Sénégal – Dilemme fatal de candidature au sein du M23

Le combat du M23 est fondamentalement celui de la légalité. Les membres de cette coalition tacite, née d’un soulèvement du peuple contre un projet infâme et anticonstitutionnel du pouvoir, qu’ils soient candidats à la présidentielle ou non, assument leur attachement immuable à la légalité, à moins d’y avoir adhéré par pur opportunisme.Cependant, après la décision nulle et inacceptable du Conseil constitutionnel, les conditions de légalité d’une élection présidentielle ne se retrouvent toujours pas dans le processus des élections du 26 février. Rien n’a donc changé de ce point de vue.Que dire donc de ceux qui se réclament de la légalité par leur appartenance au M23, tout en posant des actes d’illégalité en participant à des joutes électorales anticonstitutionnelles, par eux-mêmes tant décriées ?

Je voudrais comprendre comment un tel reniement de ses propres principes pourrait-il servir tactiquement une stratégie dont la finalité est de gagner la confiance du peuple ?Comment ceux dont la candidature a été curieusement invalidée, devraient-ils apprécier de telles acrobaties fantasmatiques ? Face à de tels comportements, le sens de la responsabilité nous commande, au sein du M23, de nous réunir autour de la problématique de la participation à des élections auprès de Wade. Une occasion d’interroger sans complaisance nos motivations afin de dégager une position consensuelle, alignée aux principes et convictions que nous revendiquons.

De toute façon, il n’échappe à personne que l’on s’achemine vers une parodie macabre d’élection, qui fera de Wade un vainqueur au premier tour. Il faudrait être naïf pour croire que la finalité de la décision hérétique du Conseil constitutionnel n’est que la participation de Wade aux élections, sans aucune garantie de résultat à lui favorable. Sachant cela, lui donner caution en participant avec lui aux élections ne peut être motivé que par des intérêts qui n’auraient rien à voir avec la solidarité avec le peuple, déterminé à barrer la voie à l’illégalité consistant en un troisième mandat.

Que le peuple fasse de l’invalidation de sa candidature illégale une priorité est la preuve, s’il en était besoin, qu’il a mûri et exige que ses valeurs culturelles soient restaurées au niveau des instances qui le gouvernent. Il se bat pour une rupture avec l’opportunisme, le mensonge, le parjure, la corruption, le népotisme et l’arrogance. Il se construit et pas seulement à travers ses infrastructures matérielles, mais surtout au regard de sa conscience citoyenne. Il est prêt à en payer le prix comme tous les peuples plus avancés ont eu à le faire, face à des machines répressives plus sophistiquées et brutales. Il y va de l’espoir de toute sa jeunesse qui rêve de changements salutaires, face à l’obstruction d’un mur de népotisme et de corruption au sommet de l’Etat. En douze ans, le citoyen qui a eu le plus de promotion de toute l’histoire de la nation n’est invraisemblablement autre que le jeune fils du président. De toute l’histoire du Sénégal, aucun ministre n’a jamais eu à concentrer entre ses mains autant de ministères à la fois que lui. L’on comprend aisément, avec tant de partis pris paternels, que les candidatures de jeunes citoyens émérites tels que Kéba Keinde, Abdourahmane Sarr et Youssou Ndour dérangent au point d’être arbitrairement écartées.Tout cela est contraire à la tradition sénégalaise de gouvernance et le peuple dégouté, veut se débarrasser pour de bon de telles pratiques et de ses protagonistes.

Attention aux pièges des tactiques hasardeuses !

Il ne faut pas se méprendre sur les rapports évolutifs entre le pouvoir et le peuple. En l’occurrence avant le 23 juin c’est Wade qui s’obstinait à mettre en œuvre sa stratégie monarchiste du pouvoir et le peuple guidé par ses leaders lui résistait. Le 23 juin, face à la tentative de réaliser son premier objectif, le peuple a engagé la bataille et obtenu une victoire qui, implicitement, lui exprimait une injonction tacite de ne pas ambitionner un troisième mandat. Depuis ce jour, ce n’est plus nous, le peuple, qui sommes en résistance, c’est Wade qui l’est. C’est à lui que le peuple souverain a dénié la légitimité d’un mandat de plus que sied le terme de résistant, pas au peuple qui détient la légitimité et la légalité. Sémantiquement, la différence est d’importance surtout pour ceux qui développent des tactiques. Il est du côté de la délinquance et de l’immoral, là où tout autre candidat de rupture doit se garder de le rejoindre.

Que l’on ne nous oppose pas l’autorité du Conseil constitutionnel en la matière, comme un fait accompli qui clôt tout espoir de vaincre les velléités du président sortant à se représenter. Nous nous trouvons malheureusement dans le même cas de figure que la Côte d’ivoire, où l’on a vu un même président de conseil constitutionnel consacrer, au gré des circonstances, deux présidents qui prétendaient chacun être vainqueur des élections.Si, après avoir vu cela, Wade résiste encore, c’est justement parce qu’il trouve sa motivation dans l’intime conviction que les Sénégalais ne braveront pas ses forces répressives longtemps, que la propagande du pacifisme par des religieux et autres laudateurs à sa solde aura raison de leur pugnacité, que l’ambition voilée de quelques leaders de l’opposition finira par créer une fissure dans le bloc coalisé contre ses prétentions.

Fort de ces convictions, il est indifférent au bilan funèbre qui s’alourdit à mesure qu’il persiste. Il n’est, en cela, point différent du défunt Kadhafi, à qui il était allé prescrire de quitter le pouvoir parce que son peuple ne voulait plus de lui. Aujourd’hui, le Sénégal ne veut plus de lui et surtout pas d’élection où il serait candidat. C’est une question de principe.L’impératif d’une rupture avec le mal gouvernance et la nécessité d’affirmer des valeurs positives exigent de notre nation qu’elle n’autorise personne, a fortiori le premier magistrat du pays, à prévariquer dans ses fonctions et ainsi universaliser un précédent ignominieux. Nous ne devons tolérer qu’une mesquine jurisprudence constitutionnelle échoie dans notre juridiction, pour la sauvegarde d’une paix stable. Restons vigilant et ferme sur notre volonté à ne laisser à Wade quelque possibilité que ça soit de faire prospérer cette forfaiture. Notre pays mérite mieux que ça, il a pour tradition de s’illustrer par des qualités extraordinaires et non médiocres.

Ibe NIANG ARDO, Président du Mouvement citoyen
Jog.ci/Civic Email : ibeniang @gmail.com

Mon, 13 Feb 2012 03:36:00 +0100

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