Humeur. L’Afrique et ses prétendants

L’année dernière en Zambie, à la même période, Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat des Etats-Unis, s’est répandue en conseils aux Africains. Cependant que l’OTAN n’en avait pas encore terminé avec la Libye qui n’était pas, de ce fait, concernée par la virée de la conseillère impériale, forte des menaces qu’elle draîne dans son sillage, l’air de rien, a eu des couplets croustillants, dont celui-ci : «Nous ne voulons pas voir un nouveau colonialisme en Afrique. Nous ne voulons pas voir (les investisseurs) saper la bonne gouvernance en Afrique». Et il ne faut pas croire qu’elle s’en est tenue aux euphémismes.
Elle a nommément désigné la Chine, qui grignote dangereusement le continent, tout en réduisant la part convoitée par les entreprises et les spéculateurs occidentaux. En termes d’alternative au géant asiatique, la Clinton affirme qu’il y a plus «de leçons à tirer des États-Unis et des démocraties». D’après elle, en substance, l’Afrique doit rester dans le giron de ceux qui l’ont colonisée, plus précisément dans celui de leur parrain, décidé à manifester sa préséance au détriment de ses vassaux. Elle met, tout de même, la forme en ne donnant pas d’ordre évident, en faisant part, simplement, de son «vouloir», sur un ton qui se veut attentionné. On serait sur le point d’y voir une touchante préoccupation, une préoccupation désintéressée et le souci de voir les Africains être «bien gouvernés». Mais elle parle de «leçons à tirer» à des gens qui ont tiré plus de leçons qu’il n’en faut, et pas du tout du «nouveau colonialisme», mais du colonialisme réel et de ses prolongements, toujours en vigueur.
Dans l’actualité brûlante, il n’y a qu’à se référer à la Libye qui vient d’être «démocratisée» et qui jouit de la gouvernance certifiée par les «Etats-Unis et les démocraties», sans préjudice du prix qu’elle a dû payer pour ce sublime privilège.
Plus bas dans la hiérarchie, le nouveau président français, François Hollande, annonce «mettre fin à la Françafrique», pour peu qu’il en reste assez, depuis que de plus puissants l’ont investie. Il dit aussi qu’il va «traiter d’égal à égal» avec les Africains, pour peu qu’il puisse se permettre de rivaliser avec plus puissants, dans le domaine. Mais il reste très peu crédible, même avec un statut fortement écorné. Lui et son parti ont été de toutes les entreprises néocoloniales, en votant et en soutenant toutes les initiatives guerrières contre les pays qui voulaient justement «traiter d’égal à égal» et qui refusent les «conseils» de la «communauté internationale».
De plus, pour ne rien gâcher, le président frais émoulu, n’a pas trouvé mieux que de convoquer Jules Ferry. Celui qui pensait tout haut que «les races supérieures ont le devoir de civiliser les races inférieures». Il aurait pu s’en passer, car maintenant que c’est fait, il lui sera difficile de justifier son peu de perspicacité sur la question. Parler de l’école n’oblige pas de risquer de jeter le doute sur son idéologie profonde. A moins qu’il soit possible d’arriver à la tête de l’une des nations les plus cultivées du monde et de traîner des tares aussi profondes, en matière de subtilité, soi-même et son armée de conseillers et de collaborateurs.

Badis Guettaf in Le Jour d’Algérie

Wed, 23 May 2012 16:47:00 +0200

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