Cameroun: Grand absent de la crise centrafricaine. Paul Biya en Europe pour ses affaires privées

Lors des dernières assises de la Cemac, le 30 mai 2004, pour le choix du siège de la bourse Cemac, Biya plaqua ses pairs à Libreville, pour se rendre à Genève. En plus dramatique, l’histoire vient de se répéter. Au moment où les dirigeants de la Ceeac se réunissent à Brazzaville pour trouver une solution à la crise centrafricaine, Biya s’est envolé avec femmes et enfants pour Genève, histoire d’assurer la rentrée scolaire de sa progéniture.
Un court et laconique communiqué du directeur du cabinet civil de la Présidence de la République nous a édifié là-dessus: «Le Président de la République, son excellence Paul Biya, a quitté Yaoundé ce mardi 08 janvier 2013 en fin de matinée en compagnie de son épouse Madame Chantal Biya pour un court séjour privé en Europe».
A défaut de participer à la concertation des chefs d’Etats africains, la crise centrafricaine souffrira-t-elle de la non-présence du président du Cameroun, pays phare de la sous-région ? Ce désintéressement marqué pour la communauté des Etats africains qui se sont donné la main pour venir en aide à un pays frère n’est pas sans rappeler qu’Afrique ou Cameroun, les intérêts privés de Biya passent avant les affaires d’Etats pour lesquelles il a été déclaré élu.
Sur le plan intérieur, l’absence du chef de l’Etat de son pays survient alors que certains journaux soulignent que « Ce n’est plus la sérénité totale dans les rangs de la garde présidentielle depuis que quelques familles des éléments des corps d’élite chargés de la sécurité du président de la République sont sans eau ». Cette absence de sérénité serait exacerbée du fait que récemment, après la finale de la Coupe du Cameroun de football, un élément de la G.P. a fait parler son arme.
Selon la presse, « le jeune homme, selon des sources, entendait exprimer son mécontentement. Toute sa solde ne lui parvient pas. Les indemnités seraient coupées quelque part. Un problème que connaîtraient la plupart des hommes de troupe, voire des sous-officiers ». Selon le bihebdomadaire Aurore plus, « un soldat de la Garde présidentielle est soupçonné d’avoir ouvert le feu à trois reprises sur le cortège du chef de l’Etat sans l’atteindre ».
Il s’agirait toujours selon le journal, du caporal chef Onana de la garde présidentielle qui avait tiré trois fois de suite sur Paul Biya lors de la finale de la coupe de football le 23 décembre 2012 au stade omnisports de Yaoundé? Notre confrère s’est interrogé :« était-ce un acte isolé ou le représentant d’un groupe au sein des forces de défense qui en a marre de continuer à voir le président Biya à la tête du pays »?
Le moral et l’état d’esprit des fonctionnaires est donc sujet à caution, avec la colère et les mouvements d’humeur des éléments de la garde du président qui s’ajoutent à la dernière réclamation en date des gardiens de prison. Ceux-ci ont adressé une lettre ouverte au président de la République accusant le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Justice chargé de l’administration pénitentiaire et le directeur de cette administration de clientélisme.
Biya perdu dans les inscriptions scolaires genevoises alors qu’au pays, un chapelet des griefs menace la paix sociale ? « les enseignants vacataires dans l’attente d’être intégrés à la Fonction publique, des ex-employés des sociétés d’Etat attendent d’être indemnisés, les infirmiers et autres personnels de la Fonction publique réclament des statuts particuliers et l’amélioration de leurs conditions de travail, les temporaires de certaines administrations caressent le même espoir, des retraités de la fonction publique qui passent des mois, voire des années sans voir leur dossier aboutir au paiement de leur pension » etc. Le 7 janvier 2012, les agents de Sitrafer ont interrompu les circulations ferroviaires à l’entrée nord de Yaoundé.
Sans s’émouvoir, Biya est donc parti. Dédaignant même la rencontre avec ses pairs qui se sont penchés sur la crise centrafricaine. Selon Cameroon Tribune, « Côté populaire, le chef de l’Etat et la première dame ont répondu aux ovations d’une foule de militants et militantes du Rdpc venus leur souhaiter un bon voyage, au rythme de danses traditionnelles. Cette visite privée survient au lendemain des cérémonies de présentation, la semaine dernière, de vœux de nouvel an au chef de l’Etat et à la première dame ».C’est toujours ça de gagné !
Le chef de l’Etat n’avait pas effectué de sortie hors du Cameroun au cours de la dizaine de mois ayant suivi sa réélection à la tête du pays. Fait inhabituel, Paul Biya a séjourné dans plusieurs localités du pays. Outre les résidentes présidentielles traditionnelles, il a été à Me’emvele, à Kribi, à Ebolowa et à Bertoua. La seule sortie du pays a eu lieu à Brazzaville au Congo en juillet dernier lors de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la Cemac. Le cirque va-t-il recommencer ?

Edouard Kingue

Paul Biya, Genève ou l’Afrique, il faut choisir !

L’absentéisme de Paul Biya aux rendez-vous africains et internationaux est proverbial. Sassou Nguesso accueilli à Nsimalen interpelle le président Biya : « Alors content, le monsieur qui ne va jamais chez les autres ? » Sans attendre la réaction de son mari, Chantal, coupe court et rassure le président congolais : « la prochaine fois, nous allons venir à ta fête, c’est promis !»
Ce n’est pas la première fois que le dirigeant camerounais est pris à partie par un de ses pairs. Le 17 mai 2010, Blaise Compaoré et son épouse venus prendre part à la conférence internationale de Yaoundé « Africa 21» sont accueillis à l’aéroport de Nsimalen. A sa descente d’avion, Blaise Compaoré lance à Biya : «Monsieur qui n’aime pas aller chez les autres est content».
C’est connu, à l’instar du nigérien Diori Hamani, du malien Moussa Traoré, du sénégalais Léopold Sedar Senghor, du tchadien Ngarta Tombalbaye ou du nigérian Yakubu Gowon, du mauritanien Moctar Ould Daddah ou du marocain Hassan II –excusez du peu- ! qui étaient les amis de son prédécesseur, Paul Biya n’a pas le culte de l’amitié chevillé au corps, ce qui rend très rare ses visites, professionnelles ou non, ne serait-ce qu’aux voisins d’à côté ou d’en face.
Depuis son accession au pouvoir, les sommets africains se font sans Paul Biya. Que ce soit l’Union africaine, la Cemac, ou les forums liés aux questions internationales. Quand il s’en souvient, le président délègue souvent le Premier ministre ou un ministre ordinaire. Mais par contre, souligne un proche du cabinet, « il adore se rendre en visite ou séjour privé en France, ou en Suisse à Genève précisément où il a ses quartiers ».
Feu Omar Bongo Ondimba dit-on, reprochait à Paul Biya cette façon de fonctionner et ne se privait pas pour lui faire obstacle sur des questions de souveraineté comme la création de la bourse sous-régionale. Une fois Biya avait dépêché l’ancien Premier ministre Peter Mafany Musonge de le représenter à un sommet de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac) qui se tenait à N’Djamena au Tchad. En son absence, les autres chefs d’Etat de la sous-région décidèrent de donner le siège de la bourse des valeurs mobilières de la Cémac à Libreville, capitale du Gabon, au lieu de Douala, capitale économique du Cameroun et de l’Afrique centrale!
Généralement reclus au Palais d’Etoundi à Yaoundé, il n’en sort que pour emprunter l’avion présidentiel pour ce que l’imagerie populaire a tourné en dérision en parlant de « bref-long-court séjour privé à l’étranger ».
Ces mouvements présidentiels sont si récurrents qu’une association de danse traditionnelle chargée d’accueillir l’illustre et eternel voyageur baptisée ‘les danseurs de Nsimalen’ s’est formée à l’aéroport international du même nom. Et il faut dire qu’ils ne chôment pas, par rapport à la majorité des Camerounais. Les départs et les retours présidentiels sont bien rémunérés…Le scoop ce n’est pas lorsque Biya voyage. Le scoop, c’est quand le président se trouve dans son palais au pays.

Attendre la voix

Au tout dernier sommet de l’Union africaine, qui s’est tenu du 15 au 16 juillet 2012 à Addis Ababa en Ethiopie, Paul Biya n’a pas dérogé à sa tradition. Il y était absent, ce qui n’a pas affecté outre mesure la tenue de la rencontre, tant les vieux et nouveaux présidents sont habitués à ses absences aux retrouvailles sous-régionales, régionales ou internationales.
En septembre dernier, plus de 120 chefs d’Etats se sont retrouvés à l’occasion de la 67e Assemblée générale des Nations Unies. Paul Biya, qui devait faire entendre la voix du Cameroun à la tribune des Nations Unies a choisi de se faire représenter à New York par le ministre des Relations extérieures (Minrex), Pierre Moukoko Mbonjo, qui a donné lecture du message du président de la République sur l’Etat de droit aux niveaux national et international.
Selon les observateurs, l’absence de Paul Biya se justifiait parce qu’il n’aurait toujours pas digéré le «camouflet» que lui a infligé le président américain, Barack Obama, qui ne lui a pas adressé de message de félicitations après son «éclatante victoire» à la dernière élection présidentielle.
Biya s’est donc fait remarquer comme quelqu’un d’absent et de toujours absent. En riposte, les chefs d’Etats commencent à grogner. On se souvient encore du lapin posé par Biya lors de sa passation de témoin en tant que président de l’Oua au sommet du Zimbabwe, suivant celui de Yaoundé tenu en juillet 1996. Le succès du sommet France-Afrique qui s’était tenu à Yaoundé est ni plus ni moins l’œuvre du président français de l’époque, Jacques Chirac. De son vivant, Bongo Ondimba avait choisi de ne déléguer aucun représentant personnel à Kribi lors de l’inauguration du pipeline Tchad-Cameroun.
De nombreux chefs d’Etat ont longtemps décidé de rayer Yaoundé de leur itinéraire : Sarkozy, Francois Hollande, Abdoulaye Wade, Georges Bush etc. Ce n’est pas demain la veille que Barack Obama foulera le sol camerounais. En France, on dit la Corrèze avant le zambèse. A Etoudi, avec Paul Biya, c’est La Beaule avant Libreville ou N’djamena. Même si Bangui la voisine est en feu.

Edking

In Le Messager

Sun, 13 Jan 2013 12:10:00 +0100

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