Tapis rouge pour le cinéma africain francophone à Hollywood

Djembés, champagne et  tenues colorées : c’est dans une ambiance de fête et de paillettes hollywoodiennes que s’est ouvert jeudi soir au musée d’art de Los Angeles (Lacma), la première édition du festival Caméras d’Afrique, consacré au cinéma francophone d’Afrique de l’Ouest. Pendant près d’un mois, du 3 au 28 octobre, le célèbre musée s’associe à la Loyola Marymount University, pour faire découvrir au public californien une vingtaine de pépites du 7e art africain francophone de ces cinquante dernières années. Une première à Hollywood, où ce cinéma reste très largement méconnu aussi bien du grand public que des amateurs de films indépendants.
À l’origine de ce projet ambitieux, deux afficionados du cinéma africain: le célèbre critique américain Elvis Mitchell, et le producteur et président de l’école de Film et de Télévision de l’université Loyola Marymount de Los Angeles, Stephen Ujlaki. "Cela fait plusieurs années que j’avais envie de créer un festival consacré au cinéma africain : j’en avais assez de voir des films sur l’Afrique réalisés uniquement par des Blancs" raconte Ujlaki. "Au festival de Leipzig, j’en ai parlé à un collègue qui m’a conseillé d’en discuter avec Mitchell qui avait exactement la même envie ! Nous avons alors commencé à travailler ensemble sur le projet, l’automne dernier". En quête de trésors cinématographiques, Mitchell et Ujlaki  s’envolent pour Paris puis Ouagadougou, à l’occasion du prestigieux festival de cinéma africain Fespaco, qui a lieu tous les deux ans au Burkina Faso.

Avant-premières américaines

À l’arrivée, leur sélection rassemble aussi bien des films et des documentaires de jeunes talents comme Alain Gomis et Mati Diop, que des œuvres de réalisateurs confirmés : de Mahamat-Saleh Haroun (nominé au festival de Cannes en mai dernier pour son film Grisgris), à Mama Keïta en passant par Gaston Kaboré, Idriss Diabaté ou encore Ousmane William Mbaye.
Plusieurs de ces films récents sont projetés pour la première fois à Los Angeles ou aux États-Unis : c’est notamment le cas de Grisgris, encore jamais diffusé sur le territoire américain et du documentaire de Mati Diop Mille Soleils (récompensé du grand prix du Festival international du documentaire de Marseille, en juillet dernier), projeté en avant-première dans la cité des Anges.
Caméras d’Afrique permet également aux spectateurs de (re)découvrir les grands classiques du cinéma africain, à travers une rétrospective allant des années 60 aux années 90 : d’Ousmane Sembène (Borom Saret, 1963), à Ababacar Samb-Makharam (Et la Neige n’était plus, 1965), en passant par Souleymane Cissé (Finyé, 1982 et Yeelen, 1987), Idrissa Ouédraogo (Tilaï, 1990, Grand Prix du Jury de Cannes) ou encore Mahamat-Saleh Haroun (Bye Bye Africa, 1999).

Séduire les professionnels d’Hollywood

Les films que nous avons choisi de montrer ici portent un regard spécifiquement africain sur le monde.
"Avec ce festival, nous essayons de toucher deux types de publics très différents : les cinéphiles amateurs mais aussi les professionnels d’Hollywood, susceptibles d’investir dans le cinéma africain qui a cruellement besoin d’être aidé" explique Elvis Mitchell, ancien critique cinéma au New York Times et responsable artistique du programme Film Independent au Lacma, dans le cadre duquel  Caméras d’Afrique est organisé. "Il existe encore aujourd’hui tout un tas de stéréotypes à propos de l’Afrique : les gens la perçoivent d’abord comme  un grand pays, au lieu de la comprendre comme un continent aux multiples identités. En montrant des films du Tchad, du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso ou encore de Côte d’Ivoire, nous espérons briser ces a priori". Stephen Uljaki, qui au sein de son école, forme les nouveaux talents du cinéma américain, souhaite de son côté que Caméras d’Afrique puisse "inspirer ses élèves en les initiant et les sensibilisant à différents styles narratifs", inspiré notamment de la tradition orale. "Les films que nous avons choisi de montrer ici portent un regard spécifiquement africain sur le monde, différent de celui que l’Occident peut lui attribuer. Grâce au cinéma, l’Afrique peut enfin se réapproprier son image", loin d’une vision européenne trop souvent misérabiliste.
Les organisateurs du festival Caméras d’Afrique réfléchissent déjà à la prochaine édition qui aura probablement lieu à l’automne 2014 et pourrait explorer cette fois-ci le cinéma d’Afrique de l’Est. Une nouvelle qui réjouira sûrement le réalisateur et producteur Martin Scorsese, fervent soutien du cinéma africain : celui-ci vient d’ailleurs de restaurer Touki Bouki de Djibril Diop Mambéty (1973), un road movie africain figurant à l’affiche de "Caméras d’Afrique". Fâché pendant un temps avec la direction du Lacma, qu’il a publiquement accusé de négliger le 7e art, Scorsese semble depuis s’être réconcilié avec le prestigieux musée qui a fait de gros efforts  ces dernières années pour améliorer sa programmation cinématographique. Caméras d’Afrique en témoigne.  

In 

Jeune Afrique
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Sat, 12 Oct 2013 20:28:00 +0200

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