En s’appuyant sur son ethnie et surtout sa religion on affaiblit le pays et la religion elle-même qui devient ainsi un instrument de conquête et d’oppression au lieu d’harmonie, de paix et surtout de spiritualité. La fragmentation du Soudan en deux États est sous nos yeux.
Nous renvoyons nos contradicteurs à Moïse Antonin Kapenda Tshombé et sa sécession katangaise, au Dr Jonas Madero Savimbi et l’union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola. À Mano Dayak et la rébellion touareg dans les massifs de l’Ayr au Niger ou à John Garang qui n’a pas vu de ses yeux la fin de la rébellion du sud soudan.
Tous ceux qui dans l’histoire africaine se sont appuyés sur leur tribu, leur religion ou leur région pour aller vers le pouvoir y compris Mobutu et l’immense sous continent zaïrois, ont tous échoué lamentablement parce qu’il n’avait aucun projet de société pour la vie en commun dans les pays qu’ils voulaient diriger. Mais aussi parce qu’ils nourrissaient une haine profonde envers ceux qui n’étaient des leurs.
Il y a eu en Afrique des serviteurs de la parole religieuse, qui ont contribué positivement à la cohésion et à la paix dans leur pays. Nous pensons notamment à notre frère, feu le cardinal Hyacinthe Thiandou, Ancien archevêque de Dakar, qui avait su créer un dialogue interreligieux avec les imans et les confréries musulmanes du Sénégal. Homme de tolérance et acteur du dialogue social, il avait compris que l’islam était une religion majoritaire au Sénégal et qu’il fallait organiser une cohabitation religieuse au profit du pays. La Côte d’ivoire a des musulmans respectables qui assistent leurs voisins chrétiens dans leurs deuils. Les musulmans de Bondoukou n’ont-ils pas offert une voiture au premier évêque de leur ville ?
Dans ce monde en folie, la vision de la vie religieuse et surtout de la cohabitation entre toutes les sensibilités religieuses, reste pour nous tous un exemple porteur de certitude pour l’avenir. Le Sénégal et l’Afrique doivent dans ce sens au Cardinal Thiandou, une reconnaissance infinie pour nous avoir indiqué le chemin. Ce vrai chemin que nous peinons aujourd’hui encore à retrouver en Côte d’ Ivoire.
II – Dans la Côte d’Ivoire actuelle
Dans un pays d’essence laïque, la religion relève de la sphère privée de chacun. Dans le cas de la Côte d’ivoire chaque ivoirien doit garder ses prières chez lui pour que les uns et les autres puissent participer librement et sans gêne à l’enracinement et à l’épanouissement de la vie démocratique dans ce pays malade qu’est la Côte d’ivoire.
La croyance est avant tout une affaire personnelle et intime. Nul ne croit de la même manière que son voisin. C’est dans cet esprit que nous disons ici que la religion en elle même n’a pas à être considérée comme un atout ou un danger pour la société ivoirienne : tout dépend de ce que chacun en fait ou veut faire de sa religion.
Il convient dans nos pays africains fragiles et fragilisés par l’histoire de la cohabitation difficile des ethnies et des tribus de ne pas ajouter les querelles confessionnelles dans un modèle républicain basé sur la séparation du domaine public et de la sphère privée. Il convient donc dans le cas qui nous intéresse ici de veiller à ce que la religion ne soit pas instrumentalisée à des fins partisanes.
Si le président de la Côte d’ivoire est un musulman, cela ne nous dérange absolument pas. Ce qui est gênant et malpropre, c’est que les trois quart des membres du gouvernement soient musulmans et originaire du nord comme le président de la République. Sommes-nous dans une république islamique qui ne dit pas son nom ou dans une démarche pernicieuse dont le but est de faire de l’islam la religion d’Etat en Côte d’Ivoire ?
La religion selon nous, ne doit pas avoir pour vocation de régir la société ivoirienne, même si certains ivoiriens le revendiquent en fermant les yeux sur les dangers d’une telle aventure. Les communautés religieuses peuvent donner leurs avis sur telle ou telle question sociale, mais en aucun cas elles ne doivent se mettre en position d’imposer leurs vues. En république, c’est le citoyen qui décident et lui seul quel que soit sa croyance ou son option philosophique.
Dans cet esprit, les communautés religieuses doivent s’organiser librement avec leurs ressources propres. L’Etat ivoirien ne doit pas financer avec les deniers publics des pèlerinages à la Mecque pour les musulmans, à Rome, à Jérusalem ou à Fatima pour les chrétiens.
Il faut mettre fin aux enveloppes financières de contribution de l’Etat pour la construction de lieux de cultes comme les Mosquées, églises ou temples. L’Etat n’a pas à se mêler des querelles d’obédiences religieuses. Cela doit être signifié clairement par le ministère de l’intérieur de Côte d’ivoire à tous les cultes reconnus par l’Etat ivoirien.
Il faut arrêter ces distributions de sacs de riz, de sucre et de mouton à des communautés musulmanes pendant la période du carême musulman et à la veille de la tabaski. L’Etat en favorisant ce genre de mélange est en violation de la laïcité dont il doit être le garant. Il faut éviter que des imans, des pasteurs ou des hommes d’église soient des conseillers officiels ou officieux de la présidence de la république. L’expérience à montré le coté néfaste de tels choix. Nous le disons ici avec tout le bon sens dont Dieu nous a doté. Connaissant les pratiques qui ont été utilisées hier par les différents présidents de la république qui se sont succédés à la tête de l’Etat, nous pensons qu’il est temps aujourd’hui que la séparation de la religion et de l’Etat soit effective, dans le cadre de la laïcité affirmée par la constitution ivoirienne. Dans un pays laïc le citoyen est libre d’interroger la religion et son propre cheminement dans la vie ici bas. C’est notre cas ici.
III – Le mélange conduit toujours à la ruine et au naufrage de la nation
C’est un constat de grande tristesse qui nous fait dire ici que chaque fois qu’on a voulu mettre le religieux et le politique dans le même moule, le résultat a toujours été dramatique pour le pays en provoquant des grands malheurs pour les peuples. Le nord du Mali occupé, le Liban dépecé et l’Iran intégriste sont sous nos yeux. La mort des royaumes théocratiques, de Sokoto, du Tékrou, du Bornou ou la fin tragique de l’empire peul du Macina sont aussi sous nos yeux.
En Afrique nous avons eu aussi nos brebis galeuses. Hier comme aujourd’hui des hommes d’église ont pactisé avec les pouvoirs politiques qui nous ont conduits à la ruine, à la faillite morale, économique et sociale de nos malheureux pays africains. Nous pouvons citer ici sans gêne l’ancien archevêque de Kigali Mg. Vincent Nsengiyumva.
Ami personnel du général d’opérette, Juvénal Habyarimana, il siégeait au comité central du MRND, le mouvement révolutionnaire national pour le développement, parti politique sur lequel Habyarimana s’était appuyé pour mener son destin funeste et néfaste qui aboutira à l’abominable génocide des tutsis du Rwanda.
Où était ce prélat indigne quand Habyarimana et son parti prenaient les mesures discriminatoires contre les Tutsis du Rwanda ? Par sa faute l’église fut un piège pour ceux qui croyaient sauver leur modeste vie en se réfugiant dans la maison de Dieu. Pourquoi n’avait-il pas élevé la voix pour demander aux Hutus de protéger leurs frères et sœurs Tutsis ?
Ce mélange des genres et cette connivence mafieuse entre l’église et le pouvoir ont profondément déçu beaucoup de catholiques pratiquants, qui voient aujourd’hui dans de nombreux pays africains l’église organiser encore des messes et des prières pour les autorités politiques et administratives. C’est ce que les imans ivoiriens sont entrain de faire aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Prier pour le président, des sacrifices pour soutenir le président et après et quoi encore?
Quelles considérations devons-nous avoir pour les serviteurs de l’évangile ou du saint Coran, qui sont plus présents à la table du pouvoir et qui ne se rendent même pas compte qu’ils s’éloignent de plus en plus du peuple de Dieu dont-ils sont les protecteurs et surtout des pauvres et de leurs souffrances ?
IV – Le religieux et le politique en Côte d’Ivoire
Sous la présidence de Laurent Gbagbo, les pasteurs évangéliques avaient pion sur rue et étaient du matin au soir à la table du président. Ils s’affichaient sans retenu comme ses conseillers spirituels. De telles pratiques sont gênantes pour tous le monde au regard de la laïcité de l’Etat. Que doivent penser les non chrétiens d’une telle proximité ?
L’église et l’Etat en Côte d’Ivoire, ont eu des moments de tensions et des moments de complicités qui furent salutaires pour le pays. Nous voulons rappeler aux ivoiriens le souvenir du cardinal Bernard Yago.
L’homme qui refusa une Cadillac toute neuve offert par le Président Ivoirien Félix Houphouët-Boigny à l’occasion de son élévation à la pourpre cardinalice. Ils sont combien de prélats aujourd’hui en Afrique capables de refuser un tel cadeau ? Que ceux qui sont tentés par la richesse et le luxe qu’offre le pouvoir sachent que les dictateurs méprisent leurs courtisans et respectent par contre, ceux qui ne sollicitent aucun avantage et aucune connivence avec leur régime.
Mg. Bernard Yago, nous disait souvent que les institutions religieuses ne doivent pas être dans les bottes du pouvoir politique. C’est cet archevêque libre d’esprit, président du conseil épiscopal de Côte d’Ivoire qui refusa catégoriquement de célébrer une messe de requiem à la mort de Jacques Aka, neveux de Félix Houphouët-Boigny, pour cause de divorce et célébra avec ferveur la messe de requiem du magistrat, Ernest Boka.
L’ancien président de la Cour suprême de Côte d’Ivoire mort dans la prison politique concentrationnaire de Yamoussoukro Assabou, pour cause de complot. Son œuvre immense de serviteur de la parole du Christ, nous enseigne que les communautés chrétiennes doivent s’organiser, pour libérer l’église africaine de toutes connivences avec le pouvoir d’état.
Dans le même registre, Il refusa également de célébrer le mariage de Félix Houphouët-Boigny et de sa femme Brou Marie-Thérèse, ce qui privait Houphouët, le catholique pratiquant de communion à l’église pendant des décennies. C’est finalement le Nonce apostolique Mgr Justo Mullor Garcia, qui contournant l’archevêque d’Abidjan, célébra ce mariage en secret peu de temps avant l’arrivée de Jean-Paul II à Abidjan en mai 1980.
Diplômé de sociologie pastorale, le Cardinal Yago, s’était opposé avec véhémence en 1962 à la Dot, qu’il considérait comme une mise aux enchères de la femme africaine. C’est dans le même esprit qu’il avait mis en cause le matriarcat des akans de Côte d’Ivoire, le groupe ethnique auquel il appartenait. Il considérait l’héritage de l’oncle aux neveux comme un processus désintégrateur de la famille. Le législateur ivoirien avait compris le danger en prenant dans ce sens des dispositions juridiques pour protéger les veuves et les orphelins de la société ivoirienne, abolissant de fait le matriarcat.
Il avait aussi pesé de tout son poids, en février 1990, pour que les forces de l’ordre respectent l’inviolabilité de la cathédrale d’Abidjan ou des étudiants en grève de la faim avaient trouvé refuge pour protester contre leurs conditions d’études. Il reste pour nous tous un homme de foi qui de son vivant avait refusé la soupe de la compromission que lui offrait le pouvoir politique.
Nous prions tous, musulmans et chrétiens, avec nos frères et sœurs ivoiriens pour que la force du Cardinal Bernard Yago, nous aide à reconstruire la vraie fraternité des hommes qui a si souvent fait défaut à ce pays déchiré qu’est la Côte d’Ivoire.
V – Allassane Ouattara et la religion
Le 9 octobre 1999 peu avant le coup d’Etat militaire du général Robert Gueï, qui allait déstabiliser durablement la Côte d’Ivoire, le Dr Allassane Ouattara faisait cette déclaration à Paris : << On m’empêche d’être candidat à la présidentielle, parce que je suis du nord et musulman. >>
Cette déclaration faite à Paris, dans le but de rassembler les musulmans et les ressortissants du nord de la Côte d’Ivoire a attisé les tensions ethno-religieuses, faisant de lui le symbole de la souffrance des musulmans et de leur revanche sur les chrétiens et autres animistes ivoiriens dans des tentions religieuses et ethno-régionales qui n’étaient pas nécessaires pour arriver au pouvoir.
Certains adversaires du Dr Allassane Ouattara disent qu’il veut utiliser l’islam comme un tremplin politique. Aujourd’hui des confréries maraboutiques qui gravitent autour de la présidence de la république, comme la confrérie des chasseurs dozos, est un supplétif réel de l’armée mono ethnique FRCI.
D’autre part quel sens doit-on donner à l’immolation de plusieurs bœufs en bordure de lagune près de l’hôtel du golf après la capture de Laurent Gbagbo ? Nous renvoyons nos contradicteurs au précieux livre : << Abobo la guerre >> de la journaliste française Leslie Varenne. Publié aux Editions des mille et une nuits.
Tout cela nous laisse perplexe, comme la destruction des statuts et autres œuvres d’art aux différents carrefours de la ville d’Abidjan et de ses communes ivoiriennes sur conseils des marabouts devenus les devins du pouvoir en place.
Nous demandons au Dr Allassane Ouattara d’éviter de développer une mentalité de tribu assiégée. Car le champ politique ivoirien est aujourd’hui à la recherche d’une cohésion qui s’éloigne de plus en plus en raison de l’alliance ethnique, religieuse et régionale au sommet de l’état.
Attention nous ne demandons pas au Dr Allassane Ouattara, de jouer au Mustafa Kemal, Atatürk le père de la laïcité Turque. Mais d’être le défenseur d’une laïcité qui met tous les ivoiriens à l’aise et délivre surtout l’islam ivoirien du mauvais exemple que fut le pasteur évangéliste hier à la table du pouvoir politique ivoirien.
VI – Le conseil national islamique
Créé à la mosquée d’Adjamé le 9 janvier 1993, c’est l’une des premières organisations musulmanes du pays. Son objectif est de promouvoir au plan national un islam ivoirien débarrassé de l’obscurantisme, accessible et ouvert, par le prêche en français, car être musulman ne veut pas dire être arabe.
Tout le respect que nous vouons à notre frère le Cheick Aima El hadj Boikari Fofana, celui que nous considérons comme le grand Mufti de la communauté musulmane ivoirienne, vient des buts qu’il poursuit à travers le CNI, dont-il est le président. Car cette organisation travaille aussi pour le respect de la diversité religieuse et la séparation du politique et du religieux. Ce religieux et compatriote ivoirien n’a jamais prononcé une parole malveillante contre ses frères et sœurs chrétiens.
Que le conseil national islamique soutienne le Dr Allassane Ouattara aussi bien dans sa candidature à la présidence de la république de Côte d’Ivoire et dans sa longue marche vers le pouvoir, ne nous dérange pas du tout. Mais s’il se tait devant les massacres des dozos et les morts de non musulmans parce que perçus comme des Kafris (incroyants) est déplorable et expose le vivre ensemble à des considérations qui portent atteinte à l’avenir commun.
Nos parents musulmans, car celui qui écrit ces lignes en a dans sa propre famille, doivent contribuer à dresser l’islam ivoirien contre l’image déchirante de la Côte d’ivoire terre de stabilité, de paix et de progrès aujourd’hui devenue un enfer. Avec des arrestations arbitraires, des exactions, des exécutions sommaires, des prisonniers qui sont en détention sans jugements. Pourquoi l’islam ivoirien qui prétend soutenir la paix en côte d’ivoire est plus que muet sur ces questions aussi graves de la société ivoirienne ?
Que doit penser le chrétien ivoirien qui arrive à l’aéroport d’Abidjan Port-Bouët et qui constate que le policier qui contrôle son passeport est un musulman originaire du nord de la Côte d’Ivoire. Que le douanier qui contrôle ses bagages est un Musulman, que le commissaire de la police aéroportuaire est un musulman et que le directeur de la DST, est lui aussi un musulman. Ainsi que le ministre de l’intérieur ?
Il a le sentiment qu’on est dans un Etat islamique et que tout est mis en place pour faire de lui l’obligé d’un régime politique dirigé par un musulman originaire du nord de la Côte d’Ivoire. Nous rapportons ici des témoignages gênants et le pouvoir ivoirien doit remercier ceux de ses propres ressortissants qui ont le courage de poser ouvertement le problème sur la place publique sans aucune mesquinerie.
Nous étions à une réunion la semaine dernière avec des amis européens qui voulaient créer une médaille pour honorer et récompenser des musulmans ivoiriens qui ont protégé des chrétiens et leurs biens pendant la crise électorale et vis versa. De nombreux ivoiriens se sont élevés pour contrer violement un tel projet avec la certitude qu’on ne trouvera personne pour un tel prix car ils cherchaient tous à tuer pour s’approprier les biens des chrétiens vivants dans la zone nord du pays. C’est quand même désolant si cela est vrai. Notre tristesse sera plus grande si la religion entrait insidieusement dans la sphère politique de notre pays.
Bien que Akan, nous avons combattu l’ivoirité, nous avons dénoncé le mandat d’arrêt contre le Dr Allassane Ouattara et surtout l’arrestation et l’interrogation pendant des heures de sa mère une femme âgée, par la police d’Henri Konan Bédié. Tous nos écrits témoignent pour nous que nous ne serions jamais dans le camp d’un pouvoir oppressif envers une partie de sa population.
Un pays ne peut pas renier une partie de sa propre population sans se renier lui-même. C’est en homme libre que nous intervenons, car finalement, il n’y a rien de durable qu’un pouvoir politique peut nous offrir sur cette terre. Observez bien ceux qui étaient hier à la soupe du pouvoir. Ils rasent tous les murs aujourd’hui. Voilà pourquoi nous sommes très éloignés des partis politiques ivoiriens.
C’est dans cet esprit que nous prions avec respect et considération les religieux musulmans de Côte d’Ivoire, d’aider le Dr Allassane Ouattara à sortir de cette logique crapuleuse qui fut utilisée contre lui hier à savoir : le tribalisme, l’anathème, l’exclusion et l’ostracisme qui sont les germes de la malfaisance dont souffre la Côte d’Ivoire aujourd’hui, qui plus que jamais fait de notre pays le paradis de l’ingouvernable.
VII – Postulat de conclusion générale
Une nuit d’entre les mille et une nuits, Shéhérazade racontait à son royal époux, le sultan Sharia, l’histoire d’un naufragé qui s’éveillait sur une plage déserte. Ses pas le conduisirent à une ville dont la porte était ouverte. Les sentinelles, figées, ne lui prêtèrent aucune attention et le laissèrent passer. Il interpella le premier passant qu’il rencontra.
En vain l’homme ne bougeait pas et ne répondait pas. Plus loin des groupes de gens restaient sur place sans esquisser un seul geste. Le silence lugubre qui pesait sur la cité inquiéta le naufragé. Son angoisse tourna à la panique quand il comprit que tous les habitants étaient pétrifiés comme des statues. .
Ce conte nous revient souvent à l’esprit quand nous observons la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui. D’Abidjan à Bouaké, de Daloa, à Ferké, de Kong à Daoukro, d’Adzopé à Abengourou, de Toumodi à Yamoussoukro ou à Man. Nous constatons que Le pays est figé et déprimé. C’est le pays des morts vivants. Plus de police, plus de gendarmerie. Les dozos et les zozos font la loi.
Les mêmes eaux usées sont à la même place depuis des lustres. L’école est un immense dépotoir qui ne donne plus d’espoir à personne. Les hôpitaux sont des mouroirs, la cherté de la vie est plus que préoccupante, la lagune Ebrié, est devenue un marécage nauséabond qui ne dérange personne. C’est un pays tellement englué dans le tribalisme ethno-religieux si bien que l’espoir ne pousse plus. A part les apparatchiks, les dozos et les FRCI personnes ne respirent, on y étouffe en faisant semblant de vivre.
Bref tout nous semble immobilisé dans un passé lointain. Impression que nous partageons avec de nombreux compatriotes de la diaspora ivoirienne et africaine. C’est comme si le triomphe de la médiocrité avait définitivement arrêté l’évolution de la société ivoirienne, brutalement gelé la pensée et éternellement fixé les mœurs.
Dans le récit de la belle et astucieuse Shéhérazade, le naufragé apprenait qu’une sorcière vindicative avait envoûté la métropole et ses habitants. Il décidait de se lancer à sa recherche afin d’obtenir d’elle la rupture du charme et de la libération du peuple… Telle est aussi, selon nous, la quête des élites politiques et religieuses ivoiriennes, du FPI, au PDCI, du RDR au MFA jusqu’au PIT en passant par l’islam, le christianisme la société civile et les communautés traditionnelles.
En vérité ce dont la Côte d’Ivoire a besoin, ce n’est pas une adaptation ou un aggiornamento comme on dit souvent, mais une levée des chaînes, une libération des initiatives pour reconstruire le vivre ensemble, renforcer la cohésion de la nation, une remise en route de la pensée figée, qui nous a conduit à cette guerre absurde et insensée, au cour de laquelle des ivoiriens ont tué et torturé d’autres ivoiriens.
Bref, une libération et un retour à l’esprit d’ouverture et de discussion qui ont fondés la civilisation humaniste de ce pays qui a accueillit des ressortissants des pays voisins, vivants en frère dans une nation qui est aujourd’hui un projet commun dans un destin à construire en commun, loin des anathèmes et autres exclusions dont les résultats sont devant nous.
C’est cela qui nous conduit à rejoindre dans la pensée l’immense sociologue et historien français Alain Touraine : << les conflits sont créateurs de rapports sociaux, étouffez les conflits et vous aurez la violence en permanence et non l’harmonie >>. La révolution française de 1789, fut dans ce sens un conflit qui modifia considérablement les rapports sociaux à l’intérieur de la société française.
Le Dr Allassane Ouattara ne doit pas transposer en Côte d’Ivoire ce qui a fait le malheur de l’ancien Zaïre, car Mobutu, voulait faire des Lumumbistes des citoyens de seconde zone en les obligeant à baisser la tête toute leur vie. On a demandé cela aussi aux sankaristes du Burkina-Faso, avec pour résultat la méfiance dans le corps social du pays des hommes intègres.
Le Dr Allassane Ouattara qui est musulman pratiquant, doit se rappeler les paroles du Saint prophète de l’Islam : » Le pus grand plaisir qu’un être humain puisse offrir à Allah le créateur, c’est de donner de l’eau à boire, à celui qui en a besoin, même à son pire ennemi. »:
Il faut donc dans le cas qui nous concerne faire preuve d’audace et de courage politique en corrigeant les dérives de son propre camp pour porter à la face du monde l’étendard de la raison, celle d’une Côte d’ivoire renouvelée.
Merci de votre aimable attention.
Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en Communication
Lugano (Suisse)
Fri, 09 Nov 2012 01:44:00 +0100
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