juin 1, 2023

Election Présidentielle / A 32 jours du 31 octobre : Voici les chiffres qui donnent de l’espoir au RDR

Photo : DR
Texte intégral en libre accès disponible depuis le 13 février 2008

1) Organisées le 7 juillet 2002 sur l’ensemble du territoire de Côte d’Ivoire, les élections des conseils généraux de départements et de districts représentaient la cinquième étape d’un processus électoral commencé en juillet 2000 avec le référendum constitutionnel, poursuivi en octobre 2000 avec l’élection présidentielle, puis en novembre 2000 et janvier 2001 avec les législatives, et enfin en mars 2001 avec les municipales1.

2) Ce scrutin était particulièrement attendu, non pas tant d’un point de vue fonctionnel car la mise en place des conseils généraux est un peu en avance sur les moyens que leur donnera la décentralisation, mais plutôt sur le plan de la géographie électorale du pays, que les élections municipales avaient sensiblement rectifiée après des présidentielles faussées et des législatives tronquées.

3) On se souvient que la consultation municipale du 25 mars 2001 avait enfin permis à toutes les sensibilités politiques du pays de s’exprimer, dans un espace démocratique relativement représentatif (60 % du corps électoral), dans un contexte social plutôt apaisé, et dans un élan participatif rassurant (près de 40 % de votants). Chacun avait donc pu faire ses comptes : le RDR (Rassemblement des Républicains) d’Alassane Ouattara, présent pour la première fois, avait remporté 27,2 % des suffrages et 63 communes ; le PDCI (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire) avait rassemblé 26,9 % des voix et gagné 60 communes ; le FPI (Front Populaire Ivoirien) totalisait 25,2 % des voix et 30 communes ; et les indépendants divers et autres partisans du général Gueï obtenaient 21,1 % des voix et 38 communes.

Le ‘’vote étranger’’

4)Les analyses convergeaient pour considérer que ces élections marquaient le caractère démocratique du régime dirigé par le président Gbagbo, dont le parti avait été largement battu. Mais déjà certaines voix s’élevaient pour suspecter le « vote étranger », ce vieux démon qui réapparaît chaque fois que la cote d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) devient inquiétante pour ses adversaires. Le quotidien Notre Voie, organe du FPI, dénonçait même clairement le laxisme avec lequel on avait vérifié les identités le jour du scrutin.

5 ) Avant d’organiser les élections suivantes, il convenait donc de clarifier les choses et ce fut l’un des objectifs fixés au Forum de Réconciliation nationale qui, au prix de discussions laborieuses et souvent passionnées, s’acheva le 8 décembre 2001 par des résolutions d’autant plus importantes que certaines furent suivies d’effet, puisque Alassane Ouattara finit par obtenir, le 28 juin 2002, son certificat de nationalité ivoirienne. Certes, le leader du RDR ne devenait pas pour autant éligible à la magistrature suprême, mais avait accompli un grand pas dans la reconquête de sa légitimité politique intérieure.

6) Malheureusement, l’arbre Ouattara, pendant qu’il occupait la scène à la recherche de sa reconnaissance, cachait la forêt : un grand nombre de ses électeurs continuaient d’être suspectés de non-ivoirité, et la délivrance des nouvelles cartes d’électeurs (cartes vertes dites « sécurisées ») se faisait au compte-gouttes. Fin juin 2002, à une semaine des élections des conseils généraux, le Ministre de l’Intérieur lui-même reconnaissait que 4,8 millions d’Ivoiriens seulement (sur 5,5 millions d’inscrits) pourraient voter. Pour le RDR, ce chiffre était ramené à 4,3 millions. Naturellement, et nul ne peut le contester, les 20 % manquants se trouvaient surtout dans les quartiers dioula d’Abidjan et de Bouaké, et dans les régions traditionnellement favorables au RDR.

7) Pour essayer de pallier ce « dysfonctionnement », il fut suggéré de recourir au procédé qui avait été admis lors d’élections précédentes, et qui figure d’ailleurs dans le code électoral : pouvoir voter sur simple présentation d’un document officiel d’identification (carte d’identité ou permis de conduire). Si le principe en fut apparemment admis, il n’en fut pas de même de son application, et le résultat peut être lu dans le taux de participation : 28,01 %. Ce chiffre est encore plus bas que celui des législatives, auxquelles le RDR n’avait pas participé (33,12 %), et que celui de l’élection présidentielle où le RDR et le PDCI n’avaient pas pu présenter de candidat (37,42 %).

8) Près de 4 millions d’électeurs, sur environ 5,5 millions d’inscrits, n’ont donc pas participé au vote du 7 juillet 2002. L’un des plus faibles taux de participation a été enregistré à Abidjan (23,09 %), où 301 336 électeurs seulement (sur 1 304 780 inscrits) ont voté alors qu’ils étaient 404 628 aux municipales de mars 2001, et qu’il y avait 100 000 inscrits de moins. On relève également des chiffres très bas à Bouna (20,32 %), et surtout à San Pédro (31,01 %), ville très cosmopolite où le RDR avait, à la surprise générale, gagné la mairie un an plus tôt.

9) Toutefois, si la carte de la participation moyenne par département fait apparaître des zones claires dans les espaces électoraux habituellement acquis au RDR (Korhogo, Boundiali, Tengréla, Katiola), il serait imprudent de généraliser : Odienné a enregistré une participation de 38,88 %.

Des alliances de circonstance

10) Du côté du pouvoir en place, il a également fallu tirer d’autres leçons des municipales : bon nombre de « triangulaires » et même quelques « quadrangulaires » avaient fait le jeu du RDR, qui avait alors remporté des mairies importantes comme Bouaké, mais aussi et surtout Daloa, Gagnoa et Soubré, considérées comme des fiefs du FPI, ainsi que San Pédro où le PDCI paraissait imbattable.

11) Force est de constater que, dans la perspective des élections des conseils généraux, c’est la stratégie TSO (Tout Sauf Ouattara) qui a présidé à la constitution de listes communes, puisque, de son côté, le RDR s’est présenté seul sous sa propre étiquette dans 57 des 58 départements du pays. Ainsi a-t-on pu voir se constituer à Abidjan un véritable front regroupant le PDCI, le FPI et le PIT pour faire échec au RDR qui, il est vrai, avait approché les 30 % aux municipales. Il en a été de même à Daloa, où le souvenir des municipales était encore plus mauvais. De même le PDCI et le FPI firent-ils alliance, soit pour tenter une reconquête, soit pour faire meilleure figure, à Korhogo, à Boundiali, à Dabakala, à Man, à Mankono et à Touba. Il est vrai que ces deux grands partis cohabitaient au gouvernement2.

12) Plus étranges furent les listes communes FPI/UDPCI (à San Pédro) et PIT/UDPCI (à Duékoué). Certes, le Forum de Réconciliation nationale avait fait table rase du passé, aussi bien des détournements supposés de l’ex-président Bédié que des martyrs d’octobre 2000 attribués au général Gueï, en échange de la nationalité ivoirienne reconnue à ADO. Mais de là à pactiser avec ceux qui avaient trahi le PDCI pour suivre Gueï lors de l’élection présidentielle au motif qu’ils « n’avaient pas la culture d’opposition » pour créer l’UDPCI (Union pour la Démocratie et le Progrès en Côte d’Ivoire), il y avait un très grand pas que pourtant le FPI et le PIT n’ont pas hésité à franchir. A San Pédro comme à Duékoué, cette stratégie s’est avérée payante.

13 ) Si les gains en départements ne sont pas spectaculaires pour les partis de gouvernement, la perte de lisibilité est patente : comment compter le poids respectif du PDCI, du FPI et du PIT dans les départements où ils ont présenté des listes communes et obtenu au total un peu plus de 280 000 voix à eux trois, soit 18,5 % de la totalité des votants du pays ? Ce « quatrième bloc » opaque contient probablement la clé de la géographie politique ivoirienne des années à venir : qui, du FPI ou du PDCI, sera en mesure d’affronter le RDR avec quelques chances de l’emporter ?

Un bilan peu lisible

14) Globalement, les opérations électorales semblent s’être déroulées normalement. Les conditions d’accès aux urnes, et l’obligation de facto de présenter la nouvelle carte d’identification, ont été vivement dénoncées par le RDR mais n’ont conduit ni au boycott du scrutin, ni à des incidents notables, ni à une véritable contestation des résultats.

15) Sur 5 413 212 inscrits, il y a donc eu 1 516 307 votants, soit une participation de 28,01 %. Les bulletins nuls ont été moins nombreux que lors des consultations précédentes (8 % contre près de 12 % aux municipales). Le RDR a obtenu 24,8 % des suffrages et 10 départements, le FPI, 20,6 % et 18 départements, et le PDCI, 19,7 % et 18 départements. L’UDPCI sous sa seule étiquette obtenait 4 % des voix et 3 départements, tandis que diverses listes indépendantes obtenaient 3 % des voix et 5 départements.

16) Faute de pouvoir lire des évolutions claires par rapport aux consultations précédentes, on se contentera de comparer ce qui est comparable : le district d’Abidjan, qui a, de plus, le mérite de concerner plus d’1,3 million d’inscrits, soit près de 30 % de l’électorat ivoirien. C’est ainsi qu’entre les municipales de mars 2001 et les élections des conseils généraux de juillet 2002, la participation est tombée de 36,60 % à 23,01 %, en grande partie à cause des restrictions apportées à la participation de ceux qui ne disposaient pas de la fameuse carte électorale, et qui étaient probablement majoritairement des sympathisants RDR. Et pourtant, le parti d’Alassane Ouattara augmente son score : 34,23 % contre 28,98 % (+ 5,3 %). Parallèlement, la liste adverse, composée de candidats PDCI, FPI et PIT, mais bénéficiant du soutien explicite de certains « indépendants » de mars 2001 ralliés depuis au PDCI, et implicite de la mouvance TSO, ne totalise que 65,77 % des voix, contre 69,22 % pour l’ensemble des opposants au RDR aux municipales (- 3,45 %).

17) On peut donc raisonnablement imaginer que le poids politique du RDR serait nettement plus marqué si les conditions de vote redevenaient normales. Mais, au vu des élections de juillet 2002, on ne dispose d’aucun moyen de le prouver.

En attente de clarification

18) Le scrutin de juillet 2002 a néanmoins eu le mérite de se tenir, à la fois dans un calme relatif et à la date prévue. Il a numériquement peu mobilisé mais a renforcé la sensibilisation populaire aux mécanismes démocratiques, et, dans un contexte plutôt apaisé (notamment grâce à la reconnaissance de la nationalité d’Alassane Ouattara), a accru l’expérience des politiques. C’est d’ailleurs en vieux routiers des manœuvres électorales que les responsables du FPI et du PDCI ont noué des alliances qui se révéleront probablement à l’usage purement tactiques et conjoncturelles.

19) Mais ces alliances ont davantage brouillé le jeu que rapporté aux partis concernés, sinon peut-être au FPI au détriment du PDCI, qui aurait probablement été en mesure de remporter seul (grâce au ralliement de la plupart de ses dissidents) l’énorme district d’Abidjan, et qui aurait gagné San Pédro sans l’union contre nature du FPI et de l’UDPCI. Du moins est-ce ainsi qu’on peut analyser les résultats tels qu’ils sont sortis des urnes : en effet, arithmétiquement, au vu des suffrages obtenus (dans les conditions que l’on sait), le RDR ne pouvait décrocher aucun des départements gagnés par une coalition de ses adversaires (Abidjan, Daloa, San Pédro et Duékoué).

20) Par contre, sans les restrictions apportées au « vote étranger », le RDR pouvait espérer gagner à San Pédro et Duékoué, et ajouter au moins à son total les départements de Bouna et Bondoukou. Il aurait probablement aussi gonflé son score global pour l’amener à son niveau des municipales (plus de 27 %), et peut-être au-delà. Et si l’on met en parallèle à cette simulation prospective l’hypothèse évoquée plus haut selon laquelle le PDCI aurait pu faire un bien meilleur score sous ses propres couleurs, on est en présence d’une situation paradoxale déjà pointée dans une précédente analyse3 : c’est le parti le moins bien implanté et le plus faible qui est actuellement au pouvoir en Côte d’Ivoire.

21) Mais il faudra quand même régler une fois pour toutes le fameux problème de l’identification des Ivoiriens, cette obsession insidieusement générée par le concept d’ivoirité que l’ex-président Bédié avait opportunément activé pour éloigner Alassane Ouattara de la scène politique. Il semble pourtant facile à trancher : le très sérieux RGPH 98 (Recensement Général de la Population et de l’Habitat, 1998) a comptabilisé 4 000 047 étrangers (26 %) et 11 366 625 Ivoiriens (74 %) en Côte d’Ivoire. Le chiffre de 5 413 212 électeurs inscrits correspond bien au nombre d’Ivoiriens âgés de plus de 18 ans, et le nombre de cartes d’électeurs devrait être celui-ci.

22) L’acharnement déployé par deux des trois grands partis politiques de Côte d’Ivoire (FPI et PDCI) pour disqualifier Alassane Ouattara a conduit à écarter des urnes ses électeurs, ou supposés tels. Les germes de la xénophobie qui avait émergé à plusieurs reprises depuis le coup d’Etat de janvier 1999 ont ainsi été réactivés. En jouant sur la « marge », c’est-à-dire sur les populations « suspectes de n’être pas tout à fait ivoiriennes », et en donnant à cette marge une localisation géographique, un profil ethnique, et parfois même une appartenance religieuse, certains responsables ivoiriens ont joué avec le feu 4.

23) La partition de fait née de la mutinerie du 19 septembre 2002 n’est donc pas due au hasard : elle était inscrite dans les esprits depuis longtemps, et aura du mal à se cicatriser.

NB :L’appel de titre et le titre sont de la rédaction

Encadré

Pourquoi ADO crie victoire

Le RDR, 1er avec 24,8% des suffrages, le FPI, 2ème avec 20,6% et le PDCI, 3ème avec 19,7%. Tenez-vous bien ! Ce n’est pas un sondage. Encore moins une étude réalisée sur une population cible. Ces chiffres sont les résultats des consultations départementales obtenus par les candidats des principaux partis politiques et commentés par des communicologues du RDR dans un document intitulé «texte intégrale en libre accès disponible», pour dit-on apporter la contradiction à tous ceux qui doutent de la victoire de leur Candidat. Les autocrates du RDR qui sont sur la défensive sont convaincus que les régimes successifs qui ont combattu leur leader réalisent aujourd’hui qu’ils ont mené des combats à contre sens de l’histoire. Selon eux, Alassane Dramane Ouattara a gagné toutes les batailles, y compris celle de sa candidature à la présidentielle. Ses partisans très enthousiastes pour cette première candidature développent la thèse selon laquelle le pouvoir FPI serait impopulaire et qu’il serait jugé mauvais par la quasi-totalité des ivoiriens qui ont soif d’un changement. Ils argumentent que le clan présidentiel qui voit sa défaite se dessiner à travers ces maigres scores obtenus au cours des dernières consultations électorales de 2000 à 2OO2, n’a pour seule perspective que de retarder l’échéance de sa chute. En vérité, faut-il tenir compte des chiffres de ces élections passées pour évaluer les principaux candidats dix ans après ? Est-ce que les résultats passés seront-ils différents de ceux de la prochaine présidentielle ? Autant d’interrogations à prendre en compte dans la mesure où Le contexte et l’environnement politique ont sensiblement changé. Mieux, il y a eu des mutations et une recomposition de la classe politique ivoirienne. Mais à qui cela profite réellement? Violente question. Seulement, la solution réside dans les choix tactiques et communicationnels des différents candidats. Tout simplement, il faudra bien que le RDR pour maintenir son score des départementales et municipales, devra savoir son mal et être capable de le diagnostiquer. C’est tout comme quelqu’un qui doit ouvrir une porte, il faut qu’il connaisse le mécanisme de la serrure afin de tourner la clef dans le bon sens pour ouvrir effectivement cette porte. Simple démarche pour rentrer dans le cercle vertueux de la victoire. Surtout dans ce contexte de crise où le RDR est accusé à tort ou à raison d’être le commanditaire des coups d’état, il devra pouvoir décoder le code secret de la porte de la victoire pour y avoir accès. Et ce code secret est détenu par les électeurs qui doivent être convaincus. Le RDR et son Président seront face donc à un chef d’Etat sortant qui a, de forts arguments d’être réélu sans surprise. C’est pourquoi, le Président des républicains doit se débarrasser de tout élément subjectif qu’on lui reproche. Même si le fils de Kong s’en sort bien pour l’instant, le paradoxe est de taille. Hier, considéré comme la victime, Alassane Dramane Ouattara est presque pris aujourd’hui, comme l’instigateur de la rebellion armée. Et Gbagbo considéré comme le manipulateur est devenu le faiseur de paix. Comment le leader des républicains contournera tout cela ? Comment va-t-il faire pour garder sa stature de martyr ? Fâcheuses questions. Mais le gros handicap, selon le témoignage d’un militant qui donne froid dans le dos : « notre candidat est très mal entouré. ADO ne donne plus rien par la faute de certains de ses conseillers». Et d’ajouter : « un chef qui ne donne pas, en Afrique, n’est pas un bon chef. Cette pratique, Laurent Gbagbo, notre principal adversaire, l’a compris. Et cela peut être déterminant au décompte final. Une élection ne se gagne pas seulement avec des discours, mais avec de grands moyens». Sans commentaire ! ADO a désormais dos au mur. Se mettre à l’abri d’un retour en arrière s’il veut réaliser son rêve. Celui d’être le 5ème Président de la République de Côte d’Ivoire

Patrice Pohé

Avec le partenariat d l’Intelligent d’Abidjan

Wed, 29 Sep 2010 12:31:00 +0200

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