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    La Liberté d'Informer

    L’urgence d’appliquer la Charte de la Renaissance culturelle de l’Afrique afin de promouvoir l’unité et la paix sur le continent

    ByLa Dépêche d'Abidjan

    Fév 2, 2025

    La Renaissance culturelle de l’Afrique est un projet ambitieux porté par l’Union africaine, visant à revitaliser et valoriser la culture africaine, longtemps dénigrée par les colonisations arabe et occidentale, et qui continue de nos jours à être reléguée au second plan face à l’hégémonie culturelle étrangère. Cette marginalisation persistante représente un obstacle majeur pour l’unité du continent. Les recherches menées par des figures de proue comme Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga mettent en évidence l’existence d’un socle culturel partagé, qui s’exprime sous diverses formes. Ainsi, leurs travaux aident à dépasser les divisions ethniques et géographiques pour renforcer la stabilité de l’Afrique.

    L’unité culturelle de l’Afrique noire 

    Cheikh Anta Diop, l’un des plus grands penseurs africains du 20e siècle, a démontré dans son ouvrage L’Unité culturelle de l’Afrique noire que les peuples noirs, bien qu’ayant des coutumes diverses, partagent une culture originelle. Selon lui, l’Afrique noire représente un ensemble homogène de pratiques et de valeurs qui trouvent leurs racines dans une civilisation initiale. Il affirme que la diversité apparente des peuples africains est en réalité une variation de ce patrimoine, qui se manifeste sous plusieurs formes et dans des contextes différents, à travers des éléments tels que l’art, les croyances, la gastronomie, les modes vestimentaires, les pratiques spirituelles, les rites de passage, les mariages, les funérailles, l’architecture, etc.

    Les langues négro-africaines : Une origine commune 

    Le professeur Théophile Obenga expose une position similaire dans son ouvrage Origine commune de l’égyptien ancien, du copte et des langues négro-africaines modernes. À la suite de Cheikh Anta Diop, il met en lumière le fait que toutes les langues d’Afrique noire, y compris l’égyptien ancien et le copte, ont une origine commune.

    Faut-il le rappeler, la thèse de l’unité culturelle de l’Afrique noire a été validée lors du colloque sur l’Égyptologie, qui s’est tenu au Caire en 1974 sous l’égide de l’UNESCO. Des chercheurs venus du monde entier ont alors accepté l’idée que les langues négro-africaines modernes et les langues de l’Égypte antique proviennent d’une même racine linguistique, et que les Égyptiens noirs et le reste de l’Afrique noire représentent un même peuple.

    Unité et paix 

    Les Africains noirs possèdent donc une base linguistique commune. La mise en avant de cette découverte leur permettra de se rapprocher, car la langue, en tant qu’outil de communication et de transmission des savoirs, joue une fonction cruciale dans le renforcement de la concorde et dans la lutte contre les clivages qui génèrent des fractures.

    Il est essentiel de surmonter les séparations causées par la colonisation, comme les frontières tracées lors de la conférence de Berlin, qui ont divisé l’Afrique, afin de construire des sociétés fondées sur des valeurs fondamentales.

    Les travaux de Cheikh Anta Diop et de Théophile Obenga, qui soulignent l’unité du peuple noir, montrent que la renaissance culturelle est un moyen de bâtir un avenir commun, un instrument puissant pour renforcer la cohésion et favoriser l’émergence d’une identité forte. En prenant pleinement conscience de leur héritage, les Africains parviendront à transcender les tensions ethniques et régionales qui alimentent les conflits sur le continent.

    La formation de fédérations : Un grand pas vers l’unification du peuple noir

    L’unité culturelle de l’Afrique, telle que démontrée par Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga, ouvre la voie à une réflexion sur l’intégration politique du continent. L’une des pistes proposées est la formation de fédérations régionales ou d’une fédération continentale. Cela  permettra de lever les frontières coloniales, qui ont souvent exacerbé les tensions et les affrontements. En créant une ou plusieurs structures politiques collectives, les pays africains favoriseront une coopération renforcée, par exemple dans les domaines de la sécurité, de l’économie et de la culture.

    Bien que des organisations régionales, telles que les communautés économiques régionales, et l’Union africaine, l’organisation continentale, existent déjà, il est désormais crucial de progresser vers un fédéralisme concret. Dans Les Fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique noire, Cheikh Anta Diop avance que le fédéralisme politique constitue la solution pour réparer les fractures causées par la colonisation. Il plaide pour une fédération continentale, mais reconnaît que la mise en place de fédérations régionales pourrait constituer une étape essentielle vers cette unification plus large. Le savant écrit : « Il faut faire basculer définitivement l’Afrique noire sur la pente de son destin fédéral. Rien que l’Afrique occidentale fédérée possède un potentiel économique supérieur à celui de la France et de l’Angleterre réunies, c’est-à-dire à celui des nations qui nous menacent de sanctions économiques. »

    Comme le démontre l’exemple du Nigeria, des fédérations régionales peuvent être des modèles fonctionnels qui, par la suite, pourraient être étendues à l’échelle du continent.

    En effet, l’abolition des cloisons imposées constitue un moyen efficace de parvenir à un peuple uni.

    Fédéralisme et Renaissance africaine : L’héritage de Nkrumah et Mbeki

    Il est important de souligner que Kwame Nkrumah, ancien président du Ghana, a inscrit le fédéralisme africain comme une pierre angulaire de son projet d’unification pour le continent. Fervent défenseur de l’intégration africaine, il aspirait à instaurer une fédération capable de briser les barrières héritées de la colonisation. Pour lui, cette union représentait une solution politique, mais aussi une nécessité économique et culturelle indispensable à la souveraineté et à la prospérité des nations africaines. Auteur du livre L’Afrique doit s’unir, Kwame Nkrumah a par ailleurs inspiré plusieurs initiatives régionales, telles que la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1963, qui représente une étape importante vers la réalisation de son rêve d’unité.

    Toutefois, le fédéralisme ne se limite pas à une union politique ; il implique la valorisation du patrimoine culturel et historique, d’une importance capitale pour la reconstruction de l’identité de l’Afrique noire.

    C’est en mettant en avant cette culture commune que le continent dépassera les scissions héritées de l’histoire coloniale pour ouvrir un avenir bâti sur une solidarité accrue.

    Dans cette optique, l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki a fait de la Renaissance africaine l’un des piliers de sa politique et de son ambition pour le continent.

    Il a popularisé ce concept dès 1996, en particulier à travers son célèbre discours « I Am an African », prononcé le 8 mai lors de la cérémonie d’adoption de la nouvelle Constitution de l’Afrique du Sud. Cette intervention a marqué un moment décisif dans l’histoire post-apartheid du pays.

    Son engagement pour la Renaissance africaine s’est manifesté, entre autres, par son choix en faveur des solutions africaines face aux problèmes de l’Afrique et par son opposition à l’intervention occidentale dans les affaires du continent.

    De ce fait, il a joué un rôle clé dans la médiation de plusieurs conflits, notamment au Burundi, en République démocratique du Congo (RDC), en Côte d’Ivoire et au Soudan (Darfour). Sa démarche s’inscrit dans la vision du professeur Molefi Kete Asante, qui soutient que « l’Afrique n’a pas pour vocation de devenir l’Europe. L’Afrique doit redevenir l’Afrique. »

    Axel Illary

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