La veuve de Thomas Sankara déboutée

Il est 8 heures passées de quelques minutes. La salle d’audience est vide. Sur le siège une pile de dossiers. Parmi eux, le très médiatique dossier Thomas Sankara. Dans la cour, ce n’est pas la mobilisation des grands jours. Il y a plus de journalistes dans le public que de badauds. Les 14 ans de procédure ont-ils fini d’user la ténacité des partisans de l’ancien président ? Quelques irréductibles se font quand même entendre. « Nous n’abandonnerons jamais ! Nous serons toujours là pour demander que la justice soit rendue à Thomas Sankara », s’exclame, en langue mooré un homme au milieu d’un petit groupe de cinq personnes. L’attente durera une heure. Le délibéré tombe : le pourvoi formulé contre le jugement de la Cour d’appel de Ouagadougou est recevable dans sa forme. Mais la Cour le rejette quant au fond. La salle se vide en une fraction de seconde. C’était le dernier dossier. Les journalistes prennent d’assaut Me Sankara. Le ton est à l’optimisme même si l’homme de droit sait que le chemin qui mène à la vérité sur la mort de Thomas Sankara est jonché d’embûches. D’autres procédures sont en cours, selon lui (voir encadré). Notamment la demande qui serait sur la table du ministre de la Défense à qui il est demandé de donner un ordre de poursuite pour rechercher les auteurs de la mort du capitaine Thomas Sankara. L’avocat pense qu’il y a « beaucoup d’espoir » malgré les quinze années de procédures. Pour lui, on aura beau tourné, on reviendra un jour sur les assassins du président Sankara. Le crime étant imprescriptible selon lui. Cette plainte pour séquestration est consécutive à celle déposée par la partie civile contre X, le 29 septembre 1997, formulée ainsi qu’il suit : « Pour assassinat et faux en écriture administrative ». La Justice burkinabè, en son temps, avait déclaré que les juridictions de droit commun étaient incompétentes pour connaître du dossier. Se fondant, entre autres, sur cette décision tirée de l’article 34, alinéa 1er, du Code de justice militaire : « Les juridictions militaires sont compétentes pour instruire et juger les infractions de droit commun commises par les militaires ou assimilés dans le service ou dans les établissements militaires ou chez l’hôte ainsi que les infractions militaires prévues par le présent Code, conformément aux règles de procédure applicables devant elle » ; les ayants droit sont dans l’attente de cet ordre de poursuite qui devrait venir du ministre de la Défense, .. Blaise Compaoré, président du Faso. La partie civile a rappelé qu’une autre procédure est en cours, notamment la demande de test ADN afin de s’assurer que c’est bien l’ancien président qui repose au cimetière de Dagnoen, depuis le 15 octobre 1987. La cour qui fait son entrée à 9 heures évacue un premier dossier, suspend l’audience et revient quelques minutes plus tard pour aborder des dossiers en « procédure spéciale ». Il s’agit de personnes qui, du fait de leur qualité, bénéficient de privilèges de juridiction. Il s’agit d’un commissaire de police impliqué dans une affaire d’extorsion de fonds et d’un maire adjoint poursuivi pour complicité de meurtre dans le cadre d’un affrontement meurtrier dans la zone de Solenzo. Ces deux affaires ont été confiées au doyen des juges d’instructions de la Cour d’appel de Bobo-Dioulasso.

Me Sankara, avocat des ayants droit du président Thomas Sankara

« Nous avons désormais les coudées franches »

A l’issue du délibéré, nous avons tendu notre micro à l’avocat, Me Sankara, constitué avocat pour le compte de Mariam et des fils Sankara.

« C’est une décision de Justice. Nous en prenons acte. Je précise que ce n’est qu’un aspect de tout un arsenal de procédures que nous avions initiées. Et l’épuisement de celle-ci est une bonne chose d’une certaine façon. Cela nous permet désormais de nous consacrer au dossier de fond, qui est l’assassinat du capitaine Thomas Sankara. Rappelez-vous qu’il y a des procédures en cours sur l’expertise de la tombe, une demande de test d’ADN et nous avons une requête qui est devant le bureau du ministre de la Défense qui n’est autre que le président Blaise Compaoré, en sa qualité également de ministre de la Défense. C’est lui qui doit donner l’ordre de poursuite que nous attendons pour que la procédure évolue. Vous avez vu que la Cour a estimé que notre recours était recevable mais l’a rejeté au fond en ce qui concerne la question de la séquestration du président Thomas Sankara. Il reste maintenant une question de taille : celle de l’assassinat du président Thomas Sankara. Nous avons désormais les coudées franches pour entamer cette procédure. »

Abdoulaye TAO in LE PAYS

Sat, 30 Jun 2012 00:53:00 +0200

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