Un synode consacré à l’avenir de l’Église catholique, intitulé « Assemblée pour l’examen des enjeux de la vie ecclésiale à tous les niveaux », s’est tenu au Vatican du mardi 1er octobre au dimanche 27 octobre 2024. À cette occasion, l’Église de Rome a enfin reconnu sa responsabilité dans la déshumanisation des populations noires, en admettant son rôle dans la conception et la diffusion du racisme, notamment par le biais de l’interprétation erronée de l’histoire biblique de la malédiction de Cham, utilisée pour justifier les terribles tragédies qui ont marqué l’Afrique et dont les séquelles restent visibles.
Pendant des siècles, l’Église a adopté une attitude de déni face à cette réalité douloureuse. En 1992, au Sénégal, le pape Jean-Paul II avait formulé une demande de pardon pour l’esclavage, sans toutefois reconnaître l’implication de l’Église catholique dans cette entreprise inhumaine. Plus récemment, lors de sa visite en République Démocratique du Congo en 2023, le pape François a dénoncé le racisme anti-Noir, mais n’a pas abordé la participation de l’Église dans la chosification des populations noires qui a permis la traite négrière, l’esclavage et la colonisation.
Pourtant, l’action de l’institution religieuse dans ces drames historiques ne fait plus l’ombre d’un doute. Le pasteur Roger Buangi Puati, auteur du livre Christianisme et traite des Noirs, indique que les églises ont longtemps offert une caution morale à la traite et à l’esclavage. Selon lui, l’influence de l’Église était considérable aux 16e, 17e et 18e siècles, même auprès des souverains. Il ajoute : « Si l’Église avait tenu un discours plus humain, plus prophétique, l’histoire aurait pu suivre un tout autre chemin. »
La préface de l’ouvrage Religions et colonisation, dirigé par Dominique Borne et Benoît Falaise, examine la complicité des institutions religieuses dans l’expansion coloniale : « La colonisation – ses causes, ses effets et ses suites – suscite aujourd’hui de grandes controverses. Curieusement, la place des religions dans ce phénomène est souvent occultée, alors même qu’elles ont joué un rôle essentiel. Le christianisme, religion des colons européens, s’est-il contenté d’accompagner le sabre des conquêtes et les vaisseaux des marchands ? Comment le protestantisme et le catholicisme ont-ils réagi aux violences portées contre les peuples autochtones, à l’expression des différences culturelles, et au projet “civilisateur” de la République laïque et anticléricale ? », peut-on lire.
Le cardinal Michael Czerny, dans un discours prononcé au nom du pape François, a avoué que l’Église a contribué à la dévalorisation des personnes asservies : « Nous avons manqué à notre devoir de respecter la dignité de chaque être humain en participant à leur exploitation et en les discriminant. Je pense tout particulièrement aux peuples indigènes. Pour les fois où nous avons été complices de systèmes favorisant l’esclavage et le colonialisme, nous reconnaissons notre responsabilité », a-t-il déclaré.
Ce discours marque un tournant significatif dans l’histoire de l’Église catholique. L’Institution a enfin reconnu son rôle actif dans ces crimes contre l’humanité. Elle offre ainsi une confession publique qui ouvre la voie à une analyse plus poussée et à des actions concrètes pour réparer les torts.
Il convient de rappeler qu’en 1452, le pape Nicolas V, par la bulle Dum Diversas, a accordé au roi du Portugal le droit de réduire en esclavage et d’exploiter les peuples d’Afrique. Cette autorisation a été réaffirmée en 1455 par la bulle Romanus Pontifex, qui établissait un cadre moral et juridique pour l’esclavage et la colonisation. Ces décisions pontificales ont joué un rôle déterminant dans le développement de la traite négrière transatlantique, en fournissant une caution religieuse à l’asservissement de millions de personnes.
Cependant, il est important de souligner que l’Église catholique n’est pas seule à porter une responsabilité historique dans la déshumanisation des Noirs. L’islam a également été impliqué. En se basant sur des interprétations déformées de certains récits religieux, des acteurs du monde arabe ont organisé la traite des Noirs et les ont réduits en esclavage pendant des siècles
Cette réalité, souvent occultée, mérite aujourd’hui d’être reconnue avec courage. En effet, le système esclavagiste qui perdure en Mauritanie et au Soudan, ainsi que la négrophobie qui subsiste au Maghreb trouvent leurs origines dans des traductions erronées de textes religieux.
Cette réalité, souvent occultée, mérite
aujourd’hui d’être reconnue avec courage. En effet, le système esclavagiste qui perdure en Mauritanie et au Soudan, ainsi que la négrophobie qui subsiste au Maghreb, trouvent leurs origines dans des traductions erronées de textes religieux.
Il est crucial que toutes les confessions religieuses assument leur part de culpabilité dans ces injustices du passé et celles du présent, afin de bâtir un avenir fondé sur la justice et la réconciliation.
Axel Illary