• dim. Oct 13th, 2024

    La Liberté d'Informer

    Il y a 7 ans, Ben Soumahoro avait prevenu : ‘’Les rebelles sont logiques : ils ne désarmeront pas‘’

    ByLa Dépêche d'Abidjan

    Nov 20, 2021

    Photo : DR
    M. Ben Soumahoro, que devenez-vous ?
    C’est ce qu’on appelle une question directe. Ma réponse sera simple parce que ce que je vis n’a rien d’extraordinaire. Je partage ma journée entre mon domicile, les écoles de mes enfants et de mes petits-enfants, quelques visites à de rares amis, les courses dans les supermarchés pour ma famille, quelques voyages à l’étranger de temps à autre pour y soutenir notamment trois de mes enfants qui font leurs études en France, sans oublier les séances et autres obligations que m’impose mon mandat de député de la Nation. En somme, vous voyez bien que je mène une bonne vie de retraité tranquille. Mais il est évident que ce n’est pas ce qui vous intéresse. Je lis bien dans votre question des regrets de ne pas me voir plus actif sur la scène politique bouillante du moment. Je vois en ce moment une floraison de candidatures pour la présidentielle de 2005, toutes aussi farfelues, les unes que les autres. Je vois aussi des prises de positions autour d’anciens et éternels candidats à la magistrature suprême, sans compter des créations tous azimuts de partis politiques sans orientation et sans autres objectifs que ces élections-là. Je trouve cette agitation dérisoire, prématurée et même hors de propos, au moment où la préoccupation essentielle des Ivoiriens est de recouvrer la totalité de la superficie de leur pays et de retrouver la paix. Il n’y a donc aucune chance de me trouver au milieu de ce tohu-bohu stérile. C’est ce qui vous donne l’impression que je ne « deviens » rien. Mais chaque chose en son temps.

    Que devient également votre projet de télé-radio ; on l’attend en vain depuis ?
    Vous, je vous vois venir. Votre question traduit une nervosité que vous voulez me faire partager. Ce que vous ne dites pas clairement, c’est que je suis l’ami du président Gbagbo sans que cela ait changé le sort de mon projet de télévision et de radio resté au point mort. Je ne crois pas qu’il soit utile de vous dire ce que je peux dire au président lui-même à ce sujet. Merci de vous inquiéter pour moi. Le temps passe certes, mais sachez que j’y crois toujours. A bon entendeur, salut !

    En tant que professionnel à la retraite et hors de l’arène, quel regard jetez-vous sur l’audiovisuel et les médias dans notre pays ?
    Là aussi, vous savez que votre question m’embarrasse, mais je vais vous dire la vérité. D’abord, je suis surpris par le fait que toutes les décisions de nominations dans l’audiovisuel ont été prises en dépit du bon sens.
    1- Le Conseil national de l’audiovisuel est dirigé par des hommes de la presse écrite, je ne mets pas en cause ici leurs qualités de journalistes au demeurant excellentes.
    2- La presse écrite, elle, est coiffée par le respectable Eugène Kacou qui appartient à l’audiovisuel depuis plus de 25 ans.

    Où est la logique et quelle efficacité recherche-t-on ?
    La RTI est un véritable « foutoir » dirigé par des gens parfaitement incapables de relever les défis d’aujourd’hui, à plus forte raison ceux de demain. Voici un organisme qui regorge de talents dans tous les domaines technique et artistique, qui dispose d’un potentiel financier inexploité (pour incompétence) et qui par extraordinaire bénéficie d’une véritable explosion dans le domaine musical et qui se traine, ventre à terre, sans donner le moindre signe de redressement possible. Les animateurs sont devenus des commerçants qui exploitent honteusement les pauvres artistes-chanteurs-musiciens. Les directeurs plongent à corps perdu dans la magouille et la corruption à ciel ouvert et ce sont les téléspectateurs qui en pâtissent sans aucun espoir de changement à l’horizon. L’avenir est même plus simple encore puisque en même temps les rebelles a qui on a « donné » le ministère de la communication nous promettent des heures totalement staliniennes de censure, de brimades de leurs adversaires politiques, c’est-à-dire toute la nation, ils nous promettent eux aussi de mettre à la tête de l’appareil audiovisuel d’Etat, un homme de la presse écrite. C’est triste. Heureusement qu’il y a Canal Satellite. Ne me parlez pas de la télé, c’est vraiment n’importe quoi. La radio, elle, a le mérite de ne pas exister. Pouvez-vous être étonné alors de l’importance que prend RFI dans le débat national ? Nous devons nous en prendre à nous-mêmes.

    Les médias, c’est aussi les journaux qu’on déchire ; est-ce normal cette atteinte à la liberté d’expression ?
    Votre question est brève mais elle est dangereuse, puisqu’elle me met devant un choix violent, définitif et clair. Celui de condamner ou d’approuver les « déchireurs » de journaux. Par ailleurs, vous savez que j’ai été la victime expiatoire de ces journaux que l’on déchire aujourd’hui pour leur contenu, leurs prises de positions souvent gratuitement agressifs et volontairement nuisibles. Ces journaux n’ont pas pour objectif d’informer mais d’intoxiquer, de salir des personnes qui ne s’inscrivent pas dans leur logique, ou le programme de leur commanditaire et mentor. Le mal commence là. Il y a une solidarité dans le mal comme dans le bien ; et le mal qui résulte de l’action obéit toujours à des enchainements. Ces journaux que l’on déchire dans les quartiers d’Abidjan le méritent parfaitement. Ne comptez pas sur moi pour faire plaisir à ce plaisantin de Robert Ménard qui a en permanence l’injure à la bouche et qui ignore une chose élémentaire, à savoir que la liberté d’expression qui lui est si chère, ne garantit pas la qualité de l’information ni même son honnêteté. La liberté d’expression est sans prix certes, mais elle est loin d’être l’infaillibilité. Qu’on cesse de nous « gonfler les bronches » avec cette histoire. Les journaux qui ne respectent pas les gens, ceux qui incitent à la déstabilisation d’un régime démocratiquement établi, les journaux qui ne respectent pas les institutions de la République et qui salissent le pays et détruisent son image, doivent subir la rigueur d’une opinion qui défend la patrie. Voici des plumitifs qui ignorent que c’est l’opinion qui est pluraliste et que l’information, elle, est exacte ou fausse. Ils n’obéissent à aucune règle de ce noble métier. Ils pensent qu’une ligne éditoriale est un filon monétaire ou pire, une kalachnikov au service de leur mentor et commanditaire et vous voulez qu’on les laisse faire impunément ?! Arrêtez-moi sur cette question avant que je ne fasse un malheur…

    On vous avait taxé de va-t-en guerre. Mais au moment où les patriotes montent au créneau pour libérer le pays, on ne vous entend pas. Pourquoi ?
    « Va-t-en guerre » est désormais une formule consacrée pour diaboliser tous ceux qui refusent de cautionner cette politique néocoloniale rampante qui consiste à mépriser un peuple tout entier, à fouler aux pieds ses aspirations et à banaliser ses acquis démocratiques. Les va-t-en guerre sont ceux qui refusent que la communauté internationale et singulièrement l’ancienne puissance coloniale déroulent le tapis rouge à des hordes hirsutes de bandits venus déstabiliser un régime démocratiquement élu pour installer au pouvoir leur protégé Alassane Ouattara. Heureusement pour le pays que cette association de malfaiteurs a trouvé sur son chemin des « va-t-en guerre ». Pour ma part, cette appellation contrôlée par les adversaires de la nation ivoirienne est un honneur pour moi ; et chaque fois qu’on me l’attribue, j’en suis fier et content. Mais, vous me dites qu’on ne m’entend pas au moment où mes jeunes frères patriotes donnent de la voix et montent au créneau pour libérer le pays. Vous avez raison, on ne m’entend plus très souvent. Cela tient au fait que la seule véritable tribune qui me reste est l’Assemblée nationale. Comme tous les autres députés, j’attends les textes de Linas-Marcoussis dans l’hémicycle pour m’exprimer. Pour ce qui concerne la situation politique générale et l’état de guerre en particulier, j’ai déjà tout dit. Il est vrai que la répétition a une vertu pédagogique, mais il ne faut pas aussi lasser les gens. Un temps pour parler, un temps pour se taire. C’est cela la bonne stratégie de la communication. Pour revenir aux jeunes patriotes, dites-leur si vous les voyez que je suis totalement en phase avec eux et que rien ne les détourne des objectifs qu’ils visent. Ils ont mon soutien entier pour leur noble combat. La nation leur est déjà reconnaissante pour leur engagement.

    Vous avez toujours dit qu’on ne peut pas éviter la guerre ; vous le dites depuis le 19 septembre 2002. En êtes-vous toujours convaincu ?
    Je l’ai dit le 19 septembre 2002 ; je l’ai répété à Yopougon le 6 octobre 2002 ; je n’ai jamais cessé de le marteler à l’Assemblée nationale. Au point d’agacer certains députés atteints de cécité politique et payés pour faire du chahut au profit de leur commanditaire. Je continue de penser que la guerre est inévitable.

    Pourquoi ?
    – Parce que je ne connais pas de guerre où il n’y a ni vainqueurs ni vaincus et où on appelle brusquement à la réconciliation nationale sous la pression de l’extérieur et où les faits établis n’ont pas abouti à des condamnations claires auparavant. Ici en Côte d’Ivoire, tout s’est déroulé comme si Gbagbo Laurent était l’agresseur et les rebelles la victime, tout simplement parce que le président élu par les Ivoiriens ne plait pas au pouvoir établi en France.
    – Ensuite, parce que malgré tout le cinéma organisé autour de cette question, les rebelles ne désarmeront pas. Voici des gens qui n’étaient rien : un ramassis de déserteurs demi-lettrés et de mercenaires locaux et étrangers analphabètes qui ont réussi grâce à la France, au Burkina Faso et au Liberia à arracher quelques portefeuilles ministériels par les armes. Ils n’étaient rien avant la prise des armes, ils ne seront pas grand-chose après la guerre qu’ils ont déclenchée. Et vous voulez qu’ils rendent les armes qui constituent la seule garantie de leur usurpation d’une partie du pouvoir ? Mais voyons, vous plaisantez ! Mettez-vous un peu à leur place. Ils ne sont pas venus le 19 septembre pour une négociation, ils sont venus uniquement pour nous tuer et prendre le pouvoir. C’est cela la réalité qu’ils ne cesseront jamais d’intégrer à leur démarche. Ce que je peux dire à ce stade des événements, c’est que les rebelles sont logiques avec eux-mêmes.
    – Troisièmement, l’arbitre n’est pas impartial. La France, coincée par le fait que Gbagbo est incontournable et solide dans le pays, passe son temps à siffler des penalties et des hors-jeu imaginaires pour donner du temps aux rebelles.
    – Quatrièmement, tout le monde fait semblant d’ignorer l’élément majeur de cette crise. Là-dessus, je serai bref parce que j’ai tout dit à ce sujet. Nous sommes en face d’une entreprise du diable. Le patron de cette rébellion, l’instigateur de ce coup d’Etat du 19 septembre 2002 et de la guerre dans notre pays, c’est sans aucun doute Alassane Ouattara. Il est le concepteur-organisateur, le centralisateur et le fédérateur des énergies et de l’argent de cette fratricide guerre. Ecoutez-moi bien ! Tant que la Côte d’Ivoire ne sera pas débarrassée de ce malfaisant, ce pays ne connaîtra pas la paix ! Voilà pourquoi je suis convaincu qu’on ne peut pas éviter la guerre.

    Mais, que vous a fait Seydou Diarra ? Il est votre frère, votre ami. Et pourtant vous ne le ménagez pas ?
    Seydou Diarra est mon frère et mon ami. Oui, mais ça ne lui coûte rien. Ça ne me coûte rien non plus. C’est pour cette raison que je me sens libre vis-à-vis de lui. J’espère qu’il est dans les mêmes dispositions d’esprit. Je ne le ménage pas parce qu’il est clairement établi qu’il est manipulé, instrumentalisé par Alassane Ouattara. Je me suis senti floué dans mes relations avec lui dès lors qu’il m’est apparu qu’il jouait le jeu démoniaque de cet apatride qui veut détruire ce pays. Oui, j’affirme que Seydou Diarra est l’instrument de Ouattara ; voilà pourquoi je ne le supporte pas. Ensuite, je m’interroge sur un certain nombre de dispositions des textes de Marcoussis, dont notamment le transfert des pouvoirs du Président de la République au Premier ministre, pour aboutir à la conclusion que c’est Seydou Diarra et Seydou Diarra seul qui bloque le processus de paix en Côte d’Ivoire. Finalement, qu’est-ce que cela coûterait à Seydou Diarra lui-même de convaincre ses commanditaires, la France, l’ONU, la CEDEAO, IB, Alassane Ouattara, Soro Guillaume, Zakaria Koné et j’en passe et pas des moindres, qu’il renonce lui-même à ces pouvoirs qu’en aucun cas le peuple de Côte d’Ivoire ne permettra à Gbagbo de lui transférer. Si Seydou Diarra voulait signer des décrets, pourquoi ne s’est-il pas présenté aux élections de l’an 2000 ? Et vous voulez que je le ménage ?

    Est-ce vrai que vous avez l’art de vous brouiller avec vos proches et vos amis ?
    Quand on fait de la politique, se brouiller avec ses proches et ses amis n’est pas un art ; c’est une faute. Mais, je ne fais pas de politique. Pas encore.

    Vous avez transformé en bunker votre résidence. Comment avez-vous fait ?
    Oui, j’ai renforcé la sécurité de mon domicile pour des raisons évidentes et réaménagé les bâtiments pour une raison de confort. Qui pourrait ne pas comprendre cela ? Et puis, j’ai quelque chose à protéger désormais dans cette maison. Je ne veux plus que des pique-assiettes viennent déranger ma tranquillité, s’empiffrer à longueur de mois et d’années pour ensuite aller me dénigrer avec l’autorité que confère à leurs mensonges la proximité que je leur accorde généreusement. Si vous voulez des exemples, repassez me voir. Nous n’allons pas ennuyer vos lecteurs avec une liste aussi longue que fastidieuse d’énergumènes qui ne méritent aucun intérêt. Par ailleurs, votre question est brève, mais pleine de pièges. Parce que ce qui vous intéresse vraiment, c’est le financement de cette opération de réhabilitation de ce que vous appelez « ma résidence ». Avant vous, certains de vos collègues, sans m’avoir jamais rencontré, ont affirmé que c’est le chef de l’Etat, mon ami Laurent Gbagbo, qui a payé la facture. Ils ont même osé avancer des chiffres évidemment faramineux. Supposons un instant que c’est le chef de l’Etat qui a payé la note, où est le mal ?

    Avec notre partenaire L’Intelligent d’Abidjan / Interview réalisée par Assé Alafé, in L’I.A n° 086 du 17 décembre 2003

    Sat, 17 Apr 2010 01:29:00 +0200

    Je recommande ceci

    Laisser un commentaire

    Nous utilisons des cookies afin de vous offrir la meilleure expérience possible sur notre site Web. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez notre utilisation des cookies.
    Accepter
    Refuser
    Privacy Policy