juin 3, 2023

Absence du chef de l’Etat à la célébration du 1er mai Mahan Gahé Basile : «Ouattara a peu de considération pour les travailleurs »

Notre Voie : Mercredi prochain, c’est le 1er mai, la fête des travailleurs. Alassane Ouattara, pour la 3ème fois consécutive, sera absent à ce rendez-vous… Quel Commentaire faites-vous ?

Mahan Gahé : Les relations employeurs et travailleurs doivent être des relations saines. Et pour que ces relations soient saines, il faudrait un effort de part et d’autre. C’est-à-dire entre nous, partenaires sociaux. Le gouvernement, les employeurs du privé et tous les syndicats. Que ce soit la Fonction publique ou le privé. C’est cela, les partenaires sociaux. Nous nous devons respect mutuel. Le seul jour de rencontre des partenaires sociaux, c’est le 1er mai. Le seul jour où le chef de l’Etat doit être en symbiose avec les travailleurs, c’est le 1er mai. Je suis triste de constater que le 1er mai, Alassane Ouattara est absent. C’est tous les travailleurs de Côte d’Ivoire qui sont tristes. Le 1er mai, c’est le seul jour où les travailleurs sont en contact avec le chef de l’Etat. C’est ce jour là que le chef de l’Etat profite pour redéfinir sa politique sociale. En nous confiant à un premier ministre, c’est bien. C’est comme si vous allez à des négociations avec un employeur du privé et c’est un chef du personnel qui vous reçoit. Mais ce chef du personnel n’est pas le DG ou le PDG. Ce n’est pas lui qui a établi le programme de fonctionnement de l’entreprise. Il ne peut donc pas décider. Il ne peut qu’affirmer qu’il a pris bonne note et qu’il rendra compte à son DG ou à son PDG. Kablan Duncan, je le respecte beaucoup, mais il rendra compte au chef de l’Etat. Il sera obligé de recourir, de se référer au chef de l’Etat parce qu’il ne peut pas décider seul. Les promesses de campagne de Ouattara n’appartiennent pas à Duncan. En tant que syndicaliste, nous travaillons toujours sur le programme de campagne du chef de l’Etat.

N.V : Vous dénoncez donc un mépris pour les travailleurs ?

M.G : Je ne sais pas ce qu’Alassane Ouattara pense des travailleurs. Qu’est-ce qui est aussi pressé pour qu’il fasse une tournée à l’ouest. Pendant sa campagne électorale de 2010, il a fait des promesses aux travailleurs du secteur public et privé. Le 1er mai est une occasion pour un chef de l’Etat de faire le point de ses promesses sociales. Houphouët-Boigny, même dans sa vieillesse a toujours respecté les syndicats. Il nous a toujours reçus. Il a même offert un bâtiment au bureau international du travail (Bit) à Abidjan. Si ce siège est à Abidjan, cela veut dire que le président Houphouët a toujours respecté les travailleurs et les employeurs. Si ce n’est plus le cas, on risque de voir le siège nous échapper Le président Bédié a toujours placé les confédérations sur un plateau d’or. Il était toujours là, le 1er mai. Même le Général Robert Guéi, celui là même qui était militaire et qui pouvait dire qu’il s’en fout des syndicats a toujours reçu les syndicats. Je ne parlerai pas de Laurent Gbagbo pour qui la situation des travailleurs était au centre de ses priorités. Comme Ouattara banalise les travailleurs, qu’il ne s’adresse plus jamais à eux. Ou bien il veut que les travailleurs s’alignent derrière sa politique sociale. Ce n’est pas normal qu’il ait très peu de considérations pour les forces vives de ce pays.

N.V : Trois ans après la prise du pouvoir par Alassane Ouattara, quel regard jeté vous sur la situation des travailleurs et de l’emploi des jeunes ?

M.G : Rien n’a été fait par Ouattara ! La vie est devenue plus chère. Les jeunes sont toujours au chômage. Dîtes-moi quelles sont les ouvertures de certaines entreprises pour embaucher massivement les jeunes ? Il n’y en a pas ! Depuis la prise du pouvoir par Ouattara, nous sommes toujours dans l’instabilité. Ce qui préoccupe le pouvoir, c’est comment faire pour se réconcilier, commente faire pour que les élections municipales, législatives, des conseils régionaux aient lieu. Alors qu’en réalité, la cherté de la vie est en train de tuer des milliers de personnes. Alors qu’en réalité, l’ivoirien n’arrive plus à se loger, à se nourrir, à se vêtir. Ne parlons même pas de ses loisirs qui sont une vue de l’esprit. C’est vrai qu’Abidjan est en chantier. Mais est-ce que ce chantier embauche les jeunes. Non ! Le Smig est toujours à 36 mille Fcfa. La promesse du Smig à 60 mille Fcfa promis par le gouvernement est un leurre. On s’est permis de diminuer les salaires en augmentant les cotisations à la Cnps. Et c’est sur les salaires de nos camarades du privé. Quand aux enseignants du public, leurs revendications sont légitimes.

N.V : Depuis que Ouattara dirige ce pays, les licenciements abusifs font partie du quotidien des ivoiriens. Que font justement les confédérations syndicales pour arrêter l’hémorragie ?

M.G : C’est une grande préoccupation. Lorsque j’étais en prison à Boundiali, mon adjoint et tout le comité exécutif de la Centrale Dignité ont fait un travail formidable. Malgré mon arrestation, j’ai toujours lu leur déclaration. Ils ont dénoncé la cherté de la vie, tous ces licenciements abusifs. C’est lorsque je suis sorti de prison que j’ai entendu le mot rattrapage. On m’a fait savoir que c’est lorsqu’on remplace certains par d’autres originaires du nord. Je me suis demandé si certains sont ivoiriens et que d’autres ne le sont pas. Je me suis dit que s’ils ne sont pas tous ivoiriens, il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas de frustrés. Cette histoire de rattrapage me gêne un peu. Qui peut répondre à cela ? C’était l’occasion pour Ouattara de se justifier le 1er mai. Sur les licenciements abusifs constatés, c’est un retour en force des programmes d’ajustement structurels (Pas). En 1990, lorsque le FMI l’imposait à la Côte d’Ivoire, l’objectif était de déréglementer le code du travail. Nous avions dénoncé en son temps ce code fabriqué de toutes pièces par un cabinet et soumis à l’assemblée nationale et appliqué aux travailleurs. Nous avions dénoncé ce code esclavagiste. Nous avions dénoncé dans les années 1990, les salaires à double vitesse. Ce sont malheureusement des choses qui reviennent. Lorsque j’étais en prison, j’ai pleuré lorsque j’ai appris qu’il y avait un recrutement d’enseignants contractuels qui seront payés à 100 mille Fcfa par mois. Un enseignant, c’est celui qui transmet son savoir à l’enfant. Comment voulez-vous transmettre sereinement votre savoir si vous êtes sous-payés, mal payés. Ne nous étonnons pas que cette jeunesse devienne de plus en plus violente.

N.V : Le futur code du travail est l’objet de vives controverses. Etes-vous partant pour l’adoption de ce code ?

M.G : Je suis partant pour la révision du travail mais à condition qu’il tienne compte de l’être humain. Ce code régit les rapports entre l’employeur et le travailleur. Déjà économiquement, l’employeur est fort. Pour des raisons économiques si vous donnez tous les privilèges à l’employeur, le travailleur n’est plus un travailleur. Il devient esclave. Et il ne peut plus satisfaire à ses besoins primaires. Se nourrir, se vêtir, se soigner, habiter dans une maison, se permettre des loisirs. Ce futur code fait malheureusement la part belle à l’employeur. La préoccupation de l’employeur et du gouvernement, c’est de faire en sorte que le délégué ne soit plus protégé. Au niveau des revendications, on affaiblit le délégué syndical pour qu’il cesse de revendiquer.. Il s’agit pour l’employeur et le gouvernement de faire en sorte que le délégué du personnel soit licencié. Nous devons empêcher l’adoption de ce code par la discussion et non par la violence. Nous demandons au gouvernement d’ouvrir les discussions. Vous aurez beau fait venir des travailleurs étrangers, mais cela ne marche pas toujours. Tôt ou tard, ils se rendront compte eux aussi qu’ils sont exploités et ils vont revendiquer. On doit être honnête avec son pays et les citoyens qui l’habitent.
Il est inadmissible qu’un élu licencie tous ceux qui ne sont pas de son bord politique. Il faut que le parlement vote une loi pour protéger les travailleurs. La seule loi qui les protège est la convention 87 du Bit qui protège les travailleurs et 98 pour les délégués.

N.V : Le siège de la Fesaci est toujours occupé par les FRCI. Le gouvernement a offert cette centrale syndicale à Traoré Dohia sur un plateau d’or…

M.G : Le chef de l’Etat doit savoir qu’un Etat qui méprise les syndicats a toujours des problèmes. Qu’il libère le siège de la Fesaci. Le choix d’un secrétaire général ou d’un président d’un syndicat est le choix exclusif des militants d’une organisation syndicale. Ce sont seulement les militants de ce syndicat qui à un congrès, ou en assemblée générale extraordinaire, peuvent élire ou défaire un secrétaire général ou un président d’un syndicat. Que le régime laisse tranquillement les militants de la Fesaci élire leur dirigeant. Il faut que la Cour suprême qui a pris cette décision en faveur de Traoré Dohia l’annule purement et simplement.

N.V : A quoi finalement peut-on s’attendre le 1er mai ?

M.G : Ce sera un 1er mai fade. Le gouvernement nous fait savoir que désormais, tous les 1er mai, c’est seulement le premier ministre qui nous reçoit. Lorsque nous rencontrerons le chef de l’Etat, nous lui dirons de ne plus mettre dans son programme social, la situation des travailleurs. C’est la seule chose qu’on peut lui dire. On demande 200 délégués par confédération à la primature, c’est très peu. C’est toujours difficile pour Dignité qui a ses délégués dans tous les secteurs d’activités. C’est la preuve manifeste du désintérêt total du régime envers les travailleurs. Nous ne sommes pas des chefs de guerre. Nous allons apaiser les cœurs meurtris de nos militants.

N.V : Comment se porte Mahan Gahié Basile après sa sortie de prison?

M.G : Je me porte bien. Comme le disent les ivoiriens, je me maintiens.

N.V : Vous avez donc repris la lutte syndicale ?

M.G : J’ai été toujours dans la lutte syndicale. C’est à cause de cette lutte que j’étais en prison. Sinon Mahan Gahié Basile assis dans son village à Diboké, je ne vois pas pourquoi on viendrait me chercher pour me mettre en prison. C’est parce que je suis à la tête d’une confédération syndicale que mes déclarations gênent et que ce régime m’a mis en prison. Ce régime a compris enfin de compte que je revendique beaucoup mais que je ne suis pas violent.
Entretien réalisé par Charles Bédé

Entretien réalisé par Charles Bédé
In Notre Voie

Mon, 29 Apr 2013 21:06:00 +0200

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