Ivoiriennes, Ivoiriens, chers Amis !
L’adresse du Président de la République aux deux chambres de notre parlement réunies en congrès le mardi 18 juin 2024, au Sofitel Hôtel Ivoire, a révélé ou confirmé tellement de traits peu rassurants sur sa gouvernance et sur son propre portrait psychologique que nos notes nous assurent du matériau pour plusieurs chroniques.
Aussi, soulevons donc avec précaution le couvercle de cette précieuse marmite, et, pour une première livraison, limitons nous, à n’évoquer, avec toute la Côte d’Ivoire, que deux traits qui illustrent avec éclat ce que notre pays peut encore espérer attendre de celui qui le conduit et l’administre pour encore un peu plus d’une longue année.
Il y a, tout d’abord, la facilité et la délectation avec lesquelles le Président Alassane Ouattara brandit des comparaisons et statistiques qui, en son entendement, sont des arguments décisifs, supposés mettre fin à toute contestation ou débat sur son bilan. En Ivoirien populaire, l’on dirait << dah tougou >>.
Le Président Alassane Ouattara nous a appris que notre pays est sous des pluies dont l’intensité est quatre fois supérieure aux moyennes de saison ; ce qui a rendu inondations, éboulements, torrents, destructions et morts d’hommes inévitables. Seuls le dérèglement climatique et la force majeure seraient à incriminer !
Ce sont les experts en la matière, les hautes autorités à la météorologie, et les autres organismes universitaires et de la coopération internationale dédiés au climat, qui ont dû être sonnés par l’énormité de cet “affairage” pseudo scientifique !
Car, interrogés, ils disent et répètent que la saison des pluies, en cette année 2024, à l’analyse des relevés hydrométriques, est encore dans la configuration moyenne ; et nous sommes encore en dessous des moyennes de saison qui ne se mesurent pas d’une année à l’autre, mais sur des périodes plus longues ; et des périodes arrêtées à l’aune de critères qui vont au delà du seul territoire ivoirien.
Mais pardonnons ce qui a pu être un chiffre erroné dans le mémo à lui remis par tel ministre qui a dû le faire rédiger à la hâte ; la priorité, désormais, pour les Ministres, est d’être inscrits au tableau d’honneur et aux félicitations que le principal du lycée de l’Emergence a l’art de célébrer lui-même, avec sa patine propre, en ces jours de grande distribution des prix devant la Côte d’Ivoire et le monde entier !
Ensuite, le Président Alassane Ouattara nous a appris que la Côte d’Ivoire doit se féliciter et s’enorgueillir d’être, sous sa houlette, la 9ème économie du continent africain, et la 2ème d’Afrique de l’Ouest !
Mais,diantre, il s’agit là de données qui ne portent aucune signification ni orientation particulière, puisque l’on n’a pris en considération que le seul Produit Intérieur Brut, tel qu’il se présente !
C’est un élément statistique qui sert de base ou de point de départ à de nombreux autres ratios, calculés à partir de la population totale, de la pyramide des âges, du nombre de citoyens en âge de travailler, des populations des villes et des zones rurales, de la division des tâches entre agriculture, élevage, artisanat, industrie, transports, etc… etc …
Tout cela pour vous dire, Ivoiriennes et Ivoiriens, que lorsque, comme c’est le cas, l’on veut se référer au Nigéria, pays où il faut avoir à l’esprit que le chiffre non officiel mais plus que probable de la population est de 250 millions d’individus, établis sur un espace 3 fois supérieur à celui de la Côte d’Ivoire, il faut évoluer avec prudence et discernement.
Car, surtout, le Nigéria produit 2,5 millions de barils de pétrole par jour, contre 200.000 en Côte d’Ivoire ; c’est le dixième !
Le Nigéria constitue à lui tout seul une entité à part dans l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest ; des experts recommandent même de le classer à part, pour que les statistiques comparatives puissent garder équilibre et sens.
C’est un simple état de fait, et cela ne porte aucun indice de performance d’un côté comme de l’autre.
Les classements qui méritent d’être signalés aux populations sont ceux qui portent sur des données qui traduisent de grands efforts, des sacrifices ou des performances dans l’organisation et la conduite de l’économie d’un pays.
Que la Côte d’Ivoire se situe à la 9ème place des économies du continent africain est à prendre juste comme un repère, un point de départ, pour des spécialistes en études économiques ou statistiques ; cela ne veut pas dire que la Côte d’Ivoire est bien ou mal gérée, ou qu’elle a fait des pas en avant ou en arrière.
Nous pensons même que si, dans son ensemble, le pack économique global de la Côte d’Ivoire devait être classé en 9ème position en Afrique, après intégration des paramètres du dynamisme, de la créativité, de la qualité des ressources humaines et du rendement du travail, les Ivoiriens devraient en être amers et frustrés ; ils seraient fondés à considérer que leur pays a fait du sur place, ou, a même reculé, par rapport aux espoirs qu’il hebergeait à l’époque du fameux << miracle économique ivoirien >> d’il y a 5 décennies.
Pour nous résumer, nous dirons que le Président Alassane Ouattara a développé avec désinvolture des pavés creux aux Ivoiriens ; comme si, pour lui, il était acquis que leur niveau général de formation et de réflexion ne dépassait pas le milieu des classes secondaires.
Il a, lui, le niveau de formation que tout le monde lui reconnaît, surtout à l’international. Mais il sait très bien que la Côte d’Ivoire regorge de centaines et milliers de citoyens qui sont familiers de l’économie et de la gestion de la chose publique. Que s’est il donc passé ? Que lui aurait coûté de reporter cette adresse ? Le mal est il à chercher du côté des Ivoiriens ou de lui-même ?
La seconde observation, qui nous a mis mal à l’aise, a été le fait qu’il semblerait que, dans l’ensemble de sa prise de parole et de ses postures, ce 18 juin 2024, au Sofitel Ivoire, le Président Alassane Ouattara n’a eu pour souci que de bien montrer à tous, en Côte d’Ivoire comme au delà, qu’il est le grand et glorieux monarque d’un royaume/empire qui est totalement sa chose propre et acquise.
A tel point qu’à la place du message sur l’état de la nation, qui prédispose sérieux et solennité, face aux deux assemblées du parlement, à la nation et au monde entier, l’on a vu arriver un orateur comme tiré de son lit, pour une intervention au pied levé, surfant sur des thèmes qu’il devait compiler à partir de mémos remis à l’entrée de la salle par son protocole.
Un monarque généreux et munificent qui, rassasié de gloire, consent à y élire ses proches collaborateurs, d’ailleurs tous soucieux et attentifs d’être cités pour l’applaudimètre !
Mais le rubicon est franchi lorsque ce grand monarque consent à revenir au micro, discours terminé, pour apaiser les craintes et rythmes cardiaques de tout un chacun !
Ouattara le Bon rassure : il faut que tous entendent de sa bouche que ce qu’ils attendaient – sera servi au prochain épisode…surtout qu’il sait déjà de quoi il s’agit.
Ce n’est pas le Président Houphouet Boigny qui aurait pu, en un tel contexte, réduire ainsi la Côte d’Ivoire en république bananière au plus haut de sa splendeur !
Nous pouvons même estimer que le Président Alassane Ouattara de 2010 à 2022 portait son costume d’autorité avec un sentiment de fierté et de dignité qui ne l’aurait jamais conduit à descendre si bas dans ce marigot !
A ce niveau, et comme nous l’impose la sagesse de régence en Afrique, c’est vers le cercle rapproché, vers le pré carré, qu’il convient de tourner le regard muet de l’inquiétude des Ivoiriens, qui ont leur destin entre ses mains pour encore plus d’un an.
Que les initiatives soient prises, par les entités et ceux auxquels cela revient, car le malaise, ce 18 juin 2024, au Sofitel, n’a épargné personne !
Tant il est sûr que l’on peut passer très rapidement de la non assistance à monarque en danger à SOS pour pays au bord du sinistre !
Que le Tout Puissant bénisse la Côte d’Ivoire !
Fait à Abidjan, le 26 juin 2024
Le Président du MFA
KOBENA I ANAKY
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