À l’approche du scrutin, Gbagbo et Ouattara se livrent une guerre des mots

Photo : DR
"À ceux qui, tapis dans l’ombre, complotent contre la paix, je rappelle que les forces armées de Côte d’Ivoire seront sans pitié." À moins d’une semaine du second tour de l’élection présidentielle, le général Philippe Mangou durcit le ton. Lundi, le chef d’état-major de l’armée ivoirienne a de nouveau mis en garde tous ceux qui tenteraient d’empêcher la bonne tenue du scrutin de dimanche durant lequel s’affronteront deux hommes que tout oppose. D’un côté, le socialiste Laurent Gbagbo, candidat à sa propre succession sous la bannière de La majorité présidentielle (LMP), crédité de 38,30 % des suffrages au premier tour, le 31 octobre. De l’autre, le libéral Alassane Dramane Ouattara (32,08 %), ancien Premier ministre qui défend les couleurs du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP).

Ce virulent rappel à l’ordre témoigne de la tension de plus en plus vive qui règne dans le pays depuis le lancement officiel, le 19 novembre, de la campagne pour le second tour de scrutin. Ce jour-là, dans le quartier de Cocody, à Abidjan, quelque 300 militants pro-Gbagbo de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) ont affronté à coups de gourdin de jeunes partisans d’Alassane Ouattara. Une vingtaine de personnes ont été blessées, selon la police. Lundi à nouveau, des militants des deux camps se sont violemment accrochés en marge d’un meeting tenu par le président sortant à Adjamé, un quartier populaire d’Abidjan acquis à la cause de l’ex-chef du gouvernement.
Les incidents de ces derniers jours tranchent quelque peu avec le calme qui a prévalu lors du premier tour, le 31 octobre, dont les résultats avaient été accueillis, trois jours plus tard, sans heurts majeurs. Un calme quasi inattendu que la communauté internationale avait mis au crédit de l’attitude responsable des prétendants à la présidence.

Attaques "ad hominem"

Mais, depuis, les deux finalistes ont musclé leurs discours. Engagés dans la dernière ligne droite, Gbagbo et Ouattara n’hésitent pas à user des plus grosses ficelles pour récupérer les 25 % des voix récoltés le 31 octobre par le candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié, arrivé en troisième position…

Lundi, face à ses sympathisants réunis près de la cité universitaire du quartier abidjanais de Williamsville, Laurent Gbagbo n’a pas hésité a accusé son adversaire d’être l’auteur du putsch avorté de 2002 qui a abouti à la partition du pays. "Je suis au second tour face à celui qui a fait tous les coups d’État en Côte d’Ivoire", a lancé le président. Particulièrement à l’aise dans le costume du tribun, le candidat de LMP s’en est également pris à l’alliance nouée entre son rival et Henri Konan Bédié au lendemain du premier tour. "Ce sont des ‘losers’, ce sont d’éternels perdants. Mais ils ne savent pas qu’ils sont dépassés. Le 28 novembre, allons leur expliquer que leur temps est passé et dépassé !", s’est époumoné Laurent Gbagbo sous les vivats de ses supporteurs.

En face, Alassane Ouattara ne fait pas montre d’une plus grande délicatesse. Lors d’un meeting à Abidjan, l’ancien Premier ministre s’est directement adressé à son adversaire. "C’est toi, Laurent Gbagbo, qui a amené la violence à la politique en Côte d’Ivoire !", a-t-il invectivé. Avant de lancer, sans détour : "Tout ce que tu as su faire a été de diviser les Ivoiriens, amener la guerre à la Côte d’Ivoire et piller les ressources avec une tribu et un clan". C’est dire si le débat télévisé auquel les deux rivaux doivent participer jeudi soir sur l’antenne de la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI) ne s’annonce pas des plus courtois…

"Les récents propos tenus par les deux candidats ne laissent pas envisager une perspective heureuse, s’inquiète Drissa Traoré, président du Mouvement ivoirien pour les droits humains (MIDH). Les attaques personnelles qu’ils distillent aujourd’hui dans leurs discours peuvent pousser leurs partisans à passer à l’acte au moment de l’annonce du vainqueur. Nous craignons que la contestation des résultats ne se fasse par la violence plutôt que par la voie juridique."

La partialité des forces de sécurité en question

La véhémence des harangues de campagne des deux candidats n’est cependant pas le seul motif d’inquiétude des observateurs. À l’image de la MIDH, nombre d’ONG demeurent préoccupées par l’impartialité des forces de sécurité. "Lors des échauffourées de vendredi, on nous a rapporté que certains membres des forces de l’ordre avaient protégé des syndicalistes de la Fesci. Or, leur rôle est d’éviter tout affrontement, non pas de défendre l’un des deux camps", reprend Drissa Traoré.

De son côté, le général Philippe Mangou assure que les soldats réquisitionnés pour le second tour, censé mettre un terme à une décennie de crise politico-militaire, garantiront "le bon déroulement de la campagne électorale, du vote et rassureront davantage par leur présence toutes les populations, sans exclusive". Pour parer à toute éventualité, quelque 1 500 éléments des Forces de défense et de sécurité ont été déployés, lundi, dans la moitié nord du pays, sous contrôle des Forces nouvelles (FN, ex-rébellion). À l’inverse, 1 500 soldats des FN doivent être envoyés dans le sud, où ils seront amenés à travailler avec les militaires de l’armée régulière.

Des renforts qui s’ajouteront aux 8 000 membres de la gendarmerie et anciens insurgés nordistes mobilisés depuis le premier tour. Quelque 9 000 soldats de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), assistés de 900 militaires français de l’opération Licorne, sont également à pied d’œuvre dans l’ensemble du pays.

Par France 24

Thu, 25 Nov 2010 03:11:00 +0100

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