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    La Liberté d'Informer

    Traite négrière, esclavage, colonisation :  Claudy Siar dénonce le silence des médias africains face à une décision historique

    ByLa Dépêche d'Abidjan

    Mar 29, 2025

    Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, le journaliste et militant panafricaniste Claudy Siar a exprimé son indignation face au traitement médiatique insuffisant d’une décision historique de l’Union africaine. Connu pour son engagement en faveur de l’émancipation du peuple noir, il dénonce le manque de mobilisation des médias africains après la condamnation officielle de la traite négrière, de l’esclavage et de la colonisation en tant que crimes contre l’humanité, pour lesquels l’organisation continentale exige des réparations. Pour Claudy Siar, cette faible couverture médiatique reflète un déficit de conscience historique et empêche les populations africaines de mesurer pleinement l’impact de cette avancée.

    « Le 16 février dernier, à Addis-Abeba, s’est tenue une réunion générale de l’ensemble des membres de l’Union africaine, et il y a eu un vote historique. Un moment extraordinaire. L’Afrique s’est saisie d’un pan de l’histoire de l’humanité, et j’ai envie de dire en particulier d’un pan de l’histoire de l’humanité qui la concerne au premier chef.

    Un vote est intervenu, qui qualifie l’esclavage et la colonisation de crimes contre l’humanité. Et je voudrais m’adresser à mes confrères des médias sur le continent. Vous vous rendez compte ? Lorsque les pays occidentaux légifèrent sur des choses qui nous concernent, tout le monde en parle.

    Lorsqu’il s’agit de l’Afrique qui, enfin, écrit une page de l’histoire, s’approprie, pour ne pas dire, et légitimement se réapproprie un moment que nous devons traiter de façon historique avec des historiens, des politiciens, des gens de médias, avec les peuples en général, personne n’en parle.

    Là, c’est passé inaperçu. Mes consœurs et mes confrères, vous n’avez pas parlé de ça. Certains l’ont fait, mais c’est tellement peu que le peuple lui-même n’est même pas au courant. Vous vous rendez compte ? L’Afrique a enfin compris qu’il fallait qu’il y ait, de façon très claire, une qualification, donc quelque chose qui concerne le continent, quelque chose d’officiel. L’esclavage, la déportation des Africains et la colonisation sont des crimes contre l’humanité. Et ça, c’est mon combat depuis 25 ans. Moi, j’étais heureux, ému aux larmes, à ce moment-là.

    Merci au Togo, puisque c’est le ministre Robert Dussey, ministre des Affaires étrangères, qui était à la tribune, parce qu’ils ont mené ce combat-là, mais aussi parce que tout le monde était d’accord.

    Et vous, médias, vous n’en parlez pas ? Mais ça aurait dû être des moments de débats extraordinaires, extraordinaires ! Lorsque, par exemple, il y a eu la conférence de Berlin en février dernier, donc les 140 ans pour commémorer et surtout rappeler ce que fut cette conférence qui a morcelé l’Afrique, puisque les Européens ont agi comme des voyous. (…) Personne n’en a parlé. Après, vous venez me parler de souveraineté, de souveraineté monétaire, de souveraineté militaire. Mais vous pensez que vraiment l’argent achète la souveraineté, même si je suis évidemment pour sortir des monnaies coloniales ? Il n’y a même pas de débat là-dessus. Mais vous pensez que c’est l’argent qui achète la dignité ? Ce n’est pas l’argent qui achète la dignité, c’est notre capacité à dire, à être et à faire.

    Incroyable. Franchement, moi, ça m’a sidéré. J’ai pris mon temps, j’ai regardé, j’ai attendu, je n’ai rien vu. Nous sommes le 29 mars. Vous vous rendez compte ? Personne n’en parle. Ça aurait dû être historique. Ça aurait dû faire l’ouverture des journaux télévisés. Ça aurait dû être débattu dans des émissions de talk-show à la radio, à la télévision.

    Dire enfin : l’Afrique écrit l’histoire. Elle ne laisse pas les autres la raconter. Parce que jusqu’à maintenant, ce sont uniquement les pays occidentaux qui disent : ” Oui, l’esclavage est un crime contre l’humanité. Oui, nous avons commis un crime contre l’humanité. ” Et l’Afrique s’en fout de tout ça. Heureusement que nous, Afro-Caribéens, avons vraiment mené ce combat-là. C’est pour ça qu’on est arrivés à avoir une loi en France.

    Et l’Afrique ? Et maintenant que l’Afrique est dans ce combat-là, les gens de médias, personne ne dit rien. Elle est là, l’inconscience.

    Donc, le jour où vous voudrez parler vraiment de panafricanisme, d’Africains progressistes, de volonté de développer notre continent, de volonté de changer l’éducation pour les populations, pour les jeunes en particulier, vous viendrez me voir.

    En attendant, moi, je vois beaucoup d’inconscience, beaucoup d’inconséquence. Et les engagements des uns et des autres, c’est souvent du blabla. Mais on n’ose pas, parce qu’on a peur. On a peur pour sa carrière. On a peur de ce qu’on va dire de nous. On a peur pour notre image. On a peur… On a peur de notre ombre, en réalité.

    Franchement, ça fait honte. Enfin bon, en tout cas, bravo aux États qui, enfin, nous permettent de franchir un pas, même s’il reste beaucoup de combats à mener, beaucoup de combats sociaux pour les populations, pour qu’elles vivent mieux.

    Mais merci, en tout cas, à celles et ceux qui ont engagé le combat, et pour qui je dis : honneur et respect. »

    Transcription : Axel Illary

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