Blandine Sankara : « L’indépendance alimentaire du Burkina Faso passera par la décolonisation des mentalités »

Agroécologiste militante du Burkina Faso, Blandine Sankara a fondé en 2012 Yelemani, une ferme expérimentale près de la capitale, Ouagadougou. Sœur de l’ancien révolutionnaire et président burkinabé, elle veut sensibiliser à la souveraineté alimentaire.

Le Burkina Faso, pays d’Afrique de l’Ouest d’environ 21 millions d’habitants, est une ancienne colonie française. La période coloniale a profondément transformé l’agriculture, activité ultramajoritaire dans le pays, vers des productions dites « de rentes » destinées aux pays occidentaux, comme le coton. Sans accès à la mer, le pays continue, depuis son indépendance en 1960, de vivre avec cet héritage, qui lui impose d’importer de quoi se nourrir. Seule une parenthèse, entre 1984 et 1987 a donné l’espoir d’une souveraineté alimentaire grâce à une profonde réforme agraire menée par le président Thomas Sankara. Celui qui se voulait « le président des pauvres », qui a rebaptisé la Haute Volta en Burkina Faso, le « pays des hommes intègres », a été assassiné le 15 octobre 1987. Son ancien camarade et ex-chef de l’État burkinabé Blaise Compaoré a été jugé par contumace et condamné, le 6 avril 2022, à la prison à perpétuité pour avoir commandité l’assassinat de Thomas Sankara et douze de ses compagnons.

Blandine Sankara, sa sœur, a créé il y a dix ans la ferme expérimentale de Yelemani pour promouvoir la souveraineté alimentaire en s’appuyant sur les principes de l’agroécologie. Reporterre l’a rencontrée à l’occasion de sa venue au Mois Décolonial à Grenoble, où elle participait à une conférence sur le thème de « la souveraineté alimentaire comme outil contre le colonialisme ».

Reporterre — Comment est née la ferme expérimentale Yelemani, qui fête ses dix ans en 2022 ?

Blandine Sankara — Au Burkina Faso, nous avons un paradoxe de taille : l’agriculture concerne 82 % de la population mais le pays ne se nourrit quasiment que de produits importés, d’Asie notamment. Ce que nous produisons localement est exporté. Ces productions dites « de rentes », qui datent de l’époque coloniale comme le haricot vert ou l’arachide (transformé en huile), sont exportées principalement vers la Suisse et la France. Nous n’avons jamais travaillé en interne pour développer ces marchés au sein du pays. Avec Yelemani, qui signifie « changement » en langue dioula, nous souhaitons retrouver notre indépendance alimentaire en revalorisant nos productions locales.

« Yelemani est un laboratoire pour expérimenter les différents pans de la souveraineté alimentaire. »

Pour cela, nous suivons quatre axes : produire des fruits et légumes avec des techniques traditionnelles d’agroécologie ; développer un marché intérieur pour ces produits biologiques ; sensibiliser les petits commerçants et le jeune public sur les enjeux alimentaires et enfin sensibiliser les consommateurs. Aujourd’hui, tout ce qui est produit localement est dénigré par la population : la bonne alimentation, pour les paysans qui cultivent notre terre, c’est ce qui vient des pays du Nord, et non pas ce qu’ils produisent eux-mêmes pour les Européens. Yelemani est un laboratoire pour expérimenter les différents pans de la souveraineté alimentaire dans le but de redonner toute leur dignité aux paysannes et paysans.

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