Évoquer le journalisme culturel en Afrique noire, principalement francophone, revient souvent à se concentrer sur la sphère du show-business. La place accordée à la culture dans les médias généralistes est restreinte et les activités liées au show-biz dominent largement. À la télévision, à la radio et dans la presse, parler de culture se résume fréquemment à aborder des sujets où la musique occupe une place prépondérante, éclipsant ainsi les autres formes d’expression culturelle.
Tout laisse à penser que les journalistes culturels sont enfermés dans la routine, malgré la richesse culturelle foisonnante du continent et leur rôle fondamental dans le développement humain.
L’Afrique noire, berceau de l’humanité et de la civilisation, a vécu des événements dramatiques au cours de son histoire qui l’ont profondément déshumanisée. Les traumatismes de la traite négrière, de l’esclavage et de la colonisation ont laissé des marques indélébiles sur les sociétés contemporaines. Pendant des siècles, des millions d’Africains ont été capturés, déportés et réduits à l’état de marchandise. Cette tragédie, initiée par la traite négrière, a non seulement détruit des vies, mais a également fragilisé les fondements des sociétés africaines. À travers la chosification et l’exploitation brutale, une vision négative de l’Afrique a été imposée, et sa culture a été dévalorisée.
En effet, le dénigrement de la culture africaine par les envahisseurs européens et arabes a constitué un volet essentiel de cette entreprise de domination. L’Afrique a été réduite à l’état de « terre sans histoire » et de « continent primitif ». L’imposition de la civilisation occidentale comme modèle supérieur a déprécié les systèmes de pensée, les arts et les savoirs africains. Les colons ont introduit une éducation qui visait à effacer les racines culturelles locales, prônait l’assimilation à des modèles étrangers et réduisait les traditions à des pratiques barbares.
Ainsi, l’éducation occidentale et l’éducation arabe ont été de puissants outils d’aliénation culturelle. Les langues africaines ont été marginalisées, tandis que les langues des colonisateurs sont devenues les seules valorisées. L’introduction forcée de la religion, des valeurs et des structures sociales étrangères a davantage exacerbé ce phénomène. Dans les manuels scolaires, l’histoire de l’Afrique a été falsifiée, les réalisations des civilisations antiques ont été occultées.
Les conséquences de cette subordination culturelle ont été tragiques et perdurent aujourd’hui encore. Parmi ces répercussions figurent la perte de la confiance en soi et le déclin de l’estime de soi au sein des populations africaines.. Beaucoup d’Africains se sont éloignés de leurs racines pour embrasser des valeurs étrangères jugées « modernes ». Ils ont adhéré à la culture européenne ou arabe, perçue comme plus avancée, au détriment de leur propre héritage. De nos jours, on observe cette fracture dans la manière dont la culture africaine est perçue et valorisée, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du continent.
Face à cette situation alarmante, l’Union africaine et l’Unesco ont entrepris la rédaction de l’Histoire générale de l’Afrique pour combler l’ignorance généralisée concernant le passé du continent. Ce projet ambitieux, qui a mobilisé pendant plus de trente ans plusieurs centaines de spécialistes venus des quatre coins du monde, a abouti à la publication de onze volumes à ce jour. Par ailleurs, les chefs d’État africains ont adopté la Charte de la Renaissance africaine, un document dont l’objectif est de libérer l’Afrique de l’hégémonie étrangère et de restaurer sa dignité. Au nombre de ses recommandations, se trouve l’introduction de l’Histoire générale de l’Afrique dans les programmes scolaires.
Un des objectifs majeurs de cette renaissance réside dans la libération spirituelle. Cet ouvrage permet ainsi aux peuples africains de découvrir la place primordiale de l’Afrique dans l’élaboration des concepts religieux. D’après cette publication, « la religion peut être considérée comme l’une des contributions philosophiques majeures de l’Égypte ». De plus, « l’influence religieuse égyptienne sur certains aspects des croyances gréco-romaines est particulièrement évidente pour l’historien, comme en témoigne la popularité de la déesse Isis et de son culte dans l’Antiquité classique. »
Autrement dit, l’Afrique a été un foyer d’influence pour de nombreuses sociétés, en particulier le monde gréco-romain, considéré comme le cœur de la civilisation occidentale. Cela indique éloquemment que l’histoire et la culture africaines sont d’une richesse incommensurable. Par conséquent, les journalistes culturels africains disposent d’un trésor inépuisable. Il leur revient désormais de franchir le pas, de s’affranchir de l’héritage de la colonisation, afin de se réapproprier leur patrimoine et de jouer un rôle actif dans l’émancipation de leur peuple.
Axel Illary
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