Quand l’indéboulonnable crie Eurêka!

La Côte d’Ivoire en ce début d’année 2013, devrait après l’intervention des deux chefs du RHDP, pousser un grand ouf de soulagement. Malheureusement, ce mouvement respiratoire est resté dans ses poumons, un peu avant l’aube. D’aucuns se demandent pourquoi la Côte d’Ivoire devrait-elle respirer un grand coup ? La raison est simple. C’est parce que, Alassane Dramane Ouattara et son compère Bédié ont enfin découvert que, lorsqu’on est dans un pays comme le nôtre, on doit travailler au bonheur de ses concitoyens. Par ailleurs, ce qui est bon pour soi, l’est aussi pour les autres et par les autres. L’aîné des deux Houphouétistes, dans le Nouveau Réveil n°3276 du 02/01/13 p.6, annonce à travers ses vœux de nouvel an que, « la croissance reprend et les indicateurs le montrent à souhait. »

Embouchant la même trompette, l’indéboulonnable découvre sans appel, sans gêne qu’il entend dire que « l’argent ne circule pas », mais à son avis, malgré tout, il « travaille. » Nous reviendrons plus loin sur cet aspect, mais avant, étonnons-nous de ce que ces deux principaux responsables Houphouétistes découvrent enfin la joie d’un pays apaisé qui se met au travail. ADO se dit indéboulonnable, mais personne dans ce pays n’a jamais voulu le déboulonner, c’est lui qui est le père de la violence politique. C’est lui qui se prend pour le messie indispensable à la Côte d’Ivoire. C’est lui qui dit que soit c’est lui à la barre ou rien ne peut se faire. C’est lui qui n’a pas su attendre son heure et a voulu comprimer le temps, après les menaces de mélanger le pays. Voilà pourquoi nous sommes étonnés de l’entendre dire que le pays est au travail. Mais pourquoi donc le pays ne serait-il pas à la tâche puisque lui, l’empêcheur de tourner en rond s’est calmé, cela ne pouvait que démarrer, pardi ! Nous ne le déboulonnerons pas, si nous avions quelque chose à faire, ce serait de le faire sauter, son socle et lui compris. Heureusement que cela n’est pas foncièrement ivoirien. Quant à M. Bédié dit N’zuéba, quand il voit les indicateurs s’allumer et lui dire à souhait que la croissance est là, ça ne peut prêter qu’à sourire, parce qu’il est le même qui nous a endormi avec le miracle de l’économie ivoirienne des années 1970. Il est le même qui a contredit le docteur Samir Amin quand celui-ci parlait de croissance sans développement. Dix ans plus tard, les faits avaient donné raison au docteur Samir Amin. Pour la petite histoire, l’algérien Samir Amin a fait sa thèse de doctorat en économie sur le cas ivoirien…

Revenons à présent sur la boutade de M. Alassane Dramane Ouattara. Il dit entendre le peuple constater que l’argent ne circule pas. Lui-même, en tant qu’économiste, ne le voit-il pas ? Ne le sait-il pas en tant qu’individu vivant en Côte d’Ivoire ? C’est le dire sous cet angle qui est le problème même s’il le reconnaît indirectement. Si nous voulions être son alter ego dans le cynisme, nous dirions à contrario, que lorsque Bédié et Gbagbo étaient au pouvoir, l’argent circulait, donc ne travaillait-il pas alors ? L’argent peut-il à la fois circuler et travailler ? Si oui, quel est donc le rôle de celui-ci dans la société ? Avant de répondre à cette dernière question, faisons un clin d’œil au journaliste Jean-Eric Adingra dans Le Patriote n°3933 du 02/01/13 p.3. Ce dernier cire les pompes à ADO et déclare qu’il a donné une leçon d’économie aux donneurs de leçons qui prétendent qu’il y a des problèmes parce que l’argent ne circule pas. Devant une telle aberration, le commun des mortels peut faire tous les efforts pour respecter ce point de vue, mais tout cela sera voué à l’échec, parce que tout simplement absurde. Par contre, ce que le journaliste ne dit pas et qu’ADO a affirmé en filigrane, c’est que M. Alassane Dramane Ouattara reconnait implicitement que l’argent ne circule pas effectivement. Se faisant, il attire l’attention de ses détracteurs sur le fait que malgré tout, cet argent travaille. Mais ce travail est-il la conséquence de la non circulation ? Est-ce à cette fin qu’il a cité les chantiers qui le prouvent ? Cette façon de le dire est la meilleure manière de s’auto célébrer. On attendait sur ce point qu’Alassane Dramane Ouattara en tant que sachant, explique comment sans circulation de l’argent, le peuple peut ressentir dans son quotidien, les effets de « sa » politique ? Notre déception a été de constater que cet économiste s’est une fois de plus, abrité dans les promesses, lesquelles à l’instar des prophéties, prennent le futur comme l’exutoire par excellence afin d’échapper à la justification concrète que le présent exige. Hier, 2012 devait nous apporter la sécurité et le démarrage effectif de l’économie. Tout a été dit et constaté par les dirigeants politiques, mais le panier de la ménagère est resté affligent, affreusement malheureux et vide…

Cela dit, ce n’est pas une explication d’expert en économie que de dire que sans circuler, l’argent travaille. On n’a même pas besoin d’être économiste pour comprendre que l’argent est fait pour circuler. Et justement, c’est cela son premier rôle. Pour la gouverne de M. Adingra, l’argent conventionnellement permet les échanges qui ne se traduiraient que par le troc. Or qui dit troc dit échange et par voie de conséquence, la circulation de la monnaie qui créé un puissant mouvement de richesse. C’est trop facile de jouer les thuriféraires d’ADO, pour qu’à la moindre petite erreur qu’il commet, l’on l’explique par une leçon d’économie. C’est parce que la communauté internationale a adoubé le comportement de cet homme qu’il ne s’améliore pas. Il s’est installé dans la réputation de grand économiste « vouvouzela » ; du bruit, rien que du bruit. C’est au pied du mur que l’on voit, dit-on le vrai maçon. Quand on confond la truelle et le fil à plomb, il y a de sérieuses raisons de douter des qualités de vrai maçon. M. Adingra défend son pain, d’accord, mais est-ce une raison pour vouloir changer du vinaigre en vin fin ? Les économistes de la « pauvreté » comme nous aimons à désigner ces gens que tout le monde admire et qui ne font rien de vraiment concret, ont de beaux jours devant eux avec des gens comme M. Adingra. ADO fait partie de ceux dont tout le monde parle en bien mais qui laissent souvent le monde entier sur sa faim. Hier, à la primature, le magicien de l’économie avait lamentablement échoué, cela ne semble pas avoir ouvert les yeux à ses affidés. Néanmoins, on peut tous se réjouir de le voir découvrir la volupté que procure un climat apaisé Si ses adversaires faisaient la même chose que lui, ferait-il le bilan qu’il se donne ?

Louis-Freddy Aguisso

Sat, 05 Jan 2013 20:55:00 +0100

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