Alafé Wakili – Secrets de pouvoir : « Notre histoire avec Laurent Gbagbo »
Tout le livre est en fait l’enchevêtrement de l’histoire personnelle de l’auteur, et de l’histoire politique du pays, ainsi que des histoires de petites ou grandes trahisons pour la lutte pour le pouvoir. Sauf, que lorsqu’on veut dîner à la table du diable, il faut se munir d’une longue, très longues cuillère.
Cela Alafé Wakili, l’a appris à ses dépens. Lorsqu’il écrit dans « Notre histoire avec Laurent Gbagbo », son second livre paru chez l’harmattan, sa douleur d’avoir été emprisonné sous le prétexte de fraude sur la nationalité.
Journaliste et patron de presse, l’auteur est très en cour. Ce qui l’amène à être presqu’à tu et à toi avec les politiciens. Des politiciens qui voudraient qu’il « roule » pour eux en utilisant son support pour défendre leurs idées. Mais refusant de jouer le jeu, il se retrouve menotté et brandit à la télévision nationale comme un trophée de guerre, puis incarcéré.
Il y a dans « Notre histoire avec Laurent Gbagbo » profusion de noms d’acteurs de la politique ivoirienne de ces dix dernières années qui permet de voir et de comprendre la violence insidieuse et sournoise dont usent les uns et les autres pour assouvir leurs ambitions personnelles qu’ils nomment pompeusement politiques. En parcourant le livre, on voit aussi la collusion qu’il y a à tous les niveau de l’État : le politique travaille main dans la main avec le journaliste, la justice. C’est à se demander s’il y a une indépendance de la presse ou de la justice.
De fait, le livre jette un éclairage sur les intrigues de palais. Et le mensonge ou la rumeur sont des armes de destructions massives ou dissuasives pour freiner ou bloquer l’élan d’un adversaire. Ainsi, on peut lire à la page 86, cette histoire d’une « supposée relation d’une des filles du président de l’Assemblée nationale Mamadou koulibaly avec le président de la République ». Un mensonge pour affaiblir le président de l’Assemblée nationale aux prises avec un membre de son parti.
Autre cas de rumeur comme arme de destruction. Lorsque l’auteur lui-même manifeste l’envie de présider aux destinées de l’union des journalistes, on met en branle un mécanisme visant à le discréditer quant à ses origines. Ainsi, lui qui de tout temps était né, avait grandi, avait fait ses études, avait travaillé et fondé un journal, et avait occupé un poste de conseiller au ministère de la communication dans le même pays se retrouve apatride. Jusqu’à se retrouver en prison, humilié, abandonné par ses amis et ses commanditaires.
Écrit dans un style très journalistique, « Notre histoire avec Laurent Gbagbo » est d’une veine autobiographique. Le matériau de l’auteur c’est sa vie. Une vie « traumatisée », blessée par la méchanceté, la trahison. Il est aussi à retenir qu’à aucun moment on ne sent de l’acrimonie de la part de l’auteur lorsqu’il dit sa part de douleur. Il présente juste les faits en les étayant par des noms, des lieux, des dates aussi souvent pour donner du crédit à ses propos.
Au total, cette œuvre facile à lire aurait pu s’intituler « mon histoire avec les politiciens ivoiriens ». Tant, par moment, on ne sait plus si l’auteur demeure journaliste. Car le mélange des genres auquel il se livre sème le trouble. On le sent trop impliqué avec les politiciens. Et cette absence de distance de sa part rend souvent sa thèse indéfendable. Quoi qu’il en soit, ce livre a le mérite d’avoir été écrit après « Instants de vie », son premier ouvrage.
Abissiri Fofana
Notre histoire avec Laurent Gbagbo, Alafé Wakili
L’Harmattan, 207 p., 21 euros
Sat, 27 Apr 2013 10:31:00 +0200
0