Laurent Akoun, secrétaire général du Fpi, après son interpellation par la Dst jeudi: “Le régime fait preuve de fébrilité”

Notre Voie : Dans quelles circonstances avez-vous été interpellé à l’aéroport, le jeudi, à votre arrivée d’Accra ?

Laurent Akoun : Nous sommes allés au Ghana pour rencontrer nos camarades qui sont en exil, pour discuter de notre mobilisation pour la reconquête du pouvoir d’Etat, par les moyens démocratiques. Cette reconquête passe par des défis fondamentaux à relever, dont deux principaux. Le premier, c’est la libération de Laurent Gbagbo et de tous les autres camarades détenus, le retour de tous les exilés. Le deuxième défi, c’est celui de rebâtir notre parti. Nous avons tous suivi les déclarations qui disaient qu’en Côte d’Ivoire, c’est fini pour le Fpi. Nous avons donc évoqué ces questions…

N.V. : Revenons à votre arrivée à l’aéroport d’Abidjan.

L.A. : Arrivée à l’aéroport, j’ai fini les formalités au niveau du contrôle sanitaire. L’on a vérifié si j’étais à jour de mes vaccins. Je me suis dirigé vers le comptoir où se trouvent les fiches pour remplir les formalités. Au moment où j’avais presque fini de les remplir, j’étais sur les questions relatives à la date d’établissement du passeport, la validité, le numéro, c’est à ce moment-là que deux agents de la police aéroportuaire m’ont approché. C’était des sous-officiers. Ils m’ont abordé, et m’ont demandé d’arrêter de remplir ma fiche, et de les suivre. J’ai obtempéré. Ils m’ont expliqué que le commissaire de l’aéroport voulait me voir. Le commissaire en question (Ndlr : Touré Lanzéni) m’a reçu. Il m’a expliqué que c’est le directeur de la surveillance du territoire qui voulait me voir et m’a dit de ne pas m’inquiéter. Visiblement, ce dernier voulait me rassurer. Je ne sais pas de quoi, mais, bref. Je lui ai fait part de mon désir d’aller chercher mes bagages. Il a dit non, des agents pourraient le faire. Je leur ai donc remis le talon du ticket d’embarquement, et ses agents sont allés chercher les bagages. Comme bagage en main, j’avais un traulet. Lorsque mes bagages sont arrivés, nous avons embarqué pour la Direction de la surveillance du territoire (Dst), à Cocody. Il était autour de 16h 30 min, quand nous sommes arrivés sur les lieux. Une fois là-bas, le directeur, le commissaire Diomandé m’a reçu en compagnie d’un de ses collaborateurs.

N.V. : Quelles étaient concrètement leurs préoccupations ?

L.A. : Premier acte. La fouille de mes bagages. C’est une fouille qui s’est faite dans les règles de l’art. Je ne sais pas ce qu’on cherchait, mais, à la fin de la fouille, ils n’ont rien trouvé. Ils ont confisqué mon ordinateur et deux téléphones portables que j’avais. Pour éviter qu’ils tripatouillent les choses, je leur ai donné moi-même, les codes. L’agent qui était à la tâche était tellement zélé, qu’il a bloqué l’ordinateur. Après les fouilles, ils m’ont entendu sur Procès verbal, de 19 h à 23 h.

N.V. : Que vous reprochaient-ils ? Sur quoi a porté l’interrogatoire ?

L.A. : Sur le PV, ils ont mentionné, «examen de la situation d’Etat». Qu’est-ce ça veut dire ? Je ne saurais vous le dire. Ils m’ont demandé quand je suis allé à Accra, et pourquoi j’y suis allé. Je leur ai exposé ce que je suis allé faire. Je leur ai dit que je suis allé au Ghana pour rencontrer nos militants qui y sont en exil. J’ai évoqué les rencontres que j’ai eues avec ces camarades. La première a eu lieu dans un hôtel qu’on appelle Air Side hotel, à Accra. J’ai expliqué que nous avons parlé de la vie de notre parti. J’ai fait le film de la rencontre en indiquant que j’ai fait observer une minute de silence à toutes les victimes de la grave crise que notre pays a traversée ; j’ai rappelé l’objectif de notre lutte qui est la reconquête du pouvoir d’Etat dans les urnes ; j’ai dit comment nous devons faire pour faire avancer la lutte. Puis j’ai parlé des visites que j’ai eues avec certains camarades. Notamment celles avec Mme Koudou Jeannette et la mère du président Laurent Gbagbo ; la visite au ministre Emmanuel Monnet, qui m’a reçu à déjeuner en compagnie du ministre Koffi Koffi Lazare. Ensuite j’ai rencontré le secrétaire général du parti au pouvoir, le National Democratic Congress. L’avant dernière visite a été consacrée à l’ambassadeur de Côte d’Ivoire près le Ghana, SEM Ehui Bernard. Et je suis allé enfin saluer les enfants du président Gbagbo. Ce résumé fait, ils m’ont demandé si j’ai rencontré l’«aile militaire». Je leur ai demandé de quelle aile militaire ils parlent. Puis j’ai répondu que je n’ai eu de rencontre avec une quelconque aile militaire. Ils voulaient savoir aussi, si j’ai fait un tour à Lomé. J’ai indiqué que j’y ai transité par deux fois. A l’aller, l’avion a transité par Lomé avant de rallier Accra. De même qu’au retour. Je voudrais relever qu’il n’a pas été permis à mon avocat, Me Toussaint Dako, de suivre l’interrogatoire. Je souligne qu’ils m’ont effectivement soumis à un interrogatoire, au terme duquel, ils m’ont fait signer un PV.

N.V. : A quel moment vous avez été libéré ?

L.A. : L’audition a duré de 19h à 23 h. C’est donc à 23h qu’ils m’ont libéré, en me laissant dans la rue. A cette heure tardive, je pouvais être agressé. Ce matin (NDLR : hier vendredi), je suis retourné à la Dst avec mes collaborateurs pour récupérer mes téléphones et mon ordinateur. Le directeur de la surveillance du territoire, nous a fait attendre de 13 h à 15 h avant de nous restituer nos matériels.

N.V. : Comment réagissez-vous personnellement à cette interpellation, et quelle suite votre parti compte lui donner ?

L.A. : J’ai rendu compte à chaud à la direction du parti. Nous allons donner une réponse qui prend en compte ce que j’ai vécu mais aussi ce qui est servi à tous les responsables et militants, comme atteintes graves aux libertés, par le régime Ouattara qui excelle dans son « rattrapage». Le régime fait preuve d’une fébrilité et le contraire m’aurait étonné. En démocratie, on n’est pas obligé de s’aimer mais on doit respecter le droit à la différence. Le Fpi est une des formations qui comptent en Côte d’Ivoire, et qu’on veut supprimer. Ils n’y arriveront pas parce que le Fpi, c’est le combat pour les libertés. Nous serons là pour continuer la lutte pour la restauration des droits démocratiques.

Interview réalisé par Jean Khalil Sella et César Ebrokié in Notre Voie

Sat, 10 Mar 2012 01:28:00 +0100

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