C’est le cardinal Peter Turkson, un Africain qui occupe l’un des ministères les plus prestigieux du Saint-Siège, le conseil pontifical Justice et Paix – dirigé jusqu’en 1998 par le célèbre cardinal français Roger Etchegaray -, qui a eu l’idée de faire projeter ce montage anonyme en guise d’intervention au synode. Depuis une semaine en effet, chaque participant dispose de cinq minutes pour s’exprimer devant tous, et devant le Pape qui suit les travaux, afin de susciter la réflexion et le débat. Benoît XVI n’était toutefois pas présent lors de cette projection. Mais le débat, lui, a été immédiat.
«République islamique»
Plusieurs prélats, choqués par le simplisme de ce film, ont aussitôt pris leur distance. Le commentaire le plus cinglant est venu d’un haut responsable chargé précisément du dialogue avec l’islam. Il n’a pas caché sa «perplexité» sur le fond de la vidéo. Quant à l’idée de présenter ce document dans une instance officielle et publique de l’Église catholique, ce même prélat l’a qualifiée de «maladresse» estimant que son confrère cardinal «n’a probablement pas mesuré la portée» de son initiative. Beaucoup d’évêques présents ont d’ailleurs pointé «le piège» de ce genre de méthodes, proches de celles de «l’islam fondamentaliste», assurant qu’il n’était pas dans l’intention du synode, visant pourtant à lutter contre la régression du catholicisme, à entrer dans une «guerre de religion».
D’autres évêques ont surtout promis de produire d’autres chiffres sur l’expansion de l’islam en Europe et dans le monde. En attendant, ceux qui ont été présentés lundi au Vatican, dont certains sont tirés de statistiques officielles allemandes et hollandaises, sont éloquents. Cette vidéo, qui n’offense en rien la foi musulmane, a pour objectif de susciter la peur chez ceux qui ne la partagent pas, en insistant sur l’expansion spectaculaire de l’islam.
Ce montage publié en mars 2009 par une mystérieux «friendofmuslim» (ami des musulmans), déjà vu par plus de 13 millions de personnes sur You Tube, commence par démontrer qu’en dessous d’un taux de fécondité de 1,3 enfant par femme une «culture» ne peut se pérenniser. Or, argumente-t-il, le taux moyen de 31 pays européens est de 1,38 enfant par femme. L’Europe va donc «cesser d’exister». Ou elle va plutôt exister «autrement» avec «l’immigration».
Le document compare alors le taux français de fécondité, «1,8 enfant par femme», à celui «musulman» qui serait de «8,1 enfant par femme». Pour la France, la vidéo affirme que «30% des enfants de moins de 20 ans sont musulmans» – «45%» dans les grandes villes – et qu’en 2027 «un Français sur cinq sera musulman». Il pronostique même que la fille aînée de l’Église sera «une République islamique» dans quatre décennies. Même constat pour les Pays-Bas et la Belgique, où, selon ce document, «50% des nouveaux nés sont musulmans» et pour l’Allemagne qui sera «un État musulman en 2050».
La tendance globale des affirmations dénoncées par cette vidéo, à l’évidence caricaturales, et l’inquiétude qu’elles génèrent sont toutefois partagées par une bonne partie de l’assemblée synodale. En début de synode, plusieurs évêques, d’Afrique et du Moyen-Orient, se sont publiquement plaints de la difficulté croissante de pouvoir seulement se dire «chrétien» face à l’intolérance de l’islamisme politique. Beaucoup d’évêques, en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, expérimentent que la «nouvelle évangélisation» appuyée par Benoît XVI affronte chaque jour un islam conquérant. Cette vidéo simpliste n’apparaît donc pas pour eux complètement hors sujet.
Quant au jeune cardinal Turkson, 64 ans, originaire du Ghana, il n’a pu agir par hasard. Cet homme de confiance de Benoît XVI, nommé par lui à Rome, qui lui avait confié en 2009 la responsabilité centrale d’être le rapporteur général du Synode sur l’Afrique, connaît par cour les arcanes des synodes romains. Ce n’est donc pas un débutant. Il a pris ses propres responsabilités mais n’a pas pu présenter ce document sans un feu vert. Non pas du Pape, qui n’entre pas dans ce genre de détails, mais de l’organisation du synode qui doit gérer les interventions de chacun. En effet, il n’est pas d’usage dans cette instance de prises de parole publique de présenter des vidéos. Ce document brutal suscite donc de l’émoi mais il pourrait aussi exprimer ce que beaucoup pensent tout bas dans certaines instances de l’Église catholique.
lefigaro.fr
Sun, 21 Oct 2012 16:26:00 +0200
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