L’idéologie occidentale dominante et l’histoire de l’Afrique – La falsification de l’histoire : comment l’Égypte ancienne a été arrachée de son univers naturel négro-africain

L’effroyable Code Noir, promulgué par Louis XIV en 1685   réglemente l’esclavage aux Antilles et en Guyanne.

La domination meurtrière de l’Afrique par l’Europe

Du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, à Berlin, une “conférence” sur l’Afrique avait réunit les pays européens ainsi que les États-Unis. Cette rencontre se termina par la signature de l’Acte de Berlin, qui a conduit au “partage de l’Afrique” entre six puissances européennes, l’Angleterre, la France, la Belgique, l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne.

À la veille de la 1ère Guerre mondiale, la quasi totalité de l’Afrique est constituée de colonies gouvernées par les Européens.

Cette situation résulte des événements qui se sont déroulés dans le monde depuis le 16ème siècle, marqués par le mercantilisme européen et la supériorité technique et militaire croissante de l’Europe. Celle-ci impose, en même temps que sa domination, ses idées sur l’humanité, son origine et son évolution.

Parallèlement et s’ajoutant à celle pratiquée par les Arabes, en Afrique subsaharienne, la traite esclavagiste des Noirs est conçue, institutionnalisée et rationnellement organisée par les Européens. Conséquences : la désagrégation des États et de la société dans tous les secteurs de la vie, la diminution de la population atteignant plusieurs centaines de millions d’habitants : la destruction humaine la plus massive et la plus prolongée que le monde ait jamais connue.

La barbarie coloniale : Côte d’Ivoire au début du 20ème siècle (Source : Histoire Générale de l’Afrique, Vol. VII, L’Afrique sous la domination coloniale, 1880-1935, UNESCO/NEA, 1987, p. 167)

Au moment où l’Europe entreprend, au 19ème siècle, la conquête de l’intérieur de l’Afrique, celle-ci est donc déjà extrêmement affaiblie par les multiples effets destructeurs directs et indirects du système de la traite des très humains Noirs qui s’est développée durant quatre siècles.

La domination coloniale qui prend le relais, dans ses deux phases successives, conquête militaire du continent africain et exploitation/pillage de ses ressources minières et agricoles, est éminemment meurtrière, également jalonnée d’atrocités, de génocides massifs. Entre 1860 et 1930, des estimations montrent que le volume restant de la population de l’Afrique subsaharienne a encore diminué d’un tiers, passant approximativement de 200 millions à 130 millions de personnes.

Frantz Fanon écrit :

“… l’occupant installe sa domination, affirme massivement sa supériorité. Le groupe social, asservi militairement et économiquement est déshumanisé selon une méthode polydimensionnelle. Exploitation, tortures, razzias, racisme, liquidations collectives, oppression rationnelle se relayent à des niveaux différents pour littéralement faire de l’autochtone un objet entre les mains de la nation occupante. Cet homme objet, sans moyens d’exister, sans raison d’être, est brisé au plus profond de sa substance …”

De simples personnes, quelques personnalités comme Condorcet (1743-1794), des associations et groupements variés en Europe et aux États-Unis d’Amérique se sont élevés contre les exactions dont sont victimes les Noirs. Mais ils n’ont jamais été en mesure de s’opposer véritablement aux gouvernements, armées, milices, réseaux, compagnies commerciales et industrielles, banques, associations diverses à but faussement humanitaire ou religieux, missions scientifiques exploratoires etc. qui ont conjugué leurs efforts pour s’approprier l’Afrique, asservir ou massacrer ses habitants.

L’élaboration d’une idéologie raciste institutionnalisée

La domination de l’Afrique n’est pas de nature exclusivement militaire, politique et économique. Pour  être pleinement efficace et acceptée par toutes les couches de la société européenne, cette domination et les moyens de son exercice se doivent d’être justifiés, légitimés au plan moral, philosophique, religieux. Des penseurs européens décrètent alors l’infériorité intellectuelle du Nègre. Ils ont pour noms : Voltaire (1694-1778), Cuvier (1769-1832), Gobineau (1816-1882) et Lévy-Bruhl (1857-1939) en France, Hume (1711-1776) en Angleterre, Kant (1724-1804) et Hegel (1770-1831) en Allemagne,. …

On trouve chez Voltaire (François Marie Arouet de son vrai nom, 1694-1778), philosophe du Siècle des Lumières, certains éléments fondamentaux des théories racistes qui prendront au 19ème et dans la première moitié du 20èmesiècle, en Europe, leur forme achevée :

 :

   

“Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu’ils ne doivent point cette différence à leur climat, c’est que des Nègres et des Négresses transportés dans les pays les plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce, et que les mulâtres ne sont qu’une race bâtarde d’un noir et d’une blanche, ou d’un blanc et d’une noire. (Œuvres complètes de Voltaire, Essai sur les mœurs et l’Esprit des Nations, tome 1, Paris, J. Esneaux, 1821, p. 6 et 7).

 

Emmanuel Kant (1724-1804),dans Observations sur le Sentiment du Beau et du Sublime écrit : “Les nègres d’Afrique n’ont reçu de la nature que le goût des sornettes. Monsieur Hume (voir David Hume, Essays Moral and Political, 1748) défie qui que ce soit de lui citer l’exemple d’un nègre qui ait montré des talents, et il affirme que, parmi les centaines de mille de noirs transportés loin de leur pays, et dont un grand nombre cependant ont été mis en liberté, il ne s’en est jamais trouvé un seul pour produire quelque chose de grand dans les arts, dans les sciences ou dans quelque autre noble discipline, tandis qu’il n’est pas rare de voir des blancs  issus de la plèbe susciter l’admiration du monde par l’excellence de leurs dons … “

Georges Cuvier, dans Recherches sur les ossements fossiles, (Volume 1, Paris,Deterville, 1812, p. 105) écrit s’agissant des Noirs africains :

                                        

“la plus dégradée des races humaines, dont les formes s’approchent le plus de la brute, et dont l’intelligence ne s’est élevée nulle part au point d’arriver à un gouvernement régulier”.

Dans Histoire naturelle de l’Homme, il traite de “De la dégénération des animaux”, (Paris, 1766, tome XIV, pp. 311-374) affirmant que l’homme blanc incarne par excellence la nature humaine et les autres races seraient le produit d’une dégénérescence.

Le mathématicien Maupertuis dans son ouvrage Vénus physique expose antérieurement la même conception. (“Seconde partie, contenant une dissertation sur l’origine des Noirs”).

Voici comment le comte Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882) résume les caractères de la race noire dans son ouvrage, Essai sur l’inégalité des races humaines :

“La variété mélanienne est la plus humble et gît au bas de l’échelle. Le caractère d’animalité empreint dans la forme de son bassin lui impose sa destinée, dès l’instant de la conception. Elle ne sortira jamais du cercle intellectuel le plus restreint.


Ce n’est cependant pas une brute pure et simple, que ce nègre à front étroit et fuyant, qui porte, dans la partie moyenne de son crâne, les indices de certaines énergies grossièrement puissantes. Si ses facultés pensantes sont médiocres ou mêmes nulles, il possède dans le désir, et par suite dans la volonté, une intensité souvent terrible. Plusieurs de ses sens sont développés avec une vigueur inconnue aux deux autres races : le goût et l’odorat principalement. (Gobineau : Essai sur l’inégalité des races humaines, Paris, Nouvel Office d’Édition, 1963, Introduction, p. 368)

Le philosophe allemand Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) écrit dans La Raison dans l’Histoire. Introduction à la Philosophie de l’Histoire :

 

 

“L’Afrique, aussi loin que remonte l’histoire, est restée fermée, sans lien avec le reste du monde ; c’est le pays de l’or, replié sur lui-même, le pays de l’enfance qui au-delà du jour de l’histoire consciente, est ensevelie dans la couleur noire de la nuit.” (Hegel, La Raison dans l’Histoire. Introduction à la Philosophie de l’Histoire, trad. Kostas Papaioannou, Paris, Plon, 1965, p. 39. Collection : “Le monde en 10/18”, p. 247).  Cf. Théophile Obenga, Cheikh Anta Diop, Volney et le Sphinx, Paris, Présence africaine / Khepera, 1996, p. 91, 37, 21).

La proclamation de l’abolition de l’esclavage, au cours du 19ème siècle, l’apparition du concept idéologique de mission civilisatrice de l’Europe vis-à-vis du monde non Blanc, marquent la charnière entre deux périodes consécutives d’une économie mondiale dominée par les puissances occidentales qui basculent dans l’ère industrielle. Au système du commerce transatlantique de Noirs réduits en esclavage (commerce dit “triangulaire” – Europe, Afrique, Amérique -) se substitue la domination coloniale de l’Afrique, l’appropriation de son sol, de son sous-sol, de son espace maritime et plus tard aérien par l’Europe. Aussi l’abolition officielle de l’esclavage ne s’est-elle nullement accompagnée d’une remise en cause institutionnelle des théories racistes, mais au contraire, celles-ci ont été savamment affinées, renforcées par des arguments présentés comme scientifiquement fondés. L’intelligentsia occidentale cherche donc à consolider encore son dispositif idéologique de domaination de l’Afrique.

Évolution humaine d’après J.C. Nott et G.R. Gliddon, Types of Mankind … Philadelphia, Lippincott, Grambo & Co, USA, 1854. Les études anthropologiques truquées de ces deux américains du 19ème siècle visent à mettre en évidence une infériorité biologique de l’homme Nègre par rapport à l’homme Blanc. Il s’agissait d’établir une justification de l’esclavage. (Source : Stephen Jay Gould, La Mal-Mesure de l’Homme, Paris, Odile Jacob, 1997).

Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939) a écrit l’ouvrage intitulé : La Mentalité primitive (1922) qui fait suite à son précédent livre Les Fonctions mentales dans les sociétés inférieures (1910).  Les sociétés inférieures sont les sociétés non européennes. La Mentalité primitive se définit par son caractère mystique et prélogique. L. Lévy-Bruhl a dirigé en France, la Revue philosophique (1917). Il a été un membre important de la Société française de philosophie et a enseigné à la Sorbonne. Il crée en 1925 l’Institut d’ethnologie.

 

                                                 

C’est donc une véritable théorie raciste qui est élaborée par l’intelligentsia européenne. Elle établit une corrélation imaginaire, pseudo-scientifique, entre la couleur de la peau et les capacités intellectuelles qui vise en particulier à positionner le Nègre au bas de l’échelle dans son système de hiérarchisation des races et au sommet de laquelle est placé l’homme Blanc. Le Nègre est nié en tant qu’être humain à part entière, il est “chosifié” selon l’expression d’Aimé Césaire.

La falsification de l’histoire

De cette conception racialement hiérarchisante de l’humanité découle que l’Afrique noire ne peut pas et ne doit pas avoir une histoire, qu’elle ne peut pas constituer “un champ historique intelligible ” pour reprendre les termes de l’historien britannique Arnold Toynbee, qu’elle n’a pu créer aucune civilisation.

Selon cette idéologie raciste, le Nègre n’a pas la capacité de raisonner, de créer. L’initiative de s’organiser en entités socio-politiques structurées, policées, en États ne peut avoir qu’une origine extérieure. C’est ainsi que la grande cité du Zimbabwé, découverte au Sud du fleuve Zambèze, n’est certainement pas l’œuvre des autochtones africains eux-mêmes et devient celle du roi Salomon au pays d’Ophir ! Webber Ndoro, professeur de muséographie et de gestion du patrimoine culturel à l’Université du Zimbabwe précise que cette négation des réalisations africaines du Zimbabwe a perduré en Rhodésie jusqu’à une époque récente, malgré les résultats incontestables de la recherche archéologique :

“En dépit de ces travaux, la plupart des colons européens en Rhodésie nient l’évidence. De 1965 jusqu’à l’indépendance, en 1980, le Front Rhodésien, parti fondé par Ian Smith et qui défend l’apartheid, censure tous les ouvrages et documents qui décrivent Zimbabwe ; les archéologues qui défendent l’origine africaine de Zimbabwe sont emprisonnés et expulsés ; les Africains qui soutiennent des positions similaires perdent leur travail ; les populations locales n’ont plus le droit d’y célébrer des cérémonies rituelles ; même les visites du site sont interdites.”

                          

Vues du Grand Zimbabwe

Sous la plume des idéologues occidentaux, le Nègre devient un  être dominé par des comportements tout à fait singuliers que des caricatures ne manqueront de représenter, comme le relève Frantz Fanon :

“Il y a d’une part une culture [européenne] à qui l’on reconnaît des qualités de dynamisme, d’épanouissement, de profondeur. Une culture en mouvement, en perpétuel renouvellement. En face on trouve des caractéristiques, des curiosités, des choses, jamais une structure”.

C’est pourquoi l’Égypte ancienne, brillante civilisation de l’Antiquité, est alors littéralement arrachée à l’Afrique noire, à l’univers négro-africain, pour  être arbitrairement rattachée géographiquement, anthropologiquement et culturellement à l’Asie occidentale et au monde méditerranéen (Moyen Orient). Comme le montre Cheikh Anta Diop dans son livre Nations nègres et Culture, l’intelligentsia européenne déploie “une érudition féroce” pour commettre cet acte de falsification de l’histoire de l’humanité :

“L’impérialisme aidant, il devenait de plus en plus “inadmissible”, de continuer à accepter la thèse jusqu’alors évidente d’une Égypte nègre. La naissance de l’Égyptologie sera donc caractérisée par la nécessité de détruire à tout prix et dans tous les esprits le souvenir d’une Égypte nègre, de la façon la plus complète”.

“Inadmissible” est effectivement le mot qu’emploie dans son ouvrage Égypte ancienne, Champollion-Figeac (1778-1867, ne pas le confondre avec son frère Jean-François Champollion surnommé Champollion-le-Jeune (1790-1832), le déchiffreur des hiéroglyphes) pour tenter d’invalider la conclusion, pourtant fondée, de l’historien Constantin-François de Chassebœuf (1757-1820), plus connu sous le nom de Volney, professeur d’histoire à l’École Normale Supérieure à Paris, dans son Voyage en Syrie et en Égypte pendant les années 1783, 1784 & 1785, conclusion selon laquelle les anciens Égyptiens étaient des Nègres :

“… lorsque ayant été visiter le Sphinx, son aspect me donna le mot de l’énigme. En voyant cette t te caractérisée nègre dans tous ses traits, je me rappelai ce passage remarquable d’Hérodote, où il dit : Pour moi j’estime que les Colches sont une colonie des Égyptiens, parce que, comme eux, ils ont la peau noire et les cheveux crépus, c’est-à-dire que les anciens Égyptiens étaient de vrais Nègres de l’espèce de tous les naturels d’Afrique […] Quel sujet de méditation […] de penser que cette race d’hommes noirs, aujourd’hui notre esclave et l’objet de nos mépris est celle-là même à qui nous devons nos arts, nos sciences, jusqu’à l’usage de la parole ; d’imaginer enfin, que c’est au milieu des peuples qui se disent les plus amis de la liberté et de l’humanité, que l’on a sanctionné le plus barbare des esclavages et mis en problème si les hommes noirs ont une intelligence de l’espèce de celle des hommes blancs !”

Ces lignes de Volney n’y feront rien, ni le témoignage de Dominique Vivant Denon qui accompagna Bonaparte dans l’expédition d’Égypte (1798-1799) et qui fut nommé membre de l’Institut d’Égypte créé par celui-ci.

Dessinateur, graveur, artiste, Vivant Denon est aussi réputé pour son érudition. Sous Napoléon, il est nommé directeur du Musée du Louvre dont l’une des entrées porte aujourd’hui son nom. Il consigne ainsi sa “rencontre” avec le Sphinx :

                                              

“Je n’eus que le temps d’observer le Sphinx qui mérite d’être dessiné avec le soin le plus scrupuleux, et qui ne l’a jamais été de cette manière. Quoique ses proportions soient colossales, les contours qui en sont conservés sont aussi souples que purs : l’expression de la tête est douce, gracieuse et tranquille ; le caractère en est africain : mais la bouche, dont les lèvres sont épaisses, a une mollesse dans le mouvement et une finesse d’exécution vraiment admirables ; c’est de la chair et de la vie.”, (Vivant Denon, Voyage dans la Basse et la Haute Égypte pendant les campagnes du Général Bonaparte, Paris, 1ere édition, Didot l’Aîné, 1802 ; réédition, Pygmalion/Gérard Watelet, 1990, p. 109). Plus loin, commentant l’art égyptien, il écrit : “Quant au caractère de leur figure humaine, n’empruntant rien des autres nations, ils ont copié leur propre nature, qui était plus gracieuse que belle […] en tout, le caractère africain, dont le Nègre est la charge, et peut-être le principe” (op. cit., p. 168).

La vision d’une Afrique anhistorique (sans histoire, sans passé) et atemporelle (hors du temps, immuable), dont les habitants, les Nègres, n’ont jamais été responsables, par définition, de la moindre invention, d’un seul fait de civilisation, s’impose désormais comme courant de pensée dominant dans les discours, dans les écrits et s’ancre profondément dans les consciences. Napoléon rétablit l’esclavage.

L’égyptologue Gaston Maspero (1846-1916)

                                  

Ci-dessus, le dessin d’une colonne d’un portique du temple de Denderah sur lequel est représentée la déesse Hathor. Description de l’Égypte, Antiquité T.IV, Paris, 1817, Planche 12. Il a été exécuté lors de l’Expédition de Bonaparte en Égypte (1798-1799) : il s’agit d’un exemple typique de reproductions fantaisistes, inexactes figurant dans cet ouvrage. Ici, le visage de la déesse égyptienne présente les traits d’une Européenne tels qu’on peut les retrouver sur les peintures de cette époque en Europe. Pourtant, c’est sur cet ouvrage que s’appuie l’égyptologue Gaston Maspero pour écrire : ” En examinant les innombrables reproductions de statues et de bas reliefs dont il est rempli, on reconnut que le peuple figuré sur les monuments, loin d’offrir les particularités ou l’aspect général du nègre, avait la plus grande analogie avec les belles races blanches de l’Europe et de l’Asie occidentale. ” (cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, Librairie Hachette et Cie, 12eme édition, 1917, p. 17.). Ceci est une illustration de la falsification de l’histoire : au XIXe siècle l’Egyptologie européenne naissante arrache l’Egypte ancienne à l’Afrique noire. Dès lors, l’Egypte pharaonique sera rattachée géographiquement, anthropologiquement et culturellement au Monde méditerranéen, au Proche-Orient. Cf. Aboubacry Moussa Lam, L’affaire des momies royales, La vérité sur la reine Ahmès-Nefertari, Paris, Présence Africaine/Khepera, 2000.

Cheikh Anta Diop, l’auteur de Nations Nègres et Culture, décrit ce processus de falsification historique :

“… au moment où l’impérialisme atteint son apogée, dans les temps modernes, en tout cas au 19ème siècle, l’Occident découvre que c’est l’Égypte et une Égypte noire qui a apporté tous les éléments de la civilisation à l’Europe, et cette vérité il n’était pas possible de l’exprimer, voilà la réalité. L’Occident, qui se croyait chargé d’une mission civilisatrice en direction de l’Afrique découvre, en fouillant dans le passé, que c’est précisément cette Afrique Noire, aujourd’hui son esclave, cette Afrique Noire apparemment en régression, c’est bel et bien cette Afrique noire qui lui a donné tous les éléments de la civilisation aussi extraordinaire que cela puisse paraître. Et cette vérité, tous les savants n’étaient pas également disposés à l’exprimer sans nuances. Donc la communauté des savants s’est scindée en deux groupes :

– les savants de bonne foi qui ont eu le courage de regarder la vérité en face, Volney faisait partie de ces savants, […],

– et toute la lignée presque des égyptologues qui ont falsifié l’histoire de l’humanité de générations en générations et qui ont commis un crime le plus grave contre la science et l’humanité. Au sein de ces égyptologues aussi, il y a eu une tendance beaucoup plus modérée qui a essayé d’exprimer une vérité plus ou moins fardée …

C’est de falsifications en falsifications qu’on en est arrivé à dire que l’Égypte était un accident en Afrique, et que quand on parle de l’Égypte, on parle de l’Orient. L’Égypte ce n’est pas l’Orient, c’est l’Afrique ! L’Orientalisme est une frustration, c’est une falsification.

Il y a eu des falsificateurs de l’histoire. Ils ont commis, ce que j’appelle – et je pèse mes mots – un véritable crime contre l’humanité. Parce que c’est dégradant pour quelqu’un qui est chargé de propager le savoir de transmettre sciemment des contre-vérités. Il y a des générations entières de spécialistes occidentaux qui ont été coupables de ce crime à l’égard de l’humanité. Ils le savent … ils le savent. Et après, c’est sur la base de ces faits falsifiés que l’on a formé des générations qui continuent à perpétuer, quelque fois avec bonne foi et, qu’une fois formés ainsi, quand on leur démontre la vérité, même au tableau, par éducation, ils ne peuvent plus y adhérer. C’est comme si vous versiez de l’eau sur de l’huile, en quelque sorte, ça ne prend plus”.

Telles sont l’idéologie, l’image de l’Afrique, la falsification historique qui seront désormais transmises, enseignées par l’intelligentsia occidentale, de génération en génération, au sein des institutions les plus officielles, des plus modestes aux plus prestigieuses, de l’école à l’université ; elle sera largement véhiculée par tous les moyens d’expression : romans, peinture, bandes dessinées, publicités, et plus tard le cinéma, … Des zoos humains exhiberont en Europe et aux États-Unis les peuples non-Blancs.

Source : cheikhantadiop.net

Thu, 12 Mar 2020 19:34:00 +0100

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