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    La Liberté d'Informer

    Côte d’Ivoire – De l’État à la Nation : Un parcours inachevé

    ByLa Dépêche d'Abidjan

    Fév 12, 2025

    Ivoiriennes, Ivoiriens, chers Amis !

    Tous les partis politiques et candidats étant dans la fièvre de précampagne pour l’élection présidentielle d’octobre 2025, nous demeurons tous dans l’attente impatiente des projets de société et programmes de gouvernement définitivement validés par les différents états major. Ces documents constituent la partie la plus importante des dossiers à déposer par tous les candidats.
    La semaine dernière, nous nous sommes permis d’attirer l’attention des idéologues et stratèges politiques des futurs candidats sur la nécessité pour la Côte d’Ivoire, de revoir du tout au tout l’organisation de son espace territorial.
    Ceci, en adoptant une formule d’état fédéral ou semi fédéral strictement à adapter notre pays, en ses frontières et à ses populations. Une telle option conduirait à ouvrir de nouvelles voies à notre approche du développement de notre tissu économique qui collerait aux réalités concrètes de nos régions et de leurs populations ainsi mieux prises en compte dans leurs diverses composantes. En même temps qu’un grand pas serait ainsi franchi vers une Côte d’Ivoire socialement et politiquement apaisée, où le vivre ensemble harmonieux ferait loi. Nous y reviendrons.
    Nous allons vous proposer ce jour un sujet qui procède grandement du bon sens le plus commun et qui se dilue et s’évapore dans les consciences. Nous sommes tous convaincus que notre âme en est empreinte. C’est le sujet de la nationalité ivoirienne. Soyez rassurés : nous n’aborderons pas ce thème pour creuser un sillon entre ceux qui l’auraient et les autres.
    Prenons la nationalité comme simple étiquette apposée sur tout ce qui compose notre spécificité à nous, à côté de la multitude des étiquettes ou griffes qui caractérisent les autres habitants de la planète.
    Des dirigeants politiques de notre pays ont eu la juste inspiration, il y a déjà plus de trois décennies, d’y dénoncer une évidente faiblesse dans le déroulé de la constuction de notre jeune pays ; mais la cause tourna en vrille et fut rapidement enterrée, tant l’infrastructure de communication qui devait la porter se révéla faible face à la broyeuse des forces politiques antagonistes.
    Cependant, un simple regard sur les récents développements socio politiques dans un nombre croissant de pays, sur les quatre continents, oblige les Ivoiriens, et, surtout, ceux qui aspirent à les diriger, à remettre ce souci à l’ordre du jour.
    Un nouveau courant de ferveur nostalgique, se rechargeant dans des pans emblématiques de l’histoire des différents états, gagne du terrain, partout dans le monde. Et ce grand retour à l’idée de nation semble être la réponse qui jaillit partout, en opposition au mythe de la “mondialisation” qui a tout dominé depuis 5 ou 6 décennies.
    Aujourd’hui, en Europe Centrale et de l’Ouest, ce sont les partis politiques se déclarant populaires, ou souverainistes, en d’autres termes ultra nationalistes et d’extrême droite, qui sont devenus les dominants dans les coalitions qui accèdent au pouvoir ; désormais, même étiqueté <<extrême droite >>, l’on devient fréquentable.
    Qui aurait pu imaginer, il y a seulement dix ans, qu’un parti politique dont les leaders et porte parole affirment haut et fort que Adolf Hitler a positivement œuvré pour redresser l’Allemagne d’après la crise de 1929, approcherait du pouvoir et aurait des Ministres au gouvernement ? Les appels à manifester contre ce nouveau courant, bien que massivement suivis, ne peuvent occulter le phénomène, et sonnent comme des lamentations désespérées et inutiles.
    Et, il y a trois jours, les partis de l’extrême droite européenne ayant des élus au Parlement Européen se sont retrouvés en concertation à Madrid ; il y avait en vedette la France et la Hongrie, avec l’Espagne et l’Italie. Le thème de leur sommet, << redonner sa splendeur à l’Europe >>, invitait le monde entier à accorder toute la considération requise au retour au pouvoir, aux USA, des Républicains et de Donald Trump, sous le même slogan.
    Et le chapelet de décrets de Trump ne laisse aucun doute sur la nouvelle grande direction des programmes politiques sur la planète ; priorité sera donné au fait << national >> et aux intérêts des peuples de chaque pays. Il conviendra de les défendre et privilégier, d’abord et avant tout.
    Les grandes puissances reconnues que sont l’Inde, la Chine, les deux Corée, le Japon, en Asie du Sud Est, sont toutes sous l’autorité de gouvernances qui sont à tout le moins acquises à ce grand principe de préférence et prééminence nationale, souvent de très longue date.
    En Afrique Noire, le fait national est souvent le terreau sur lequel ont poussé les états depuis les années de lutte pour l’indépendance et la souveraineté, et c’est une rare conjugaison de circonstances géopolitiques et historiques qui ont valu que la Côte d’Ivoire se retrouve aujourd’hui être l’un des rares pays où ce sujet puisse valoir débat à porter sur la place publique.
    L’on pourrait, entre autres, citer :
    a/ La position géographique de la Côte d’Ivoire, en plein centre du grand espace ouest africain.
    b/ La relative abondance des forêts et savanes propres à toutes les cultures, et même hier à la cueillette, ce qui a favorisé l’entrée et l’accueil, sans belligérance, de populations de toute cette même aire.
    c/ Le grand brassage de peuples aux langues et coutumes diverses s’etendant dans la durée, mais sans qu’il y ait, au niveau des royaumes et chefferies hôtes, une quelconque nécessité d’imposer aux arrivants de se fondre au préalable dans un moule socio ethnique et culturel déjà défini.
    d/ Les 5 grands groupes socio-ethniques, maîtres des terres ivoiriennes, et qui faisaient bon accueil aux arrivants, n’avaient pas encore eu la longueur de temps historique pour se forger une identité nationale commune et unique, avant que le fait colonial ne vienne tout stopper et réorienter.
    e/ Le fait que, sur le territoire ivoirien, il ne se soit pas trouvé une grande langue comprise et parlée de tous, et que le Français ait été naturellement adopté comme véhicule de communication par tous, au delà même de ce que le colonisateur pouvait espérer, alors que le Sénégal avait le Wolof, les pays alentours et le Soudan, le Mandingue, la Haute Volta le Moré, le Niger le Haoussa/Djerma, le Ghana et le Togo voisins le Twi, etc…
    A son indépendance officielle donc, en 1960, la Côte d’Ivoire est l’un des nouveaux états à présenter, du strict point de vue de “concept national”, la trame la plus faible ; et, ironie de l’histoire, le fait que la souveraineté nationale ne fut pas arrachée au colonisateur d’hier par une guerre de libération, a aggravé ce vide.
    Les autres pays, ex colonies, n’eurent presque tous pas de conflit armé à mener, mais leur passé avait déjà assuré des structures et autorités traditionnelles fondant leur nation, bien avant la colonisation de la fin du 19e siècle.
    Le Sénégal et la Mauritanie avaient eu leurs grands leaders politiques et religieux, le Soudan ou Mali de grands empires, la Haute Volta est toujours sous la haute autorité morale du Mogho Naba, la Côte de l’Or (Ghana) a vu l’empire Ashanti s’établir depuis le 17e siècle, etc, etc…
    C’est l’autorité centrale faisant référence et autorité suprême que la Côte d’Ivoire n’a pas eu le temps de voir se construire avant la rupture du cours de son histoire que fut la colonisation.
    Nous sommes donc contraints, en Côte d’Ivoire, et, en ce début de 3e millénaire, de regarder notre destin et notre histoire bien en face, pour réfléchir et proposer des corrections à ce qui constituera forcément, à terme, un lourd handicap pour le développement de notre pays et sa force dans le concert des nations.
    Le long fleuve qui porte l’histoire des hommes et des pays n’arrête pas de s’écouler, mais son cours peut être infléchi lorsque c’est par un accord collectif qu’on lui dresse des digues et des barrages.
    La Côte d’Ivoire, dès que ses dirigeants politiques, traditionnels et religieux, s’accorderont tous sur le fait qu’elle est inachevée comme nation, n’aura besoin que de 2 à 3 décennies pour effacer cette tare ; et cela devrait se faire encore plus aisément avec les atouts que constituent l’assise des autorités traditionnelles reconnues et admises de tous, la volonté encore palpable de tous ceux venus d’ailleurs de ne faire qu’un avec leurs hôtes, et la figure historique nationale de Félix Houphouet Boigny, le premier Président de la République, un terreau fertile où, paradoxalement les attentions et regards se portent encore assez peu.
    Et, pour couronner ce tout, la Côte d’Ivoire regorge de talents en arts, musique, danse, théâtre, cinéma, poésie, et leur lyre entonne déjà la chanson de notre nation dans cette belle langue en devenir qui est notre nouchi national.
    – Que vienne et vive une nation Ivoirienne !
    Fait à Abidjan, le 12 février 2025
    Le Ministre Kobena I. ANAKY 
    Président du MFA
    Retrouvez La Chronique du Président Kobena I. ANAKY tous les mercredis sur www.ladepechedabidjan.info
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