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    Présidentielle ivoirienne 2025 : Maître Ceccaldi fustige une dérive antidémocratique

    ByLa Dépêche d'Abidjan

    Août 4, 2025

    À l’approche du scrutin présidentiel d’octobre 2025, l’avocat Marcel Ceccaldi tire la sonnette d’alarme sur l’exclusion de candidats majeurs et déplore un climat politique tendu. Pour cet ancien conseil de Laurent Gbagbo, la Côte d’Ivoire risque de suivre la pente glissante de ses voisins sahéliens.

    Paris, avenue Victor Hugo. Dans son cabinet feutré du 16e arrondissement, Maître Marcel Ceccaldi accorde un entretien à La Dépêche d’Abidjan. Interrogé sur la situation en Côte d’Ivoire, l’avocat français connu pour avoir défendu Laurent Gbagbo lors de la crise post-électorale de 2010-2011 dresse un tableau sévère de l’évolution politique dans le pays à quelques mois d’une élection présidentielle cruciale.

    « Un scandale d’État » : le procès Gbagbo devant la CPI

    La première partie de l’entretien revient sur la longue procédure judiciaire contre l’ancien président ivoirien. « Huit ans de détention pour finir acquitté. C’est un scandale, le scandale de la CPI », déclare Maître Ceccaldi, rappelant que l’ancien procureur de la Cour, Luis Moreno-Ocampo, a rencontré le président Ouattara après avoir quitté ses fonctions. Une démarche jugée « inconvenante » par l’avocat, qui y voit une compromission politique.

    Pour Ceccaldi, le procès de Gbagbo aurait dû marquer un tournant dans la réflexion africaine sur la justice internationale : « L’Afrique doit prendre ses responsabilités. Le Sénégal l’a prouvé avec l’affaire Hissène Habré. Il est temps de créer une cour de justice africaine compétente et crédible. »

    Gbagbo et Thiam écartés : un coup porté à la démocratie

    Sur le plan électoral, le constat est tout aussi amer. L’exclusion de deux figures importantes de l’opposition, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, de la liste électorale est selon lui un « déni de démocratie ». Il conteste fermement la validité des motifs juridiques avancés.

    Concernant Gbagbo, Ceccaldi estime que sa condamnation pour l’affaire de la BCEAO ne saurait prévaloir sur l’acquittement de la CPI : « Il a été gracié, il bénéficie du statut d’ancien chef d’État, il a perçu les indemnités dues… et pourtant on lui interdit de se présenter. C’est incohérent. »

    Quant à Tidjane Thiam, c’est la question de la binationalité qui bloque sa candidature. « Une fiction juridique », tranche Ceccaldi, qui dénonce un acharnement : « Il est Ivoirien de naissance. Et que dire alors du parcours d’Alassane Ouattara, dont la nationalité ivoirienne a été contestée dans le passé ? »

    Ouattara candidat : un choix par défaut ?

    Le président sortant a confirmé sa candidature pour un nouveau mandat. Un choix que Maître Ceccaldi attribue à l’absence de successeur crédible dans son camp. « Depuis la disparition d’Hamed Bakayoko, personne n’a émergé. Ouattara occupe l’espace faute d’alternative », estime-t-il, en admettant que la candidature de Ouattara permet aux électeurs de s’exprimer.

    Il ajoute toutefois que « permettre aux Ivoiriens de voter librement suppose de leur offrir un véritable choix. Or, si Gbagbo et Thiam sont écartés, il ne reste plus qu’une façade de démocratie. »

    « La Côte d’Ivoire ne doit pas refléter la situation sahélienne »

    Ceccaldi exprime son inquiétude face à l’instabilité politique croissante en Afrique de l’Ouest. Il met en garde contre un possible effet de contagion, soulignant que la stabilité démocratique en Côte d’Ivoire ne doit pas être compromise par les crises qui secouent le Mali, le Burkina Faso ou le Niger. 

    Il cite en contre-exemple le président béninois Patrice Talon, qui, selon lui, « va passer la main sans chercher à modifier la Constitution ». Pour l’avocat, c’est cette maturité politique qu’il faut cultiver à Abidjan, en permettant aux Ivoiriens de choisir entre Gbagbo, Thiam et Ouattara, qui représentent les trois grands courants politiques du pays, selon lui.

    Vers un scrutin à hauts risques

    À mesure que le calendrier électoral avance, les inquiétudes grandissent. Pour Ceccaldi, le pays est à la croisée des chemins : « Soit on garantit un processus inclusif et équitable, soit on entre dans une zone de turbulences dangereuse pour la stabilité régionale. »

    Un appel à la raison

    Pour conclure, l’avocat en appelle à la responsabilité des autorités ivoiriennes. « Gbagbo, Thiam, Ouattara incarnent les trois grands courants d’opinion du pays. Ils doivent tous pouvoir se présenter. Ensuite, ce sera au peuple de trancher. »

    Axel Illary

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