqué ». Cela se comprend certainement parce qu’il n’est tombé amoureux du RDR que le 11 Avril 2011, jour de sa prise controversée du pouvoir. Pour lui, il n’y a pas de rattrapage ethnique en Côte d’Ivoire, le pouvoir n’est pas tribal. Pour se ridiculiser sur Vox Africa, il fait croire que si le rattrapage ethnique existait, lui baoulé, ne serait jamais responsable du Rdr. Avait-il besoin de préciser que le RDR est un parti essentiellement composé de nordistes et qu’il est juste là pour faire « joli » ? Avait-il besoin d’indiquer qu’il existe en Côte d’Ivoire une armée tribale dirigée par des nordistes avec des chasseurs traditionnels tous nordistes ? Etait-il nécessaire de souligner que l’administration est en mode « RDR », donc nordiste ? La liste étant peut être trop longue il a dû prendre un raccourci en se limitant a son ethnie baoulé. A-t-il pour autant convaincu le monde ? Non. A-t-il convaincu le monde lorsqu’il a lâché qu’il était au gouvernement pour la forme ? Non. Que fait-on lorsqu’au gouvernement, le chef de l’exécutif vous arrache vos prérogatives, vous retire votre budget vous lie les bras ? On démissionne si on a un brin de dignité, à moins qu’on nous dise qu’on est dans l’équipe pour une autre mission, donc un agenda privé. Cette campagne de communication est donc une campagne perdue d’avance et le Professeur Harris Memel Fôté n’a pas eu tord de parler de guerre à l’hivernage. Car, les consciences sont déjà domestiquées par les prouesses du RDR : tribalisme, violence, mauvaise foi, vengeance.
Dans la même veine, le juge unique de la CPI Silvia Fernandez Gurmendi vient de rejeter la requête de mise en liberté provisoire du Président Gbagbo formulée par la défense. Ce qu’il y a lieu de retenir en gros est que Laurent Gbagbo demeure un homme politique bien ancré dans les cœurs des africains. Il est selon le juge un « politicien professionnel » qui a des « contacts internationaux » et des « liens » qui peuvent l’aider à « prendre la fuite ». Le juge établit ainsi la popularité de Gbagbo. Il a donc commis un « délit de popularité » c’est pourquoi sa demande de mise en liberté provisoire lui est refusée. La gravité des chefs d’accusation et la saugrenue idée d’une installation par la force de Gbagbo au pouvoir ne peuvent en aucun cas dissoudre l’idée de fond et la nature du procès. L’idée de fond est que
Laurent Gbagbo est un homme politique qui gêne, les forces rétrogrades. Le procès lui, est politique.
Le juge veut mener un faux combat qui d’ailleurs n’a aucune chance d’aboutir. Il s’agit pour elle de réprimer la popularité de Gbagbo. Comment peut-on légitimement rejeter une requête de mise en liberté provisoire au motif que l’intéressé est populaire ? Est-ce la faute à Gbagbo s’il est adulé par son peuple ? Est-ce la faute à Gbagbo si autour de lui se crée un bouillonnement intellectuel qui nous rappelle bien Nelson Mandela ? Est-ce la faute à Gbagbo si ses adversaires sont incapables d’éveiller les plumes d’intellectuels qui constituent des références au monde? Si son aura dérange la CPI c’est qu’il y a matière à réflexion. La CPI devrait bien s’interroger sur la véracité des faits dont le procureur et sa suite accusent Gbagbo. C’est donc en vain que Silvia Fernandez tente de condamner la popularité de Laurent Gbagbo. Plus les décisions de la CPI sont floues et imprécises, plus la sympathie pour Gbagbo prend l’ascenseur. La CPI pense-t-elle qu’elle parviendra à faire faiblir l’amour que « monsieur tout le monde » porte à Gbagbo ? Non. Tenter de le faire, c’est faire une guerre à l’hivernage et cette guerre est perdue d’avance.
Au delà de cet aspect, notons que la CPI n’a cessé d’être taxée d’être une justice politique avec une fourrure juridique. Certains croient, sans doute naïvement, que la CPI est indépendante de l’occident, des grandes puissances ou des puissances d’argent. Jusque là, elle peine à le prouver. Malgré toutes ses bonnes déclarations, certaines faites la main sur le cœur, d’autres faites avec entre les mains, un courrier de félicitations destiné à Guillaume Soro, aucun début de signe ne nous permet de croire que l’institution est impartiale.
Dans l’affaire opposant le procureur de la CPI au Président Laurent Gbagbo, celui-ci est accusé d’avoir à lui seul tué 3000 personnes dans une guerre l’opposant à une autre force militaire soutenue entièrement par l’Onu et ses agents commerciaux. Cette force fidèle à Alassane Dramane Ouattara n’a visiblement tué personne bien qu’elle ait mené une rébellion armée de Septembre 2002 au 11 Avril 2011 ! Fermer hermétiquement les yeux sur les tueries, vols, viols et autres pillages orchestrés par les forces pro-Ouattara pour ne juger que le seul Gbagbo, c’est convaincre le monde qu’il s’agit d’une justice politique donc partiale. Toutes les déclarations et autres incantations déversées ça et là par cette CPI n’est que de la poudre aux yeux. Elle ne fait que faire une guerre à l’hivernage car il est établit que la CPI est « le tribunal » des grandes puissances juste là pour servir leurs intérêts.

Alain BOUIKALO
bouikhalaud10@gmail.com

Sun, 22 Jul 2012 04:41:00 +0200

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