Mes conseils à François Hollande

Le président français subit son baptême du feu africain lors du sommet de la Francophonie à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo, les 13 et 14 octobre. Au pied de la passerelle d’embarquement, Mahi, une Ivoirienne, lui adresse ses dernières recommandations

François Hollande et l’Afrique, une, première.

On se souvient de François Mitterrand, de son discours de La Baule mais aussi des aventures de Papamadit (Jean-Christophe Mitterrand), de Giscard avec ses diamants de Bokassa, de Chirac dans son village françafricain, de Sarkozy et son brûlot de Dakar.

Que nous réserve le nouveau président socialiste dans un marigot où la realpolitik, la défense des intérêts nationaux engloutissent les convictions les plus affirmées? Va-t-il nous servir une vieille soupe réchauffée?

«Plutôt la Corrèze que le Zambèze», avait lancé le journaliste Raymond Cartier dans les années soixante.

On disait François Hollande, le Corrézien d’adoption, totalement imperméable aux questions africaines.

A écouter les échos qui reviennent de l’Elysée, on apprend qu’il se fait bombarder quotidiennement de notes, de rapports sur les derniers avatars des Etats africains. Véritable passion tardive? Ou cours de rattrapage accéléré?

Des communications rédigées le plus souvent par des docteurs es Afrique, pompeusement baptisés «africanistes», ne connaissant souvent du continent noir que les aéroports et les chambres d’hôtels de luxe.

Qui, dans leurs bureaux parisiens, tirent des conclusions, font des prospectives à trente ans, ignorant tout de la vraie vie d’une planète en pleine effervescence. Et d’une population de près d’un milliard d’hommes et de femmes emportés dans le tourbillon de la mondialisation.

Au milieu d’elle, Mahi, une Ivoirienne, fraîchement débarquée en France, qui a voulu adresser au président français quelques remarques avant ce sommet de la Francophonie. En nouchi, ce français imagé qu’on parle dans les rues d’Abidjan. D’où, parfois une nécessaire traduction en pure langue de Molière.

nouchi cote d’ivoire by user798880640

La francophonie

«Prési, lance Mahi à François Hollande. Prési, c’est plus choco (plus classe, moins ringard) que président. Dis-moi, votre affaire de francophonie dont vous parlez tout le temps, c’est quoi? Tout ce qu’on voit, c’est un président blanc, un grand chef qui réunit tous ses notables pour faire le point sur la mission qu’il leur a confié.

Francophonie, faut nous affairer (informer) parce que nous, on comprend rien. François Hollande, on veut entendre de ta propre bouche ce que francophonie veut dire. Faut nous expliquer parce qu’aujourd’hui on va prendre drap (on veut tout savoir) de l’affaire. Et puis tu as dit aussi que d’ici 2050, 80% des francophones seront Africains. Ca là, c’est quoi encore? C’est-à-dire, c’est nous seuls qui, d’ici 2050, allons parler français. Et les blancs, eux ils vont plus parler français? Ils parleront quoi? Je vais te dire une chose, peut-être prési tu sais pas, mais nous, on a fini avec français.

Français, on a mis ça à gauche (de côté) même. Actuellement, tous nos enfants, on leur apprend anglais en désordre (de façon forcenée). Dans tous les pays francophones, on fait rien avec français. Depuis que vous êtes en train de créer les palabres de gauche à droite dans nos pays, on est fâchés, en même temps, ça chauffe nos cours. Prési, je dois te dire ça. Nous on a commencé à créer notre langage.»

Le discours de Dakar

Prési, reprend Mahi, président Sarkozy avait dit que l’homme africain n’est pas entré dans l’histoire. Ca là, toi-même qui est là actuellement, qu’est ce que ça veut dire? Moi-même, je ne comprends pas. C’est foutaise. Nous on a des grands hommes. Nelson Mandela, c’est blanc, c’est métis, c’est quoi? C’est noir, c’est Africain. Nous on a des Mogho Naaba (roi du Burkina de 1957 à 1981).

L’histoire, quand c’est pas blanc, c’est pas l’homme (on n’est pas considéré). Lui, Sarkozy, il a parlé, mais toi, faut nous dire. Ce que l’autre a dit, peut-être, tu penses ça. Faut nous dire, on veut prendre drap dans ça (on veut savoir).

Les élections truquées

Prési, faut m’expliquer une autre chose encore. Dans ton ministère là-bas, il paraît qu’il y a des gens qui disent qu’il faut faire la morale aux présidents africains pour qu’ils arrêtent de tricher aux élections. Vous saviez bien qu’il y avait eu des tricheries dans les élections et puis vous composez avec ces présidents-là. Mais c’est quelle affaire ça? Ca me dépasse, franchement! Chaque fois qu’il y a des élections, il y a des tricheries et vous dites «non, tout s’est bien passé».

Maintenant aujourd’hui, vous parlez de les moraliser. C’est quelle morale, vous allez donner? Commencez par vous-mêmes. Quand quelqu’un triche et qu’on compose avec, on triche aussi. Si vous arrêtez de vous occuper de ce qui se passe dans nos politiques, je crois qu’il n’y aura pas de problème. Quand le peuple se lève, il y a des chars qui se lèvent aussi pour le calmer. Votre histoire de moralité, faut revoir ça. Gardez là et laissez nous gérer nos affaires.

L’immigration

Prési, tu veux savoir pourquoi on est versés (nombreux) sur le Mbènguè (en Europe) actuellement. Je vais te dire maintenant, on n’a pas le choix. On est venus se chercher ici. Il n’y a rien au pays actuellement. Politique a tout gâté (gâché) là-bas. On va faire quoi? On n’a qu’à s’asseoir, on va mourir de faim chez nous là-bas. Ici, au moins, même si tu n’as rien, tu peux avoir un peu de jetons (argent) pour ramener dans ton pays. On sait qu’ici, il y a des frères qui gâtent notre nom par leur comportement. Ils vous trauma-choquent, vrai-vrai.

Nous-mêmes, on est au courant.

Ce n’est pas pour ça que vous allez penser que c’est tout le monde. On n’est pas tous zinzins (déréglés). Il y en a aussi qui travaillent et étudient ici. Un matin, on va avoir un Obama parmi nous.

Propos recueillis par Philippe Duval – Source: slateafrique

Mon, 15 Oct 2012 11:05:00 +0200

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